Mary et la fleur de la sorcière. Le royaume désenchanté

Par Balndorn


Pour son premier long-métrage, le nouveau studio Ponok lorgne vers deux univers magiques : Harry Potter et Le Château ambulant. De ce curieux mélange entre la magie enchanteresse et la magie ténébreuse découle Mary et la Fleur de la sorcière, troisième long-métrage de Hiromasa Yonebayashi. 
De Harry Potter, le film japonais emprunte l’univers féérique. La fantasque académie Endor, où échoue Mary par inadvertance, sonne comme un décalque de Poudlard : automates, cours détonants, campus de l’étrange…Mais un Poudlard qui dérange. Car une école où la fontaine a l’apparence de la directrice, où les élèves portent des masques en forme de tests de Rorsach, et où le professeur de chimie mène des expériences louches rebute plus qu'elle ne fascine.Ce caractère perturbant de la magie rapproche Mary et la Fleur de la sorcière du Château ambulant. Comme Miyazaki, Yonebayashi se livre à une critique du Progrès. Chez le premier, l'esthétique steampunk met à mal la dimension technologique du Progrès ; chez le second, une esthétique similaire s'en prend au Progrès magique. Dans les deux cas, la marche inéluctable vers un Progrès mythique déshumanise. Déshumanisation qui emprunte les motifs du Le Château ambulant : la séquence d’ouverture de Mary, brutale et effroyable, met en scène des créatures volantes difformes et flasques, semblables aux monstres qu’affronte Hauru dans le film de Miyazaki.Sauf que le personnage est désormais féminin. Et d’une féminité réelle, qui tranche avec l’idéalisme des personnages de Miyazaki. Car malgré tout son féminisme, les femmes qu’il dessine appartiennent à un univers mythique, une sphère éthérée, où des problèmes concrets que peut rencontrer une jeune fille n’existent pas (hormis l'exception de Kiki la petite sorcière). Nausicaä (Nausicaä de la vallée du vent), San (Princesse Mononoké) et Chihiro (Le Voyage de Chihiro) sont superbes, mais elles affrontent des problèmes autrement plus métaphysiques que Mary, dont la chevelure rousse déclenche moqueries et dégoût chez les enfants de son âge.Avec grande pudeur, Yonebayashi oppose deux conceptions de l’émancipation féminine. D’un côté, l'émancipation universaliste : la femme se libère seulement en libérant l’ensemble de l’humanité, à l'instar de Mary devant délivrer les créatures prisonnières de l’académie. De l’autre, l’émancipation concrète, à l'échelle d'un individu qui déjoue les préjugés sociaux qui l'oppressent : Mary qui apprend à aimer ces cheveux qu’elle haïssait.Entre ces deux conceptions, Mary ne tranche pas. Comme la flottante académie, les deux restent en suspens. Une autre manière de dire que l’une ne va pas sans l’autre. Et qu’aussi belle soit la magie, elle ne doit pas remplacer la vie réelle.

Mary et la Fleur de la Sorcière, Hiromasa Yonebayashi, 2018, Diaphana Distribution, 1h42.
Maxime 
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