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Philippe Krhajac : Une vie minuscule

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

Une vie minuscule de Philippe Krhajac  3,75/5 (07/02/2018)

Une vie minuscule (352 pages) est disponible depuis le 3 janvier 2018 aux Editions Flammarion.

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L’histoire (éditeur) :

Abandonné par ses parents et maltraité depuis son jeune âge par ses familles d'accueil successives, le petit Phérial Chpapjik se sent délaissé par la vie. Ses tribulations lui permettront cependant de retrouver l'amour d'une mère après bien des années d'errance.

Mon avis :

Philippe Krhajac nous plonge dans la vie du petit Phérial Chpajik (un double nuancé de lui-même en quelque sorte). On fait sa connaissance alors qu’il n’a que 4 ans et qu’il quitte une famille d’accueil violente pour un orphelinat de province (un grand château en milieu de la forêt en Bourgogne). Puis petit à petit, ponctuée d’événements marquants, de familles disparates (le bonne, dans laquelle il ne restera que peu, l’aisée et cultivée mais défaillante et la misérable où la communication est inexistante), de coups durs, de rencontres fortes et de débrouille (le mimétisme et le sens de l’observation dont il fait preuve lui sauveront la vie sans aucun doute) sa vie se déroule.

Impossible de ne pas être touchée par cet enfant et par les mots de l’auteur qui manie à merveille la narration au fil de l’évolution de petit Phérial. La progression dans l’écriture (par les mots d’enfant, puis d’ado et enfin d’adulte) et l’évolution palpable dans la langue, donnent une sensation universelle et permettent de très facilement se mettre dans la peau du protagoniste, avec qui on vit les expériences et les étapes avec réalisme.

Avec des chapitres courts (aux titres qui sonnent si bien), de la poésie dans les phrases, une narration qui mêle innocence, spontanéité, insouciance et brutalité, cruauté et tragique, je me suis laissée embarquée par cette vie minuscule, ce mal être souvent présent et cette indéniable envie de survivre et de s’en sortir, ces petits bonheurs et ces terribles drames.

« En avant pour la vie dans le monde, loin de cette enfance morcelée et mélancolique, loin de mes camarades. Lui dire que je ne les oublierai jamais, eux qui possédaient pour seul écho leur solide délaissement, et qui de leurs allégresses comme de leurs peines, ne faisaient cas. Ce n’est plus si simple maintenant, ce n’est plus juste eux et moi. Je fonce à présent dans le monde qui ne m’attend pas plus que ça sans me douter des égarements à venir, des morsures mortelles. Sons connaitre la lenteur des hommes et savoir quoi faire face à elle. » Page 73

« C’est derrière la maison, à l’ombre, tranquille loin des discussions des adultes, que je m’initie à la vitesse de l’hirondelle et à la roue increvable du génial Mille Bornes, avec Christophe, devenu sur-le-champ mon vrai demi-frère. » Page 79

« Assis sur ma petite chaise jaune en Formica, je me sens bizarre. Je ne sais pas pourquoi, alors que tout va bien, je rumine un plan de destruction totale. J’ai envie de casser le monde et personne ne le voit. (…) En secret, je continue mes plans dictés par un cœur en révolte noyé dans un bonheur qui n’est pas vraiment le mien. Page 83-84

« L’avenir qui m’attend risque de m’offrir une chose bien nouvelle : ne plus me sentir un maltraité ne plus subir le poids de la charité de ceux qui m’ont jusqu’ici toléré. » 289

Une vie minuscule est un roman étonnement plein d’enthousiasme, de fureur de vivre. Philippe Krhajac dépeint une réalité difficile, celle des enfants de l’assistance publique, mais la voix qu’il utilise reste (malgré la révolte qui gronde parfois) optimiste et sereine, permettant une lecture délicate mais loin d’être étouffante ou insupportable. Il y a d’ailleurs là par moment une certaine étrangeté à passer de l’innocence et de la simplicité de l’enfance, avec une écriture à rimes tellement imagées, à l’innommable. Mais, même si l’auteur garde un regard réaliste et véridique (il est évidemment beaucoup question de sa vie dans ces pages), il ne porte aucun jugement critique ni ne dénonce farouchement les travers et les failles du système et de ses acteurs.

« Un soir, du noble judo revenant, d’un mal de dos me plaignant j’ai vu celui qui ne vous veut aucun ma poser ses mains sur mon corps, a douleur. Il vous a déjà mis sur sa table des Enfers, celui qui a son innocence perdue ; il vous regarde et vous opère, car c’est là votre qu’il a en vue. »  Page129

Une vie minuscule, ou l’importance de savoir d’où l’on vient pour enfin commencer à se construire, un récit plein de poésie et de vie, parce que même minuscule la vie vaut d’être vécue.


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