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Éditeur Manga : Ki-oon, à l’aube d’un tournant majeur

Publié le 10 mars 2018 par Paoru

ki-oon 2017-2018

Interview éditeur 2018, épisode 2 !

Après Christel Hoolans, retour d’un autre habitué de ces colonnes, je parle bien sûr des éditions Ki-oon ! Ahmed AGNE, son directeur éditorial, a accepté de revenir avec moi sur l’année écoulée mais surtout sur ses projets futurs avec, en tête, la création originale. Ce pan du catalogue  évolue chez l’éditeur, et passe de projet ponctuel à stratégie de fond, sur la durée, symbolisée par un magazine papier paru début janvier qui présentait toutes ces créations 2018 aux lecteurs.

Cette politique de création d’inédit à côté de l’achat de licence est un chemin que plusieurs maisons spécialisées dans le manga empruntent, par le biais d’auteurs français souvent, là où Ki-oon tente de devenir une sorte d’éditeur hybride entre France et Japon. Tout ça soulèvait pas mal de sujets d’échange et constituait donc pour moi le fil rouge parfait pour cette entrevue, en le croisant avec le bilan annuel sur le marché du manga.

Je vous laisse voir le résultat, bonne lecture

😉

La création originale prend son envol

Ahmed AGNE - Crédit Photo ©Le Monde.Fr

Ahmed AGNE – Crédit Photo ©Le Monde.Fr

Paoru.fr : Bonjour Ahmed et merci pour ton temps.
Je viens de lire votre mag consacré à la création made in Ki-oon. Il est représentatif de pas mal de choses, pour Ki-oon mais même au-delà, je pense donc qu’il fera un très bon fil conducteur pour cette interview.

Premier point : tu dis dans l’édito du mag que 2018 est un, je cite, “tournant majeur pour Ki-oon” par rapport à la création originale. Qu’est-ce que tu entends par tournant majeur ? Est-ce un rééquilibrage entre achat de licence et création chez vous ?

Ahmed Agne : “Tournant majeur” parce que nous avons ouvert en octobre 2015 un bureau à Tokyo qui est dédié à la création originale. C’est le travail de Kim BEDENNE qui est sur place depuis cette date, de m’aider à développer ce segment du catalogue. En 2018, nous publions les 5 premières séries nées de l’implantation de ce bureau au Japon.

C’est un tournant puisque désormais, chaque année, nous allons publier environ cinq nouvelles créations originales, et donc créer un flux régulier de lancements sur le très long terme.

Par contre, cela ne se substitue pas à l’achat de licence qui va rester stable en nombre de parutions. L’idée, c’est que le nombre global de nos parutions va légèrement augmenter avec la création originale.

Cela vous amène à combien de sorties pour 2018 par rapport à 2017 ?

En 2017 nous étions à 110 nouveautés dont 4 coffrets, soit 106 “vraies” nouveautés, comme en 2016, alors qu’en 2018 nous serons probablement autour de 116 nouveautés.

Donc on a bien compris le sens du “tournant majeur” mais pourquoi ce choix de pérenniser la création originale ?

Nous avons toujours voulu le faire, c’est juste que jusqu’à maintenant, nous n’avions pas les moyens de le concrétiser à cette échelle-là. Il faut bien comprendre que c’est un investissement conséquent : ouvrir un bureau, embaucher une éditrice, financer des projets pendant 2, voire 3 années avant même de pouvoir sortir un premier tome sur lequel commencer à gagner un peu d’argent… Ce sont des investissements qui nous étaient impossible il y a encore cinq ou six ans à cette échelle-là mais que nous pouvons consentir aujourd’hui car notre catalogue de licences est pérenne, avec de gros succès qui nous permettent de planifier sur le plus long terme.

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Au sein du magazine il y a une majorité d’auteurs japonais mais aussi quelques auteurs français : quelle répartition entre les deux pour vos créations originales ?

Les auteurs français sont inclus dans ce magazine parce que nous voulions parler de création originale au sens large du terme. SHONEN avait une histoire bonus originale à raconter, on s’est dit que ce serait sympa de l’ajouter à ce premier numéro.

Mais les lancements d’auteurs français sont eux toujours liés à notre Tremplin manga, il y aura donc au mieux, une nouveauté par an de ce côté-là.

Puisque l’on évoque les auteurs français, quels premiers “bilans” tu fais sur Outlaw Players et Green Mechanic ?

Ça se déroule plutôt bien pour les deux séries ! Les lancements d’auteurs français dans notre catalogue se positionnent dans la moyenne des lancements de licences japonaises. Pour donner un exemple très concret, Green Mechanic que nous avons lancé au mois de juin 2017, a mieux démarré que Man in the Window, Les Fleurs du mal ou Isabella Bird. La série n’est pas au niveau de très gros succès comme Reine d’Egypte, Im ou Les Mémoire de Vanitas, mais elle reste dans la moyenne, ce qui est déjà très bien pour de la création française.

L’objectif n’était pas forcément de rivaliser en termes de ventes avec les best-sellers japonais car on ne part pas avec la même notoriété, on ne peut pas s’appuyer sur un anime ou un jeu vidéo, et il y a une certaine méfiance d’une partie du public vis-à-vis des auteurs français… Mais, malgré tout ça, ça reste tout à fait correct, et mieux que les mangas du même profil publiés chez nos concurrents. Si la question est « allez-vous continuer d’en publier ? » : oui, absolument !

Pour en revenir aux auteurs japonais : comment arrivez-vous à les convaincre de faire des mangas pour qu’ils soient publiés à l’étranger plutôt que chez eux ?

Notre historique de travail avec des auteurs indépendants, notamment Tetsuya TSUTSUI, joue en notre faveur. Aujourd’hui c’est un auteur qui même au Japon jouit d’une réputation bien installée, alors qu’il a d’abord été publié en France pour sa première œuvre. Ses œuvres ont été adaptées au cinéma ou à la télévision, il fait parler de lui. Si on ajoute à ça notre travail avec d’autres indépendants comme Mamiya TAKIZAKI ou Keisuke KOTOBUKI, ça nous fait pas mal de cartes de visite. Du coup, même si nous effectuons évidemment une prospection active en nous rendant au Comiket, en allant sur le web, etc., il y a un bon nombre d’auteurs qui nous contactent directement pour nous présenter leurs œuvres. C’est plutôt gratifiant !

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Tetsuya Tsutsui (2012)

En parlant de Tetsuya TSUTSUI, est-ce que sa situation par rapport à la censure de Manhole a évoluée depuis la publication de Poison City ?

Non la situation est inchangée. C’est toujours en statu quo et considéré comme un ouvrage nocif dans la fameuse préfecture.

Mais est-ce qu’il en est sorti ou resté quelque chose, d’avoir publié cette œuvre de mise en garde qu’est Poison City ?

Tetsuya a eu pas mal de retours d’auteurs, de libraires et de lecteurs qui connaissaient Manhole et la censure dont il faisait l’objet. Plusieurs auteurs, à la suite de ça, ont raconté leurs propres expériences de censure, assez équivalentes. Maintenant la chose existe toujours et ne s’est pas arrêtée ou n’a pas ralenti pour autant, même s’il y a eu une petite prise de conscience, notamment dans le milieu des connaisseurs et des spécialistes de manga.

Ok. Est-ce que vous travaillez toutes ces licences inédites d’auteurs japonais à l’international, en dehors de la France s’entend ? Vous l’aviez déjà sur les précédentes créations originales il me semble…

Oui, depuis notre toute première création originale Element Line déjà, nous représentons et gérons les droits de nos auteurs au niveau mondial. Nous vendons donc leurs séries à plusieurs éditeurs étrangers de manga sur tous les continents. Pour les nouvelles œuvres du magazine c’est exactement le même cas de figure, elles sont en cours de présentation en ce moment. Nous travaillons par le biais de notre agent japonais, Tuttle-Mori, qui a l’habitude de vendre nos licences aux éditeurs américains, italiens, brésiliens, etc. Ils vont commencer à les commercialiser cette année et ne devraient pas avoir trop de mal car ils ont déjà beaucoup de sollicitations.

C’est aussi une des raisons pour laquelle nous faisons de la création originale, cela nous permet de diversifier nos revenus, et de ne pas uniquement être dépendant de l’achat de licences, car ce dernier a un côté très aléatoire. Tu peux bien découvrir un auteur peu connu, le défendre avec toute ton énergie et l’imposer sur ton marché national, ça ne te donne pas pour autant de garanties de récupérer sa série suivante. Voyez ce qui nous est arrivé avec Yoshitoki OIMA (A Silent Voice), par exemple. On ne peut pas dire que Ki-oon ne s’est pas démené pour cette œuvre : A Silent Voice a été le meilleur lancement manga de l’année 2015, et c’était loin d’être gagné d’avance. Mais Kodansha ne nous a pas pour autant cédé les droits du merveilleux To Your Eternity. Ce n’était pas faute de volonté de notre part, mais ça fait partie du jeu. Bref, il y a très peu de garanties.

Autre opportunité par rapport à ces créations originales : est-ce que c’est aussi une porte qui s’ouvre vers de la publication au format numérique ?

C’est une des idées, même s’il n’y a rien d’acté et de fait sur ce point. En tout cas ça nous donne la possibilité de développer notre catalogue comme nous avons envie de le faire car, pour l’instant, ce n’est pas en accord avec ce que la plupart de nos partenaires japonais nous autorisent à développer.

De manière plus générale, la création originale offre beaucoup plus de liberté. Là par exemple je viens de vendre une option cinéma pour le Manhole de Tetsuya Tsutsui à un producteur coréen. Ce sont des choses très amusantes à développer mais cela ne peut se faire que dans le cadre de la création originale.

Ça ne veut pas dire que l’achat de licence n’offre pas aussi d’immenses possibilités. Ce serait extrêmement prétentieux de penser que nous pouvons créer avec nos propres moyens des succès aussi importants qu’un My Hero Academia par exemple. Shueisha a un tel savoir-faire en la matière, que du jour au lendemain, avec leur force de frappe, on peut se retrouver à travailler avec Namco Bandai, avec Warner… Bref de nombreux partenaires auxquels on a accès uniquement parce que la licence a déjà dépassé les 12 millions d’exemplaires vendus au Japon et qu’elle a un potentiel important à l’échelle mondiale.

Ce sont deux métiers différents avec leurs avantages et leurs désavantages. Le désavantage de la création originale est que cela coûte beaucoup plus cher que l’achat de licence, en moyenne, mais c’est de moins en moins vrai.
La compétition et les prix sont devenus tellement élevés dernièrement que l’acquisition de certaines séries à potentiel coûte autant que le développement d’une œuvre de création originale. Donc à tarif équivalent, ça peut être plus intéressant de créer ses propres productions dans une certaine mesure.

Un dernier point sur ce sujet… On nous pose souvent la question “mais n’avez-vous pas peur que les éditeurs japonais s’offusquent et vous voit comme un concurrent et arrêtent de vous vendre des licences, etc.

Déjà, nous ne sommes pas du tout dans l’optique d’aller frapper à la porte de monsieur Akira T. et de lui demander de nous faire un manga avec des guerriers de l’espace blonds. (Rires)

Nous préférons travailler avec des jeunes auteurs indépendants qui n’ont aucune attache avec des éditeurs japonais. Nous ne sommes absolument pas là-bas pour voler ou récupérer des auteurs et du coup notre démarche est très bien accueillie et très bien comprise des éditeurs japonais. Ils sont même plutôt curieux en la matière et nous demandent de montrer ce que l’on fait à chaque fois pour qu’ils jettent un œil aux titres et voir s’ils ne sont pas susceptibles de les intéresser.

Ki-oon : le bilan 2017

Puisque tu évoques tes échanges avec les éditeurs japonais, j’avais une question ou deux autour de My Hero Academia : est-ce que le succès de cette licence vous a ouvert des portes, pour peu qu’il y en ait eu encore à ouvrir ?

MHA 11
Alors de nouvelles portes, non, car nous travaillons déjà avec tout le monde. Par contre, ça a établi notre crédibilité sur le segment du shônen. Jusqu’ici, nous avions un catalogue plutôt marqué seinen, donc quand nous étions en concurrence sur un titre shônen, nous n’avions pas autant de légitimité que certains de nos concurrents. Aujourd’hui, nous sommes aussi crédibles avec cette casquette shônen. Même si nous n’avons pas vocation à devenir un Glénat ou un Kazé Manga et à publier majoritairement du shônen, les éditeurs japonais savent que nous sommes capables de transformer l’essai avec un gros titre du Weekly Shonen Jump ou du Shonen Magazine.

Ahmed sourit, et poursuit…

En revanche, en un sens, ça a changé ma vie : j’ai toujours fait des interventions en bibliothèque et en école et, jusqu’à présent quand je me rendais dans les collèges ou lycées pour parler du métier d’éditeur de manga, les élèves ne situaient pas forcément les séries de mon catalogue. Ils citaient naturellement des blockbusters shônen comme One Piece, Naruto ou Fairy Tail, etc.

Mais depuis 2017 j’arrive un peu en territoire conquis, avec des adolescents qui ont des étoiles dans les yeux : “Monsieur, c’est toi qui fais My Hero Academia ?! J’aime trop tel personnage ou tel passage.

J’avoue que c’est une consécration qui fait sacrément plaisir après 14 ans d’existence ! (Rires)

Et du coup quel bilan pour My Hero Academia sur 2017 ?

Un bilan exceptionnel et en ligne avec les attentes puisque les ventes de la série progressent de 92,7 %.

Joli ! D’autant que nous l’évoquions l’an dernier, et que tu annonçais justement un doublement des ventes.

Exact. Lorsqu’on a commencé à parler de la série en 2016, beaucoup de comparaisons ont été faites avec One-Punch Man et on nous a demandé si on pensait avoir fait le bon choix. J’avais expliqué que notre pari reposait sur un plus grand potentiel de My Hero Academia sur le long terme… et j’avais demandé à ce qu’on me repose la question dans cinq ans pour vérifier si le pari était gagnant ou pas.

Finalement nous n’aurons pas eu besoin d’attendre autant puisqu’en 2017, My Hero Academia a déjà doublé One-Punch Man en termes de ventes, et est aujourd’hui la 3e série du marché derrière One Piece et Fairy Tail. Ce qui n’enlève rien aux qualités de One-Punch Man, bien entendu.

Basculons sur les autres titres Ki-oon de 2017 pour en faire le bilan et continuons avec les shônens !

Sur les shônen, Im a été une très bonne surprise. Nous croyions au potentiel du titre mais il a fonctionné au-delà de nos espérances. Il a démarré presque aussi bien que Les Mémoires de Vanitas qui est une série dont l’auteure est déjà beaucoup plus installée.

Im_Kioon

Plus généralement, quels sont les autres lancements à succès de l’année ?

Notre gros lancement et notre grosse satisfaction sur 2017 était Reine d’Égypte, clairement. C’était le premier titre de la collection Kizuna, une collection plus grand public. Le lancement au Salon du Livre a pas mal marqué les esprits (NDLR : voir l’interview de l’auteure ici ou la photo ci-dessous). Nous avons axé notre stand sur la thématique égyptienne pour attirer les badauds et les gens qui ne sont pas connaisseurs ou spécialistes mais qui pourraient s’intéresser à la vie et à l’histoire de Hatchepsout. Et ça a marché : nous avons eu une couverture média bien plus large que les seuls spécialistes de manga voir même de BD.

De plus c’est une série qui a continué de très bien fonctionner au-delà du tome 1 avec un taux de fidélité important. Un peu de la même façon qu’avec Bride Stories, nous perdons très peu de lecteurs sur les tomes 2 et 3.

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Reine d’Egypte au Salon du Livre – Photo © P.OZOUF pour Journal du Japon

Des déceptions sinon ?

Hanada, le garnement. C’est une déception toute relative bien sûr…

Oui tu m’avais dis l’an dernier qu’il serait compliqué de convaincre avec ce titre…

C’est une série que j’adore et qui m’a beaucoup touché. J’aurais aimé la voir bien mieux fonctionner mais ça n’a pas vraiment pris. Ceux qui la lisent l’apprécient mais ils ne sont pas très nombreux…

Ensuite Les Fleurs du mal, mais là aussi, compliqué de parler totalement de déception puisque 5 000 exemplaires écoulés sur le premier tome au vu de la thématique compliquée, ça reste un score correct. C’est juste que le travail d’OSHIMI me fascine tellement que j’aimerais qu’il convainque encore plus de lecteurs !

Si on continue sur les seinen ?

Nous n’avons pas eu tant que ça de lancement seinen cette année. Il y a eu Man in the Window qui a moyennement fonctionné. Et les ventes de Lockdown ne sont pas très bonnes, mais cela nous renvoie à un sujet que nous avions déjà abordé…

Oui la thématique du Game / Survival saturé…
Voilà, avec une certaine lassitude du lectorat et du coup c’est plus un constat qui se confirme qu’une déception à proprement parler.

En fait, plus globalement, ça n’a pas été forcément une grosse année seinen pour nous car nous étions surtout concentrés sur le lancement de Kizuna.

Kizuna en 2018 justement, qu’est-ce que l’on peut attendre de nouveau dans cette collection ?

Notre gros lancement Kizuna en 2018 ce sera Beyond the Clouds. C’est un récit d’aventure grand public, dans la lignée des films Ghibli de Miyazaki, naïf-poétique dans l’esprit.

BeyondTheClouds_annonce

Il y a une raison d’ailleurs pour laquelle c’est lui qui fait la couverture du magazine ?

Parce que c’est mon petit chouchou et que j’adore l’univers graphique de cette auteure (rires) !

Tout simplement…

Voilà. Nous aurions pu jouer la sécurité éditoriale et commerciale en mettant en avant Tetsutya TSUTSUI parce qu’il est très bien identifié par le public. Je me suis qu’au contraire, il a déjà son public et que nous avons suffisamment de certitudes quant à l’avenir de Noise pour laisser la couverture à une petite jeune ce coup-ci.

En parlant de collection : sur 2017 il y a eu un titre publié dans la collection Latitudes c’est bien ça ?

Oui, l’Île errante.

Ça peut paraître peu…

En fait pour Latitudes c’est complètement conjoncturel. C’est une collection pour laquelle je ne me fixe pas d’objectif quantitatif de sorties à l’année. On parle de manga d’auteur et de séries d’exception, c’est donc très fluctuant : si j’ai la chance d’avoir des coups de cœur, je les sors, si je n’en ai pas, tant pis ! Publier pour publier n’a jamais été dans l’ADN de Ki-oon, ça dévaluerait l’image du catalogue. En 2018, il y a Sous un Ciel Nouveau, la suite de l’Île Errante, et Souvenirs d’Emanon qui vient juste de sortir… ce qui est déjà très bien !

Souvenirs Emanon_annonce

Autre sujet, sur un type de format que je n’ai pas vu chez Ki-oon : la remise en avant des anciens succès dans des éditions deluxe…

C’est difficile de faire ça au vu de notre catalogue. C’est beaucoup plus pertinent à faire quand tu es un éditeur historique comme Glénat, ou Kana, que tu es là depuis 20 ans ou 30 ans et que tu as défriché le genre, avec dans ton catalogue des titres comme Ranma ½ , Dragon Ball Z, Ghost in the Shell… Il y a eu beaucoup de temps écoulé depuis la première parution et un côté nostalgique très fort auprès des lecteurs de ces séries-là.

Nous avons un catalogue qui est encore très jeune, avec beaucoup d’auteurs qui débutent juste dans leur carrière…

Cela dit dans 15 ans ou 20 ans, j’imagine qu’il y aura une édition Deluxe pour My Hero Academia ! (Rires)

Mais il n’y a pas beaucoup de séries du catalogue qui se prêtent à ça actuellement, et je n’ai pas envie de faire de la Perfect Edition pour faire de la Perfect Edition. Notre logique serait davantage de remettre en avant les titres d’un auteur si jamais nous publions l’une de ces nouvelles séries par exemple.

C’est aussi important d’ancrer le nom des auteurs dans l’esprit des gens…

Oui bien sûr. Nous avons constaté par exemple qu’avec Tetsuya TSUTSUI – car cela fait 14 ans que son premier titre est paru chez nous ! – différentes générations de lecteurs l’ont découvert avec des séries différentes. Les plus vieux ont commencé avec Duds Hunt mais il y a aussi plein d’adolescents qui l’ont découvert avec Prophecy. Comme ils ne connaissent pas les titres précédents de l’auteur c’est essentiel de les remettre en avant à chaque fois qu’il y a une actualité.

Enfin pour 2018, en dehors de la création originale, qu’est-ce qui nous attend chez Ki-oon ?

En achat de licence, il y a Black Torch qui vient de sortir, et qui a connu un lancement exceptionnel : c’est le 2e plus gros démarrage de l’histoire de Ki-oon ! C’est une grande satisfaction pour un titre qui disposait d’une très faible pré-notoriété avant sa sortie et qui est la toute première série de son jeune auteur, Tsuyoshi TAKAKI.

black torch

Et ensuite ?
Ensuite il y a Isaak en mars, qui prend le relais de Reine d’Égypte dans la catégorie blockbuster historique.

Ah ? Tu m’intéresses !

Oui, car derrière ce pitch à première vue un peu incongru de samurai qui débarque en Europe au XVIIe siècle, le titre est extrêmement documenté… La raison pour laquelle Shinji MAKARI a eu l’idée de ce manga est qu’il est tombé un jour sur une reproduction de carte de l’Europe du XVIIe siècle qui était agrémentée de dessins des combattants de l’époque : des Espagnols, des Français, des Allemands, des Italiens, etc.. Et sur cette carte-là il tombe sur un combattant qui n’a absolument rien d’européen : il y a les yeux bridés, il porte une armure très différente, c’est clairement un Japonais.

Il se demande donc ce qu’un Japonais peut faire sur une carte européenne si ancienne, et en grattant un peu il se rend compte que dès le début du XVIIe siècle à la fin des conflits moyenâgeux au Japon, de nombreux samouraïs qui se sont retrouvés sans maître à défendre, ont décidé, pour plusieurs centaines d’entre eux, de quitter le Japon pour s’engager comme mercenaires dans les colonies hollandaises, portugaises, etc. Et, parmi eux, certains ont échoué en Europe.

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C’est amusant puisque comme on tombe cette année sur les 150 ans de l’Ère Meiji, on parle beaucoup des Occidentaux qui ont mis un pied au Japon – comme Isabelle Bird chez vous – mais l’inverse est totalement méconnu.

Oui voilà, c’est un peu The Last Samurai à l’envers. Au lieu d’un Tom Cruise qui va apprendre la vie à ces sauvages de Japonais, on aura un beau et ténébreux Japonais qui vient nous apprendre à faire la guerre. (Rires)

Ensuite il y a d’autres belles choses à venir, mais je ne peux pas encore en parler.

Dernière question : cette année marque une nouvelle progression pour le marché du manga, nous avons même dépassé le record historique des 15 millions d’exemplaires vendus et tu me disais avant l’interview qu’il n’y a pas de raison que cet élan s’arrête dans les prochaines années. Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

Ce qui me fait dire ça c’est que les trois séries qui ont fait vivre le marché pendant des années sont en recul fort depuis trois ans alors que nous sommes en forte progression deux ans de suite, donc clairement il y a un relais qui a été pris.

Ce qui me fait dire ça c’est que My Hero Academia n’est qu’au début de son histoire et de son marathon, et que plus le temps va passer, plus la série va recruter de nouveaux lecteurs et s’imposer comme le leader du marché.

Sans compter que One-Punch Man est toujours là, que Kazé va lancer le très attendu The Promised Neverland cette année, que nous avons lancé Black Torch avec succès, que Glénat arrive avec Dr Stone, Pika avec L’Atelier des Sorciers… Bref, énormément de séries à potentiel qui continuent d’émerger chez tous les éditeurs et qui font penser que le marché est bien engagé pour un certain nombre d’années.

Il y a donc de quoi être optimiste !

Ce sera parfait comme mot de la fin. Bonne année 2018 à Ki-oon !

Pour suivre Ki-oon vous avez le choix : vous pouvez suivre leur actualité sur leur site internet, leur page Facebook ou leur Twitter ! Merci à Ahmed Agne pour son temps et sa disponibilité. Merci également à Marine pour la mise en place de cette interview !


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