Charles Juliet a entrepris depuis la fin des années 50 la constitution d'un journal ample et fourni qui est depuis quelques temps édité chez P.O.L. L'auteur originaire de l'Ain s'est lancé sans filet dans le grand huit de l'écriture, abandonnant ses études de médecine pour se consacrer à cet art. Un acte courageux et noble qui inspire d'autant plus que soixante ans plus tard, Charles Juliet poursuit la publication de cette oeuvre autobiographique et peut se targuer d'avoir réussi son pari. Pourtant, comme en atteste la lecture de "Ténèbres en terre froide", premier tome de son journal, tout n'était pas gagné d'avance. Car il faut avoir le moral au beau fixe avant de se lancer dans la lecture de ce volume inaugural. Obsédé par le suicide, très critique à l'égard de lui même, rempli de doutes sur le sens d'une vie à consacrer à l'écriture, Juliet écrit sans fard ni tamis. J'ai parfois eu du mal à me frotter à ce genre de narration du vrai qui frappe droit à l'âme de celui qui lit et qui écrit.
Il faut pourtant dépasser ces malaises qui nous saisissent à la lecture de ces paragraphes plein de noirceur pour rebondir sur l'enchantement dont Juliet se fait l'écho lorsqu'il produit une oeuvre qui le satisfait ou qui élève son âme.
Il est étonnant de ressentir une fraternité et une proximité avec Juliet car à plusieurs reprises j'ai retrouvé dans ces pages des sensations que j'ai moi même ressenti plusieurs fois face à l'écriture.
Voilà un journal singulier qui mérite la lecture par son refus de la médiocrité de forme et de fond. Une véritable leçon pour tous les écrivaillons de l'autobiographie qui frétillent en surface sans jamais briller.