Dans ce recueil, Anne-Sophie Dubosson parle effectivement De rage et d'eau. Et elle ne se contente pas de les avoir à la bouche, elle les fait apparaître sous sa plume.
La rage est dans les mots, dans les cris:
le cri sous l'échine le faire mûrir alors d'un large couteau blanc la petite incision celui prêté le décharné une parole dérisoire essentielle à se mettre sous l'aube et la dentEt ces mots - est-ce voulu? - peuvent avoir un double sens, un second aquatique...
De toute façon l'eau, particulièrement celle du lac, y suinte de partout:
un oeil fermé l'autre ouvert le torse enfumé tu parles haut de cette lumière sur le lac de cette forme et cette perte privilégier le mirage assonant l'alliance impossible avec ce qui aurait dû être les nervures du lac données et recueillies... les marécages sont des champs de blé la boue déliée au fond vestige de courants malheureux le lac dressé nappé et son marécage bleu parfois si le vent souffle sa petite écumeToute cette eau, celle du lac, de la pluie, de la neige, des névés, c'est la vie, notamment de la flore:
l'être en douce des hêtres en étage l'eau ressource trouver le long des gouttes les lèvres d'un été d'ancoliesEt de la faune qui lui est liée:
C'est aussi le décor des corps, du désir:
l'orange ouverte du désirPour goûter cette poétique, en fait, il faut suivre, avec modestie, le conseil de la jeune poétesse:
C'est-à-dire trouver son rythme de lecture, la ponctuation de sa propre chair... et se laisser porter simplement par la musique des mots et ce qu'elle peut évoquer en nous...
Francis Richard
De rage et d'eau, Anne-Sophie Dubosson, 68 pages, Torticolis et frères