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Revue-l’anticapitaliste-N°94-janvier-2018 sur le CHU de PAP

Publié le 01 mars 2018 par Halleyjc
Revue L’Anticapitaliste n°94 (janvier 2018)

Revue-l’anticapitaliste-N°94-janvier-2018 sur le CHU de PAP

Un CHU complètement évacué pour cause d’incendie, c’est ce qui est arrivé en Guadeloupe avant les fêtes de fin d’année. Mille deux cents personnes ont été évacuées en quelques heures. Comment en est-on arrivé là ?

Un incendie s’est déclaré dans un local technique. Cela peut arriver. Mais la suite est invraisemblable : aucune alarme incendie n’a fonctionné, et on apprendra très vite que les extracteurs de fumée et les portes coupe-feu non plus, faute d’entretien. Une interne signale qu’elle n’a vu aucun sprinkler (appareil d’extinction automatique à eau). Le feu s’est développé et les fumées toxiques ont envahi l’hôpital. Les pompiers ont mis huit longues heures pour venir à bout de l’incendie. Le fils de l’architecte ayant construit l’hôpital témoigne dans le journal France Antilles : « on n’évacue pas un hôpital si les coupe-feu fonctionnent. Seules les parties impactées doivent être évacuées. Pas un immeuble comme celui-ci, dans sa totalité. C’est pour cela qu’on cloisonne ces bâtiments, A, B, C. Quand A est en feu, B et C sont protégés par des coupe-feu. Là, rien n’a fonctionné comme il aurait fallu. C’est le manque d’entretien du CHU qui a entraîné ce qui s’est passé. Et quand je vois des élus, qui ont fermé les yeux durant toutes ces années… On a eu de la chance qu’il n’y ait pas eu de morts. »

Cet hôpital était particulièrement vétuste, et les politiques budgétaires d’austérité mises en œuvre par les différents gouvernements ont bien sûr amplifié les problèmes. Construit en 1978, il ne répond plus à aucune norme actuelle, notamment antisismique dans une région fortement exposée aux tremblements de terre. En 2014, la Haute-autorité de santé ne lui avait pas accordé de certification, et la commission de sécurité incendie avait émis un avis défavorable en 2015. Depuis, rien n’a été entrepris, faute de moyens. L’hôpital, comme tant d’autres en France, est en déficit et subit un plan de redressement. On voit le résultat.

Les patients décrivaient depuis longtemps l’état d’abandon de l’hôpital. Certains devaient apporter leurs draps, on déconseillait à d’autres d’aller dans les douches pour des problèmes d’hygiène, de nombreuses chambres dans la maternité ne comportaient pas de sanitaires. D’autres rapportent qu’ils doivent se débrouiller pour acheter leurs médicaments, et des familles sont amenées à apporter un repas à un proche. Tout est à l’avenant. Un nouvel hôpital doit être construit. La décision a été prise en 2007, mais cela traîne depuis dix ans. Le chantier est aujourd’hui à peine commencé.

Cela n’a pas empêché l’indécence des politiques, notamment d’Agnès Buzyn, ministre de la Santé, accourue sur place pour saluer le dévouement des personnels et affirmer sans sourciller que tous les équipements avaient parfaitement fonctionné. Heureusement que le personnel s’est mobilisé, venant prêter main forte de partout. Des soignants témoignent qu’ils ont dû se débrouiller tant bien que mal pendant l’évacuation, sans aucune indication des cadres ou des chefs : « je me revois même prendre une chaise de bureau roulante dans un bureau de médecin afin de pouvoir prendre une dernière petite mamie (…) », raconte une interne « terrifiée à l’idée d’oublier quelqu’un. Je me vois vérifier avec mes collègues une fois, deux fois, chaque chambre pour être certain que personne n’a été oublié. L’enfer. »

Les patients ont été évacués dans d’autres hôpitaux et cliniques. L’une d’elles, proche du CHU, s’est vue contrainte d’annuler 80 opérations dans les jours ayant suivi l’incendie, pour cause de… coupure d’eau. Un autre problème récurrent dans l’île, où de nombreux habitants subissent des coupures à répétition du fait de l’incurie de Veolia.

Autant dire que la situation sanitaire de l’île est préoccupante. Sans parler des conditions de travail du personnel hospitalier. Des témoignages rapportent des journées de 14 heures, voire plus. En sous-effectif chronique comme partout ailleurs, le personnel est épuisé. Mais le directeur de l’ARS a trouvé la parade : il a demandé à la population « d’être particulièrement vigilante sur les routes pendant les fêtes et aux malades chroniques de bien respecter les traitements prescrits » afin d’éviter un engorgement des urgences…

La politique d’austérité appliquée aux hôpitaux a entraîné la fermeture de certaines petites structures, et d’autres sont envisagées, pour concentrer le maximum d’interventions sur le CHU. Avec l’incendie, la population se rend bien compte des conséquences dramatiques que cela peut avoir sur sa santé.


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