à construire un pont au-dessus de la mer
en dépit de son immensité.
Je suis fier de ce pont
suspendu dans l’air pur de la mer. Machado
m’a rendu visite et nous nous sommes assis
au bout du pont, comme il le souhaitait.
Maintenant que je suis vieux, je travaille lentement.
A l’approche de la mort, comme j’aime,
perché tout là-haut, bien emmitouflé pour affronter
les tempêtes arctiques de la fin de l’automne,
entendre le fracas et la complainte de la mer,
et contempler ses creux verts de trente mètres de haut.
Parfois, la mer rugit et hurle comme
un animal, un continent vaste et vivant.
Que de beauté dans cette sombre musique
couverte par la musique plus légère
de l’humanité, ce lien d’intimité entre les hommes et les galaxies.
Me voilà assis au bord, remuant les pieds au-dessus
de l’abîme. Ce soir, j’aurai la lune sur les genoux.
C’est mon métier d’étudier l’univers
du haut de mon pont. Il y a le ciel, la mer, la bande
verte de forêt canadienne à peine visible sur l’autre rive.
*
Bridge
Most of my life was spent
building a bridge out over the sea
though the sea was too wide.
I’m proud of the bridge
hanging in the pure sea air. Machado
came for a visit and we sat on the
end of the bridge, which was his idea.
Now that I’m old the work goes slowly.
Ever nearer death, I like it out here
high above the sea bundled
up for the arctic storms of late fall,
the resounding crash and moan of the sea,
the hundred-foot depth of the green troughs.
Sometimes the sea roars and howls like
the animal it is, a continent wide and alive.
What beauty in this the darkest music
over which you can hear the lightest music of human
behavior, the tender connection between men and galaxies.
So I sit on the edge, wagging my feet above
the abyss. Tonight the moon will be in my lap.
This is my job, to study the universe
from my bridge. I have the sky, the sea, the faint
green streak of Canadian forest on the far shore.
***
Jim Harrison (1937-2016) – Dead Man’s Float