Le Ministre algérien des affaires étrangères Messahel Abdelkader a affirmé à Alger lors de l’université d’été du Forum des chefs d’entreprise :
« Le Maroc recycle en réalité l’argent du haschisch via ses banques dans le continent africain ». Il accuse également la Royal Air Maroc « de ne pas transporter que des passagers ». D’après lui, ce sont des chefs d’États africains qui lui auraient rapporté ces propos.
Cette déclaration du haut responsable algérien a suscité une levée de boucliers au Maroc où le gouvernement et toute la classe politique en passant par les ONG ont dénoncé les paroles du ministre algérien. Pour condamner les affirmations du ministre algérien, le Maroc rappelle dès le lendemain son ambassadeur en Algérie.
Pour sa part, l’Algérie est restée muette et sans réaction face à cette polémique créée par son Ministre des affaires étrangères, qui est surtout le détenteur de sa vision étrangère. Cette position algérienne vise deux buts : à confirmer les dires de son Ministre (l’adage nous dit : qui ne dis rien, consens) et surtout d’infantiliser le Maroc.
Un contentieux diplomatique à rebondissement multiples
Les sources de tensions parfois marquées par des rappels d’ambassadeur pour « consultation » sont relativement fréquentes entre les deux voisins du Maghreb. De même, La frontière algéro-marocaine est fermée depuis 1994 et les deux pays entretiennent des relations difficiles, en particulier autour de la question du Sahara occidental. Par conséquent L’Algérie et le Maroc n’ont jamais été les meilleurs amis du monde. Mais depuis quelques temps, la tension semblait baisser entre les deux pays. En effet, elle est revenue au diapason suite à la récente déclaration d’Abdelkader Messahel, ministre algérien des affaires étrangères accusant le Maroc de blanchir l’argent du “haschich” en Afrique.
Après son intervention, très tôt le ministère marocain des Affaires Etrangères a réagi via un communiqué qualifiant de gravissimes les “propos affabulatoires” de son homologue algérien. Selon la diplomatie chérifienne le ministre algérien a fait preuve “d’une ignorance aussi profonde qu’inexcusable des normes élémentaires du fonctionnement du système bancaire et de l’aviation civile. Ses déclarations sans fondement ne sauraient porter atteinte à la crédibilité ni au succès de la coopération du Maroc avec les pays africains ». En effet, pour Rabat, ces paroles du ministre algérien sont « d’un niveau d’irresponsabilité sans précédent dans l’histoire des relations bilatérales » et « ces allégations » mensongères ne peuvent justifier les échecs ou cacher les véritables problèmes économiques, politiques et sociaux l’Algérie.
Pour montrer son indignation face à cette polémique, la compagnie nationale Royal Air Maroc, au cœur de la stratégie diplomatique africaine du royaume, s’est dit « scandalisée par les allégations calomnieuses » du chef de la diplomatie algérienne, se targuant d’être une « compagnie internationalement reconnue. Dans cet élan de répondre à l’Algérie, Royal Air Maroc après la qualification du Maroc pour le Mondial 2018 a chambré l’Algérie, pays voisin absent de la compétition en postant ce tweet « Effectivement nous ne transportons pas que des passagers. Nous accompagnons aussi nos Lions en Russie ! Et ça, tout le monde le sait ».
Pour répondre au Ministre algérien, le Groupement Professionnel des Banques du Maroc s’insurge vigoureusement contre ce discours tenu par Messahel Abdelkader. Selon lui, les déclarations du ministre algérien témoignent de l’ignorance totale et flagrante des règles de gouvernance et d’éthique qui régissent les activités des banques marocaines dans le monde et bien entendu sur le continent africain. Il affirme que les propos de Messahel s’inscrivent totalement à contre-courant de l’évolution institutionnelle et économique qu’ont connu les « frères » africains dans tous les domaines. Pour étayer ses dires, le GPBM s’appuie sur la reconnaissance des instances internationales notamment la Banque Mondiale, le FMI et le groupe intergouvernemental de référence mondiale le « GAFI » (Groupe d’Action Financière) , des agences de notation et des observateurs de la finance dans le monde, et insiste que le secteur bancaire marocain est cité comme référence dans la région MENA et en Afrique par sa solidité, ses performances et son respect des règles prudentielles les plus avancées particulièrement les normes Bâle II et III, IFRS.
Le soutien de la société civile marocaine à la position officielle du Royaume
La Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) s’est indignée et a rejeté »avec force’’ les propos »irresponsables’’ et »les accusations infondées’’ portées par le ministre algérien des Affaires étrangères à l’encontre d’acteurs économiques marocains opérant sur le Continent africain. En effet, pour elle cette sortie diffamatoire constitue d’abord une insulte à l’intelligence des acteurs économiques algériens, conscients de la pertinence du modèle économique et du partenariat marocain, fondés sur une démarche Sud-Sud équitable, porteuse de développement et de croissance pour l’ensemble du continent africain. Pour le patronat Marocain ces affirmations algériennes constituent également une atteinte à la souveraineté des Etats africains et une agression à leurs organes de gouvernance, de régulation et de sécurité.
La presse marocaine a critiqué la sortie de Abdelkader Messahel, une partie dans des termes assez violents, tandis que quelques titres algériens n’ont pas hésité à épingler le ministre. Pour le quotidien El Watan « Abdelkader Messahel a défendu l’Algérie en insultant les autres ». Dans son éditorial, le journal algérien dénonce « les éructations d’un régime qui se pense le meilleur en tout », accusant le ministre d’impliquer l’Algérie « dans une inutile sur-crise avec le Maroc ». « Le ministre des Affaires étrangères n’ignore pas que les temps sont mûrs pour les va-t-en-guerre des deux côtés », a de son côté mis en garde Le Matin d’Algérie.
Le Rassemblement national des indépendants (RNI), l’un des principaux partis politiques marocains, a dénoncé les déclarations « incompréhensibles » et « erronées » du ministre algérien des Affaires étrangères sur le Maroc. Le RNI a cependant déploré ces messages « négatifs » qui entravent le rapprochement entre les acteurs économiques et les institutions financières jouant un rôle pionnier dans le renforcement de la coopération algéro-marocaine. Enfin Ces déclarations « n’entameront en rien la détermination et l’engagement responsable des entreprises marocaines à la réalisation d’un véritable décollage économique dans la région », conclut le RNI.
À Alger, les responsables veulent calmer l’incendie. Les Algériens reconnaissent à priori que les propos du ministre ont déclenché une tempête médiatique, politique et diplomatique. Par conséquent, ils évitent de nourrir la crise avec d’autres déclarations. Pas de surenchère donc. Ainsi, réuni avec ses principaux conseillers après le pataquès, le chef de la diplomatie tente de minimiser la portée de ses propos.
Le premier ministre algérien Ahmed Ouyahia qui pour sa part a apporté son soutien au ministre des Affaires étrangères Abdelkader Messahel, qui a provoqué un incident diplomatique avec le Maroc, après ses déclarations sur le blanchiment de l’argent du haschisch marocain en Afrique. En effet il a affirmé : « Si nos voisins s’émeuvent, tant pis pour eux, et tant mieux pour nous », en tant que chef du RND. Ses propos tenus en tant que chef du parti au pouvoir, montre à quel point la division avec le Maroc sévit au plus haut sommet du pouvoir algérien. Cette disposition officielle nous montre que le message du ministre Messahel n’était pas une bourde.
Un apaisement provisoire des tensions
Le site d’information Lexpressiondz.com, citant une source diplomatique algérienne, estime qu’il s’agit d’ »une tempête dans un verre d’eau ». Le support parle d’une ambiance « calme et sereine » qui régnerait au ministère des Affaires étrangères et qualifie la réaction de la diplomatie de Rabat « d’escalade marocaine voulant créer un incident diplomatique de toute pièce ». Pour le quotidien, évoquant toujours la même source : »Cette réaction dénote de la panique et de la frilosité marocaine à chaque fois qu’il s’agit de l’Algérie ». Il insiste que les propos du ministre des Affaires étrangères « ne soient qu’une infime partie de la vérité sur le dossier de la drogue et du blanchiment d’argent ».
Cette crise algéro-marocaine est le fait d’une normalité apparente. En effet, il est d’actualité de constater fréquemment des tensions entre les deux pays. Cette banalité explique le mutisme des autorités algériennes quant à la bourde causée par son Ministre des affaires étrangères.
Néanmoins sur le plan africain, le Maroc a déployé une véritable stratégie de reconquête sur tous les plans. Cela est perceptible par de nombreux voyages privés et d’affaires du Roi du Maroc dans beaucoup de pays africains où il a signé de nombreuses conventions dans le domaine des infrastructures, du sport, de la religion, de l’éducation, des télécommunications et de la finance.
Le Royaume Chérifien vise à travers ce gigantesque plan d’actions, de développer un modèle de coopération sud-sud. Le vrai objectif « soft-power » du Maroc est surtout de consolider et de renforcer la force de sa matrice socio-dynamique en consolidant ses soutiens sur le sujet du Sahara marocain mais en plus d’essayer de faire infléchir certaines positions hostiles à son égard ; surtout de confondre l’Algérie qui se replie sur elle-même, avec un pouvoir politique faible et un regain de violence faite aux immigrés africains en leur demandant de partir par des mesures d’expulsion. Dans le même temps, le Royaume du Maroc lance de nombreuses vagues de régularisation et d’intégration des immigrés africains.
L’ultime action du retour du Maroc sur la scène politique africaine reste sa réintégration au sein de l’Union Africaine, où son avis commence à compter et surtout que le Maroc se positionne comme le Leader naturel pour de nombreux pays africains francophones.
Ali Dembele
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