Après mon billet sur les inégalités en France, je vous propose de nous intéresser aujourd'hui à la situation financière des ménages français ainsi qu'à leurs anticipations. Et le moins que l'on puisse dire est que les Français sont très pessimistes sur ces questions... Ce billet n'a pas vocation à être une analyse exhaustive de la question, tant s'en faut, mais juste un éclairage chiffré qui offrira au lecteur des clés de compréhension.
Le revenu moyen et médian
Selon l'INSEE, en 2015, le salaire mensuel net moyen (en équivalent temps plein) dans le champ du privé et des entreprises publiques est de 2 250 euros net :
[ Source : INSEE ]
Quant au salaire mensuel net médian, c'est-à-dire celui qui coupe la distribution des salaires en deux, il s'élève en 2015 à 1 797 euros :
[ Source : INSEE ]
Cela signifie donc que 50 % des salariés en équivalent temps plein du secteur privé et des entreprises publiques, y compris les bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation, perçoivent un salaire mensuel net inférieur ou égal à 1 797 euros et 90 % moins de 3 646 euros quelle que soit leur qualification. Cela démontre que les salaires de traders sont loin d'être la norme dans ce pays...
Inégalités de revenus et pauvreté
En France, sur la base de l'indice de Gini (plus il est proche de zéro, plus on s’approche de l’égalité ; plus il est proche de un, plus on s'approche d'une situation où un seul individu reçoit tous les revenus), on peut constater que les inégalités de revenus ont augmenté, mais que celles-ci sont pour l'instant encore tant bien que mal corrigées par la redistribution :
[ Source : Natixis ]
En revanche, en 2015, le salaire net (en équivalent temps plein) moyen des femmes reste inférieur de 18,4 % à celui des hommes :
[ Source : INSEE ]
Quant à la pauvreté monétaire, selon la définition retenue, la France compte entre 5 et 8,9 millions de personnes pauvres, soit une augmentation sur dix ans de 600 000 personnes au seuil de 50 % et d'environ 1 000 000 au seuil de 60 % !
[ Source : Observatoire des inégalités ]
Au seuil de 40 % - c'est-à-dire, en 2014, 672 euros par mois pour une personne seule - 2,3 millions de personnes sont dans la pauvreté monétaire, ce qui démontre que la misère n'est plus un phénomène marginal dans un pays riche comme la France ! Et je crains fort que la chimère de la start-up nation ne fasse qu'aggraver la situation...
Prix de l'immobilier et emplois mal rémunérés
En revanche, concernant les prix de l'immobilier, les données statistiques confirment le décrochage ressenti par les Français :
[ Source : Natixis ]
Évidemment l'envolée des prix de l'immobilier a pesé sur le pouvoir d'achat des ménages et contribue à un sentiment d'appauvrissement pour ceux qui n'ont pas encore de patrimoine immobilier (les autres bénéficient au contraire d'un effet de richesse), d'autant que les créations d'emplois se font (trop) souvent dans des secteurs mal rémunérés et en contrat précaire.
Les anticipations de la situation financière
L'Observatoire du bien-être du CEPREMAP vient de publier sa dernière note mi-novembre. Celle-ci montre que passée l'euphorie de la période électorale, les ménages redeviennent plus pessimistes, en particulier sur leur situation financière, même si sur un an ils le sont un peu moins :
[ Source : Note de l’Observatoire du Bien être n°2017-12 ]
Cela témoigne toujours d'une perception paradoxalement pessimiste pour le pays, mais plus optimiste à titre individuel en dehors des questions financières :
Bien entendu, les réponses à ce genre d'enquête varient en fonction du diplôme et de l'âge, les jeunes étant globalement les plus pessimistes et les diplômés les plus optimistes.
En définitive, la situation financière des ménages français est loin d'être reluisante, même si les moyennes permettent de gommer un temps ce constat. On atteint certainement le pire lorsqu'un travailleur, parfois en CDI, vit avec un salaire inférieur au seuil de pauvreté, ce qui fait de lui un travailleur pauvre... Ne pas pouvoir vivre de son travail dans une société qui ne fait que l'encenser en des termes moraux, c'est laisser plus d'un million de personnes de plus sur le bas-côté. Comment peut-on dans ces conditions chercher à nous faire croire que nous sommes sur le chemin du progrès ?