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La chasse au tigre : Episode n°2 : La soirée gâchée du commissaire

Par Pmazet

Episode n°2: La soirée gâchée du commissaire

Les jours d'armistice ne sont pas de tout repos chez les flics. Pendant que les honnêtes gens célèbrent la victoire, les fripons leur font les poches. Le onze novembre n'échappa pas à cette règle. Dans son bureau de l'avenue du Maine, vingt heures approchant, le commissaire Isidore Pacalet s'apprêtait à aller diner chez Félicie, pas loin de l'église Saint-Sulpice. Il salivait déjà, à l'idée de déguster une assiette de pieds paquets dont seule Félicie avait le secret. Le trajet allait lui peser un peu mais il lui viderait la tête après le vacarme incessant de la journée. A soixante-dix ans et avec l'embonpoint de l'honnête homme, l'heure de courser les voleurs à la tire était passée. Il avait accepté de repousser l'heure de la retraire à la déclaration de guerre. Maintenant, il entrevoyait le moment, où il irait retrouver ses copains d'enfance du côté de Marcolès entre Aurillac et Rodez en se promettant châtaignes et champignons à profusion. Il soupira d'aise quand il s'installa devant son rond de serviette et son verre de Muscadet. Il s'apprêtait à y tremper les lèvres lorsqu'un brigadier fit une entrée fracassante.

- Ah ! Commissaire, j'étais sûr de vous trouver là.

Isidore grogna, il n'aimait pas être dérangé dans son refuge gastronomique.

- On vient de trouver deux cadavres à deux pas d'ici.

Des cadavres ! Comme s'il n'y en avait pas eu assez pendant quatre ans !

- C'est qui ces macchabés ? Des apaches qui ont joué du surin ?

- Pas du tout, patron. C'est un notaire et sa bourgeoise.

Isidore poussa un soupir aussi long que la cinquième symphonie. Les emmerdes se profilaient.

- Félicie, garde mes pieds au chaud, j'en ai pour une bonne heure.

Le commissaire suivit son brigadier. Devant le 18 de la rue de Rennes, deux gardiens de la paix tentaient de maintenir à distance une foule de badauds. Dans le hall de l'immeuble, un troisième en uniforme surveillait la montée d'escalier.

- Alors, ils sont où ces morts ?

D'un mouvement de tête, l'homme de garde lui indiqua le premier étage. A la vue du sang, Isidore n'était pas plus flamboyant que Marcel. Moins de cinq minutes plus tard, il était de retour au rez-de-chaussée. Il y retrouva son brigadier.

- Maintenant que j'ai vu l'essentiel, explique-moi comment on a découvert ce champ de bataille.

- C'est la pipelette qui a découvert le carnage.

- Où est-elle ?

- Dans sa loge, elle prend un remontant.

La pipelette avait passé la soixantaine, presque une classarde d'Isidore. Elle finissait son verre de goutte quand le policier entra.

- Vous êtes de quel commissariat ?

- Comment avez-vous deviné ?

- Pensez, quarante ans de métier et pour la première fois, un crime dans l'immeuble, j'ai jamais pensé que vous étiez représentant en lingerie.

- Alors, comment avez-vous découvert le notaire ?

- Ben, faut vous dire que le lundi, c'est le jour de congé de la cuisinière. Alors, c'est moi qui vais chez le traiteur. Je monte préparer la table et je mets à réchauffer pour que ce soit prêt à huit heures quand monsieur rentre.

- Donc, il est rentré plus tôt aujourd'hui ?

- Et comme vous avez pu le voir, ça lui a rien valu.

- Ca lui arrive souvent de rentrer plus tôt ?

- Jamais, y a pas d'homme plus réglé.

- Pas d'allées et venues suspects ?

- Avec vous, les bourres, tout le monde est suspect ! Je demande pas les papiers à tous les visiteurs. Sans compter qu'entre le ménage, le courrier et les courses je vois pas passer tout le monde.

- Quand vous êtes montée disposer la table, vous ne pensiez pas que le notaire était de retour.

- Du tout, c'était 19h30 et c'était pas dans ses habitudes.

- C'est vous qui avez laissé ces traces autour du corps ?

- Ah non ! Vous pensez bien que quand j'ai vu le carnage, j'ai couru dans la rue pour donner l'alerte.

Isidore ne put s'empêcher une question subsidiaire.

- De quoi était composé le menu du notaire ce soir ?

- Brochet mayonnaise et civet de lièvre ! Si ça vous dit, sinon, ce sera perdu.

Le commissaire refusa. Même s'il était tétanisé par la faim, ce n'était pas ce soir qu'il allait s'attaquer au repas d'un mort.


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