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L'autre leçon des startups aux grands groupes

Publié le 04 mars 2018 par Patriceb @cestpasmonidee
Stratégie Quand les grandes entreprises évoquent l'idée de s'approprier les pratiques des startups, elles pensent essentiellement à leur agilité opérationnelle. Elles pourraient pourtant d'abord s'inspirer d'un autre aspect, infiniment plus important, des modes de fonctionnement de celles qui réussissent : leur approche de la stratégie.
Le monde moderne nous offre un étrange paradoxe. D'un côté, des groupes immenses, qui, en raison de leur manœuvrabilité limitée, devraient plus que jamais être pilotés par des orientations à long terme, claires et partagées par l'ensemble de leurs collaborateurs, ont plutôt tendance à naviguer à vue, au gré de leurs résultats trimestriels. De l'autre, les acteurs émergents (comprenant aussi des géants du web) élaborent des plans à 5 ou 10 ans, extrêmement structurés, alors même que leur première qualité est la flexibilité.
Les dérives tactiques des mega-entreprises prennent des proportions inquiétantes. Quand elles exposent, à l'occasion d'une conférence aux analystes financiers, leurs ambitions pour 2020 ou 2022, celles-ci se résument bien souvent à quelques généralités (« exécuter notre transformation digitale ») et une enveloppe budgétaire suffisamment conséquente (plusieurs milliards d'euros) pour impressionner. En revanche, la mise en œuvre est rarement abordée, puisque l'enjeu de ces annonces est de séduire le « marché » instantanément et non de le convaincre avec une vision lointaine.
Qu'arrive-t-il alors ? En premier lieu, les directions données sont tellement vagues qu'elles sont fatalement interprétées et déformées. Chacun va pouvoir y trouver son compte, sans cohérence avec la version de ses collègues. Un exemple typique de ce genre de dévoiement s'observe fréquemment dans l'allocation des budgets (quand les promesses en la matière sont concrétisées) : une course s'engage immédiatement pour s'emparer de la manne inattendue, en ajustant les argumentaires des anciens projets pour qu'ils paraissent, par magie, s'aligner avec les nouveaux objectifs fixés au sommet.
Tweet de 89C3 (BPCE)
Comparons maintenant ces démarches à celles des startups, et plus particulièrement celles des néo-banques, qui s'inscrivent naturellement dans des cycles de développement longs. Ces structures sont soumises à des exigences d'un ordre très différent. Leurs investisseurs sont conscients d'être embarqués dans une aventure au long cours et, en conséquence, ce qui les intéresse au premier chef est de connaître la destination et être rassurés sur la route qu'il est prévu d'emprunter pour l'atteindre.
Ce qui frappe donc dans les stratégies des entrepreneurs les plus convaincants est leur exhaustivité et leur rigueur, même si elles sont susceptibles d'évoluer. Elles ne se contentent pas de définir une cible, elles décrivent aussi toutes les étapes à franchir, en termes de financement (les différentes phases de levée de fonds), de recrutement, de déploiement de produits, de conquête de clientèle… Cette feuille de route complète est, en outre, partagée par tous les collaborateurs et elle guide leur activité au quotidien.
Dans un sens, c'est la notion même de stratégie qui semble disparaître des grands groupes. Il n'en reste que des incantations sans substance, dont il est difficile de comprendre ce qu'elles impliquent d'un point de vue opérationnel. Dans l'environnement actuel en pleine mutation, il devient pourtant critique de fixer un cap à l'entreprise et, surtout, d'expliquer comment chacun peut et doit œuvrer pour le maintenir.
Yves Tyrode, CDO de BPCE, affirme ainsi que l'exécution est plus importante que la stratégie. Pour ma part, je préfère considérer que l'exécution fait partie intégrante de la stratégie et ce sont les nouveaux entrants qui en donnent le meilleur exemple.

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