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Mai 68 - mai 2018 (6). Que peuvent la science et les techniques ?

Par Roger Garaudy A Contre-Nuit
Suite de : http://rogergaraudy.blogspot.fr/2018/02/mai-68-mai-2018-5-revolution-mutation.html La science et les techniques. Mai 68 - mai 2018 (6). Que peuvent la science et les techniques ?
La science et les techniques peuvent-elles opérer cette mutation et nous faire sortir de l'impasse en nous proposant des fins ? Depuis la Renaissance, la science et les techniques semblent avoir pris le relais de la religion. Bon nombre de nos contemporains lui attribuent le pouvoir de combler tous les voeux humains, d'abolir toutes les malédictions des Bibles anciennes : elles peuvent accomplir le travail de l'homme autrement qu'à la sueur de son front, et éviter aux femmes d'enfanter dans la douleur. Elles nous ont promis la toute-puissance : « Homme, par ton cerveau puissant, deviens un dieu, le maître et le seigneur de tous les éléments ! » nous suggérait déjà le Faust de Marlowe à l'aube de la Renaissance, et Descartes nous annonçait « une science qui nous rende maîtres et possesseurs de la nature ». De fait, elle a accompli, depuis quatre siècles, des exploits éclatants.
La machine depuis le XVIesiècle et le moteur depuis la fin du XIXe ont extrait plus de matières, déployé plus d'énergie, transformé ou créé plus d'objets que n'y avait réussi l'homme depuis le début de son histoire. Elles ont exploré les trois infinis : de la petitesse avec les particules, de la grandeur avec les galaxies, de la complexité avec la cybernétique. De César à Napoléon, pendant près de 2000 ans, un courrier mettait le même temps, celui du galop d'un cheval, pour aller de Rome à Paris. Aujourd'hui, dans ce même temps, un avion fait quatre fois le tour du monde et une fusée cent fois. L a radio et la télévision nous confèrent même l'ubiquité : je peux être simultanément présent en chaque point du monde, et instantanément présent à chaque événement. Nul n'a jamais mieux servi la volonté de puissance de l'homme, jusqu'à assurer à l'Occident, qui a tout subordonné à ce développement prométhéen des sciences et des techniques, quatre siècles d'hégémonie mondiale, la première hégémonie totale de toute l'histoire humaine. Pourtant, au terme de ces quatre siècles d'ivresse de la connaissance et de la puissance, un nombre croissant d'hommes et de femmes commencent à prendre plus ou moins clairement conscience de ce qui manque à leur éblouissante civilisation scientifique et technique. Le doute n'est d'abord venu que de l'extérieur, c'est-à-dire des résultats. Les sciences et les techniques ont permis d'éliminer les épidémies de peste qui détruisaient des millions d'êtres humains, mais elles ont permis aussi la destruction de 60 millions d'autres êtres humains, de 1939 à Hiroshima, et elles nous promettent infiniment mieux encore. Est-ce un hasard si la première machine à combustion interne, le canon, qui tonna pour la première fois à Crécy, en 1346, est l'ancêtre de tous les moteurs modernes, et si les centrales nucléaires d'aujourd'hui ont pour ancêtre la bombe d'Hiroshima ? Dans le premier cas, il suffisait d'ajouter un piston au cylindre et de maîtriser les explosions ; dans le second cas aussi, il suffisait de canaliser l'apocalypse. Étrange, n'est-ce pas, que pendant si longtemps l'on n'ait pas suspecté cette « révolution industrielle » marquée dès son berceau, et à chacune de ses étapes, par un « progrès » dans l'art de la guerre et de la destruction ! L'automobile a doté des millions d'hommes de carrosses beaucoup plus rapides et confortables que celui de Louis XIV, mais elle tue 200000 hommes par an dans le monde (trois Hiroshima par an!). La mécanique des engins, la chimie des engrais, la biologie des hybridations ont doté l'agriculture de moyens dont elle n'avait pu rêver depuis des millénaires, et le nombre des morts par la faim au XXesiècle dépasse de loin celui des âges les plus noirs. Les machines, avons-nous dit, peuvent accomplir le travail de l'homme. C'est vrai. Elles le peuvent. Mais le font-elles? En quel siècle les rythmes du travail, des transports, des loisirs et des pollutions ont-ils engendré plus de maladies nerveuses, d'infarctus, de violences, de détraquement vital, d'évasions dans la drogue ou dans le suicide, ont-ils plus puissamment séparé l'homme des autres et de lui-même ? Roger Garaudy. Extrait de "Appel aux vivants".  A SUIVRE Envoyer par e-mailBlogThis!Partager sur TwitterPartager sur FacebookPartager sur Pinterest Libellés : Roger Garaudy

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