Aujourd’hui on va parler nichons, et avant de parler de grosses poitrines, on va évoquer les plus petites car elles ont la part-belle dans notre histoire. Si certains auteurs n’hésitent pas à évoquer les grosses tétines des femmes, la plupart des artistes, de l’Antiquité jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, représentent les femmes avec une petite poitrine. Même les femmes les plus rondes n’ont jamais d’énormes poitrines, comme les femmes de Rubens, par exemple. Mais alors ? Pourquoi la mode des poitrines généreuses est-elle arrivée au milieu des années 1940 et comment les augmentations mammaires ont-elles évolué pendant près de 70 ans ?
Les implants mammaires avant 1945
Les diktats de la mode étant différents et surtout les connaissances médicales et chirurgicales peu développées dans le domaine, les opérations pour augmentation mammaire sont très rares. A la fin du XIXe siècle, on fait quelques expériences, en 1889, le médecin Robert Gersuny injecte de la paraffine dans les poitrines pour en augmenter la taille… Les effets ne sont pas du tout ceux escomptés… Rapidement, le corps étranger provoque des nodules, des fistules et même des nécroses… Faut dire que les mecs n’hésitent pas à mettre tout et n’importe quoi dans les seins : du cartilage de bœuf, de la laine, des billes de verre mais aussi de l’ivoire (j’te dis pas le prix d’une paire de seins en bonnet D…) .
Certains médecins décident alors d’utiliser des tissus de la patiente elle-même pour éviter ce genre de déconvenue… Surtout qu’à la fin les femmes meurent de septicémie, alors on tente de changer les méthodes et une nouvelle intervention a lieu en 1895. La patiente ne souhaite pas avoir une grosse poitrine mais lorsque son chirurgien, Vincenz Czerny, lui enlève une tumeur cancéreuse dans le sein, il essaye de déplacer une autre tumeur bénine afin de garder le même volume dans le sein. L’idée est bonne mais pas trop, ça n’a pas fonctionné et comme pour toutes les opérations mammaires avant 1945, les conséquences sont désastreuses pour la poitrine mais aussi pour l’état général de la patiente.
La première utilisation du silicone au Japon en 1946
Si au début du XXe siècle l’Europe et les Etats-Unis abandonnent l’idée d’injecter de la paraffine dans les nichons des femmes, la pratique s’implante en Amérique du Sud et en Asie (surtout au Japon), mais en remplaçant la paraffine par du silicone. En effet, dans les années 1940, les prostituées japonaises veulent séduire les GI présents sur le territoire et tentent alors de répondre aux critères sexy de l’époque, à savoir, les pin-up. Morphologiquement, les asiatiques n’ont généralement ni hanche ni poitrine généreuse alors la solution est l’injection de silicone. Faut dire que depuis quelques années, avec les progrès médicaux et chirurgicaux de guerre, on commence à maîtriser l’utilisation du silicone chirurgical pour créer des drains, des cathéters ou encore des enveloppes de stimulateur cardiaque alors pourquoi pas en faire des prothèses mammaires ? En 1946, Sakurai injecte un mélange de silicone et de graisse animale dans la poitrine. Directement. Pas dans une poche ou un truc un peu étanche, non, directement dedans pour créer une fibrose à l’arrière du sein… En réalité, c’est une catastrophe, le silicone qui n’est contenu dans aucune poche migre vers les vaisseaux et provoque des embolies pulmonaires ou encore des AVC. Pour autant, l’injection est pratiquée pendant plus d’une décennie causant de nombreuses complications, souvent mortelles.
Les échecs des tissus biologiques et des premières prothèses (1945-1962)
Pour limiter les dégâts, les chirurgiens préfèrent travailler sur des lambeaux de peau et de graisse prélevés sur le ventre ou les fesses des patientes car les transplantations de corps étrangers, on ne maîtrise pas encore assez. Sauf que quand on insère de la graisse dans les nichons, elle ne reste pas compacte, elle se lie à tout ce qui est organique autour d’elle et elle se répand, de fait, ça ne marche pas beaucoup… De plus, l’opération est longue, les cicatrices sont énormes et au bout de quelques temps la poitrine retrouve sa taille naturelle. C’est pas convaincant, c’est pourquoi, on recherche un matériau extérieur qui soit à la fois chimiquement inerte, hypo allergenique, qui n’entraîne pas d’inflammation ni d’hypersensibilité qu’il soit stérilisable et qu’il ne change pas de forme. Il n’y a que le silicone qui répond à presque tous les critères mais les premiers essais n’étaient pas concluants alors on cherche à améliorer la procédure avec d’autres matières.
Gallica
Le chirurgien Pangman a créé la première prothèse en plastique Ivalon. Au toucher, la prothèse semble être une éponge, ce qui pose problème lorsqu’elle finit par se remplir de fluide et tissu fibreux et durcit. C’est extrêmement douloureux. Il faut donc une solution pour ne pas que la prothèse soit en contact avec les fluides. Une poche. Pangman tente alors de l’insérer dans un sac de polyuréthane et ça marche plutôt bien. En 1958, avec son collègue Wallace, Pangman dépose le premier brevet de prothèse mammaire et pratique plus de 400 opérations en quelques mois. Mais ça manquait de recul, les conséquences sont plus longues à apparaître mais lorsqu’elles sont là, ce n’est pas cool : des fluides s’accumulent entre les prothèses et des infections et des fistules apparaissent… On continue de chercher, Polystan, Etheron, rien n’y fait. Jusqu’à ce que Cronin trouve la solution.
1962-1990 : l’heure de gloire des implants mammaires
Alors qu’il effectue une opération, le chirurgien Cronin observe une poche de transfusion sanguine et d’un coup, tout prend sens. Il crée un sac en élastomère de silicone qu’il rempli de silicone fluide : la première prothèse de silicone est née. Plusieurs essais sont effectués sur des chiens puis Madame Timmie Jean Lindsay se porte volontaire pour porter la première paire de prothèses en silicone en 1962. Un an plus tard, il n’y a rien à signaler, tout va bien. Le résultat fait d’ailleurs l’objet d’un congrès médical à Washington. C’est une révolution pour l’augmentation mammaire. En France, on s’en inspire mais le processus n’est pas tout à fait le même. Le chirurgien Arion met au point un sac en silicone qu’il pose vide dans la poitrine et c’est une fois qu’il est en place qu’il y injecte du dextran. Un liquide. L’avantage est que l’incision est plus petite mais ce n’est pas bien pratique car les fuites sont fréquentes pendant l’injection. Les américains reprennent l’idée mais ajoutent une valve pour limiter les fuites et ils injectent du sérum physiologique qui n’a quasiment aucune conséquence sur le corps en cas de fuite (si ce n’est que le nichon rétréci) ainsi il est également possible de poser les implants mammaires derrière le muscle pectoral et de découper seulement autour du téton pour éviter une cicatrice trop visible.
Il existe encore de nombreux effets secondaires, comme la formation d’une coque, c’est à dire le durcissement de la prothèse, mais parfois, la prothèse se déplace, se rompt ou le silicone suinte. Et c’est quand même un peu relou, voire désastreux pour la santé de la patiente. Malgré cela, les femmes désireuses d’augmenter leur taille de poitrine sont nombreuses. On pose plus de prothèses en silicone qu’au sérum physiologique mais les deux existent.
La crise du silicone
Dès la fin des années 1970, on remarque que le silicone cause quelques soucis, ce sont des effets secondaires cités plus haut (formation d’une coque, suintement…) mais on retrouve également de plus en plus de femmes atteintes de maladies auto-immunes et il est prouvé que le gel de silicone cause des cancers sur les rats de laboratoire. C’est le début du procès du silicone. En 1977, une femme reçoit 170 000 dollars de dédommagement suite à une rupture de prothèse en silicone, et les procès vont être nombreux pour la société produisant le silicone. En moins de vingt ans on compte 137 procès et plus de 10 000 plaintes aux Etats-Unis.
Lolo Ferrari : 3 litres de silicone dans chaque sein
En France, en 1992, on interdit la pose de prothèses en silicone et on autorise seulement les prothèses au sérum physiologique, même si leur durée de vie est plus restreinte. La norme CE devient obligatoire seulement en 1995 alors que jusque-là, la fabrication des prothèses était peu ou pas contrôlée. Depuis les années 2000, des dérogations pour la pose de prothèses de silicone sont admises dans certains cas et depuis 2002, une nouvelle norme de sécurité est appliquée :
Les principaux points d’évaluation concernant l’utilisation d’implants mammaires sont les suivants : le taux de rupture, le taux de contracture capsulaire, le potentiel de migration du produit de remplissage, la transsudation du produit de remplissage. Une évaluation de mise sur le marché est également nécessaire dans le but d’évaluer les matériaux et leur biocompatibilité, les propriétés chimiques, physiques et mécaniques des matériaux, l’ampleur et les effets d’une fuite ou d’une transsudation, la capacité à détecter une rupture, la compatibilité entre l’implant et les tissus corporels, la capacité à implanter, à retirer, et à remplacer l’implant. La toxicité locale ou systémique de toute substance introduite dans l’organisme par l’implant, ses effets potentiels à court terme ou à long terme doivent être évalués.
Mais la loi n’a pas été parfaitement appliquée, d’où le scandale des prothèses PIP ou le Nusil, le silicone a été remplacé de manière frauduleuse à plus de 75% par un autre gel, moins cher (5€ le litre au lieu de 35€) et qui ne respecte pas les normes de sécurité mettant ainsi en danger la santé de nombreuses femmes…
La santé des femmes est donc moins importante que leur physique ?
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