A contrario, le couteau scarificateur d’Hawaii présenté ci-dessus (1882.3664) et comportant douze dents de requin, est un des objets assez bien renseigné puisqu’il a conservé une ancienne étiquette où l’on peut lire « A Knif of Sandwich Islands. with a knif of this kind Capt. Cook was cut to pieces. N°72 », une inscription qui semble-t-il a été écrite de la main de Digby. Cet outil a vraisemblablement été donné par le Capitaine King. On pourra rapprocher ce type de couteau de leurs semblables, plus sculptés, qu’on trouvait en Nouvelle - Zélande (1).
Quant à la collection d’hameçons des Mers du Sud à Dublin, il s’agit d’un véritable casse-tête.
La majorité des objets a été transférée du Trinity College en 1882, les armes le furent seulement en 1894 ; et pour ce qui est des hameçons, on ne possède aucun indice ! Il semble que tout un ensemble d’objets des Mers du Sud ait été réuni comme un tout, mélangeant d’autres collections. Ainsi, en 1909, la collection d'artefacts maoris du Dr Isaac Usher qui les avait acquis de son beau-père, le capitaine George Meyler (2), est probablement entrée dans cet ensemble ainsi que d’autres donations ultérieures d’objets maoris tels que ceux du Dr James McKellar.
Ces objets n'étaient pas clairement étiquetés et se sont certainement mélangés lors de la réorganisation des collections au début du vingtième siècle.
Mais c’est aussi dans cette confusion, que prend la valeur de témoignage des dessins des artistes à bord des navires ou à terre. Il semble clair que l’hameçon de gauche qui arbore une si belle sculpture dans son dessin de la page 215 du The Naturalists Companion est l’exemplaire de Dublin (représenté ci-dessus AE1893.760), et par conséquent ne peut avoir été ramené que par Patten ou King.
Il existe peu d’hameçons maoris présentant de si belles sculptures réalisées avec ce qu’on appelle des outils « pré-contact ». L’une des premières représentations de ce type a été faite par Sydney Parkinson lors du premier voyage (cf. photo ci-dessus à gauche) ; la figure sculptée est celle d’un manaia, une créature hybride avec un corps d’homme et une tête d’oiseau, à la fois messager et gardien.
Plus tard, à partir de la moitié du dix-huitième siècle et début du dix-neuvième siècle, des hameçons seront réalisés grâce à des outils en métal afin de répondre clairement à une demande de marchands et de collectionneurs européens.
Il existe encore dans les collections, des instruments de musique dont on trouve les premières références dans The Picture of Dublin. Parmi eux, on peut signaler les deux tambours des îles Australes. Ces tambours du dix-huitième siècle, assez rares, sont de grands cylindres dont le fût est généralement sculpté d’étonnantes figures de danse comme c’est le cas ici.
Cook était passé à Rurutu en 1769 puis à Tubua’i en 1777.
Nous l’avons déjà évoqué, que ce soit pour le spécialiste ou le simple visiteur, le principal intérêt des collections du musée de Dublin de la fin du dix-huitième siècle et du début du dix-neuvième siècle résidait dans la curiosité des spécimens de géologie, d’histoire naturelle ou encore du côté des antiquités irlandaises : le classement et la mise en valeur des objets du Pacifique Sud ne constituaient en aucun cas la priorité des directeurs de l’institution.
À l’exception toutefois de Robert Ball qui, dressant en 1895 un catalogue sur la collection d’armes du musée, déplora le manque flagrant d’informations pour documenter tout cet ensemble d’objets des Mers du Sud. Quoiqu’il en soit de nos jours, l’intérêt est bien là.
Rachel Hand qui a récemment comptabilisé 206 objets provenant des voyages de Cook dans les collections du Musée de Dublin, reconnaît que ses recherches ne constituent que le début d’une étude détaillée à poursuivre.
Notes :
1. Voir dans les articles suivants ce qui concernera le musée de Glasgow.
2. Meyler avait combattu en Nouvelle-Zélande entre 1860 et 1889.
Photo 1 : Couteau scarificateur d’Hawaii © National Museum of Ireland NMI 1882. 3664.
Photo 2 : Hameçons maoris, dessin Digby Kenelm Henry, The Naturalists Companion p.215 © Mitchell Library PXE869.
Photo 3 : Un hameçon sculpté maori et un petit hameçon en os, dessin de S. Parkinson (1773: pl. XXVI, figs 6–7).
Photo 4 : Hameçon maori © National Museum of Ireland AE1893-760 in Stevenson K. & Hooper S., 2007.
Photo 5 : Tambours des îles australes © National Museum of Ireland 1882.3636 et 1882.3637 in Kaeppler A., 1978.
Photo 6 : Détail du tambour 1882.3637 in Kaeppler A., 1978.