« Je quitte peu à peu le cercle, je dépasse la noria des images et des gestes, je rejoins le Centre. Et là, d’un coup, le monde nouveau se déploie ». Ce dernier paragraphe du roman pourrait venir juste avant le premier : « C’est maintenant l’œil du cyclone, au centre du tourbillon. Tout est d’un calme si extraordinaire que je n’ai plus rien à comprendre… » Le texte de Sollers tourne, plonge, s’extrait. Tout cela avec une étrange légèreté, l’allègement trouvé dans la sensation de qui est le là, l’accord donné au mouvement d’expansion-condensation, dilatation-densification, transformations infinies. A chaque page, Sollers capte un constat, puis il pousse plus loin le commentaire : il rebondit. A sa table d’écriture, il vit sur Terre et au centre de l’Univers.
Mais ce n’est point par hasard que dans le roman il est beaucoup question de la psychanalyse. Les « rentrées littéraires » depuis quelques années offrent en effet une quantités de récits qui ressassent les mêmes plaintes et problèmes et embarras psychologiques comme doit les écouter, professionnellement Nora, la psychanalyste du livre de Sollers.
En passant, voici qu’apparaît Jacques Lacan, après sa journée (ennuyeuse) : « Ensuite, au restaurant, avec le champagne rosé, quelle gaieté ! Le mot d’esprit en lui-même. Une sorte de bonté. »… Je dirai que l’écriture de Sollers est pétillante --- et d’une grande bonté.
Je pense parfois que de nombreuses connaissances « classiques » peuvent manquer aux poètes d’aujourd’hui. Par exemple : qui a lu Guez de Balzac ? Je propose que l’on mette au programme du baccalauréat littéraire la lecture de Centre et du Prince.
Claude Minière
Philippe Sollers, Centre, Gallimard, 128 p., 12,50€