Située dans la banlieue de Saturne, donc 10 fois plus loin du Soleil que la Terre, Encelade est une petite boule de glace qui retient beaucoup l'attention des planétologues et exobiologistes depuis que la sonde Cassini a découvert, en 2005, l'existence de ses geysers. Cette lune de 500 kilomètres de diamètre est un des rares mondes potentiellement habitables connus dans notre Système solaire (Europe autour de Jupiter est un autre cas très étudié). Ces dernières années, des recherches et simulations basées sur les données collectées par Cassini ont suggéré que l'astre abrite un océan global d'eau liquide et un noyau rocheux qui dispenserait suffisamment d'énergie sur le long terme.
Lors de ses survols et traversées des panaches crachés par les failles au pôle sud d'Encelade, la sonde a détecté la présence de particules riches en silices qui pourraient trahir l'existence de sources hydrothermales. C'est vraiment très intéressant. Car des formes de vie pourraient avoir élu domicile dans ce type d'environnement à l'image de ce qui se passe au fond de nos océans. D'ailleurs, les chercheurs s'interrogent : est-ce que le méthane détecté par Cassini - reniflé en plus de l'eau et d'autres molécules organiques - est d'origine biologique ? Ou est-il plutôt issu de processus géophysique ? Les deux possibilités existent.
Pour tenter de répondre à cette question, une équipe de chercheurs de l'université de Vienne a soumis des microorganismes d'origine terrestres aux conditions présumées régner à l'intérieur d'Encelade. " Nous sommes les premiers à étudier si des microorganismes pourraient éventuellement produire du méthane dans ces conditions " ont déclaré les auteurs. Et alors ? Qu'ont-ils découvert ?
Des méthanogènes pourraient vivre à l'intérieur d'Encelade
Dans leur étude qui vient de paraître dans Nature Communications, les chercheurs concluent qu'une partie du méthane pourrait être produit par des archées méthanogènes... Du moins par une ou des forme(s) de vie qui aurait le même métabolisme.
Pour arriver à ce résultat, l'équipe s'est évertuée à reproduire en laboratoire l'environnement à l'intérieur d'Encelade dans des flacons remplis de composés inorganiques, d'hydrogène, de dioxyde de carbone et d'y confronter des microbes à différentes températures - entre 0 et 100 °C - et pressions - jusqu'à 50 atmosphères terrestres - durant plusieurs années. Et bien de tous, c'est Methanothermococcus okinawensis qui a passé les tests avec succès et même dans les conditions des plus hautes pressions testées. Il s'agit d'une archée méthanogène qui vit autour de sources hydrothermales au large d'Okinawa, à quelque 1.000 mètres de profondeur. Ces microorganismes qui combinent hydrogène et CO2 rejettent du méthane. Les chercheurs ont aussi calculé que les réactions chimiques entre le noyau rocheux et l'océan par un processus de serpentinisation pourraient fournir suffisamment d'hydrogène moléculaire (H2) pour nourrir les archées.
À quand une mission sur Encelade ?
Les méthanogènes apparaissent donc comme de très bonnes candidates pour vivre sur Encelade. Et le plancher océanique semble l'endroit le plus propice à leur développement. Alors bien sûr, il n'y a pas de certitude sur leur existence à l'intérieur de cette lune de Saturne. Il s'agit plus d'un " premier pas pour montrer expérimentalement que les méthanogènes peuvent effectivement vivre dans les conditions attendues sur Encelade ", a expliqué Chris McKay, chercheur au centre Ames de la Nasa, à New Scientist qui l'interrogeait. Et en outre, ce ne serait certainement pas Methanothermococcus okinawensis qui y réside. " Si nous trouvons la vie sur Encelade, il est peu probable qu'elle soit très semblable à la Terre, à moins que l'origine de ces formes de vie ne provienne d'une source commune en dehors du Système solaire, ce qui est hautement improbable ", a indiqué de son côté Hunter Waite, du SwRI ( Southwest Research Institute).
Alors, pour vraiment en avoir le cœur net, il ne reste donc plus qu'à y aller. Mais ce ne sera malheureusement pas pour tout de suite. Il n'y a pas encore de missions officielles validées mais seulement des ébauches, et ce pour un départ prévu, au plus tôt, au milieu des années 2020 (peut-être des missions privées). En tout cas, soulignent les auteurs de ces recherches, un robot armé d'un spectromètre de masse serait en mesure de détecter des biosignatures. Mais attention aux contaminations par des bactéries terrestres, mettent en garde les exobiologistes. Cela pourrait biaiser nos observations.
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