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Les romans d’Amélie Nothomb sont souvent trop peu consistants pour être autre chose que des apéritifs à la rentrée littéraire quand ils paraissent en édition originale, ou à l’année des formats de poche quand ils sont réédités un an et demi après leur sortie. Excellente nouvelle pour 2018 et les poches, le bonheur est au rendez-vous avec la publication, au Livre de poche, de Riquet à la houppe. Riquet, qui s’appelle en réalité Déodat, fils d’Enide et d’Honorat, possède une caractéristique qui n’échappe même pas au premier regard de ses parents : il est laid. Pire que laid : « fripé de partout, les yeux à peine ouverts, la bouche rentrée – il était repoussant. » Le pauvre petit comprend très vite ce qui lui est tombé dessus. Mais, philosophe précoce, décide d’accepter son apparence. Je suis laid, oui, et alors ? En face, ou au moins sur l’autre rive de la Seine, Lierre et Rose, nouveaux père et mère, nomment Trémière la fille qui vient de naître. Elle est ravissante… A son vingt-cinquième roman, Amélie Nothomb n’en était plus, heureusement, à se contenter de poser là deux figures opposées et à leur donner une chance de se rapprocher, pour le meilleur ou pour le pire – on peut tout imaginer, et d’ailleurs la fiction est faite pour cela. Elle décrit une autre sorte d’évidence, du genre qui apparaît seulement après réflexion : un enfant trop laid et une enfant trop belle possèdent en commun leur rejet par les autres. Ils ne semblent pas faits pour se couler dans le moule de la normalité et en souffriraient s’ils n’étaient les premiers à comprendre qu’il en est bien ainsi. Dans son exploration du conte, et l’exploration est voyage, c’est-à-dire, ici, écriture ou réécriture, Amélie Nothomb pousse un peu plus loin que de coutume les paradoxes habituels aux mécanismes de ses romans. Riquet à la houppe est d’ailleurs, et ce n’est pas anodin, un livre plus long que ses précédents. Plus dense, aussi. Sans rompre pour autant avec ses thèmes de prédilection dont une certaine monstruosité est souvent la colonne vertébrale.
Décevants ou rassurants par rapport au talent qu’on lui prête (et qu’elle possède), les romans d’Amélie Nothomb font, à force, et à force de succès, ce qu’on appelle une œuvre. Suffisante, a-t-il semblé, pour solliciter sa conceptrice à l’Académie française, comme le révélait récemment L’Express. Riquet à la houppe, en tout cas, fournit une belle preuve de ses qualités naturelles : par l’amour.