Malgré le froid et la neige, c’est presque une trentaine de lecteurs qui sont venus rencontrer Claire Castillon ce 9 février pour parler de son dernier livre jeunesse Proxima du Centaure. Ou l’histoire de Wilco, tombé follement amoureux d’une camarade de classe qu’il surnomme Apothéose, mais aussi tombé par la fenêtre en regardant passer l’élue de son cœur. Résultat : le voilà à l’hôpital, cloué au lit, occupé à regarder les étoiles et penser à sa dulcinée.
Ecrire quand on ne peut parler
A l’origine de cette histoire, l’auteur nous confie qu’elle connaît « une petite fille qui est à l’hôpital comme ça, condamnée à l’immobilité. Je vois sa famille de temps à autre, et pour moi c’est complètement intolérable d’en parler avec eux, ou même simplement qu’ils m’en parlent. Je ne sais pas quoi leur dire, c’est une situation très désagréable pour moi. Alors je me suis dit que si je ne pouvais pas l’entendre, je pourrais sans doute l’écrire. Et ça a donné en premier lieu une nouvelle, « Garde bien ta clé autour du cou » (dans le recueil Rebelles, un peu). Mais j’avais des scrupules à laisser cette fille comme ça, j’ai donc dû poursuivre cette situation avec un personnage masculin cette fois : Wilco dans Proxima du Centaure. J’avais aussi très envie de me remettre dans un corps immobile, l’habiter, ce que je ne m’explique pas vraiment. »
Les pieds sur terre, la tête dans les étoiles
Plus la rencontre avance et plus on se dit que Claire Castillon ressemble à ses personnages. Un brin de folie douce investit le 38 rue de Malte : « Le réel est toujours la matrice, donc mes livres s’inscrivent là-dedans. Et pourtant j’aime bien rendre le tout bancal, burlesque, fantaisiste. Il y a le cadre, l’amarre de l’histoire, et la folie des personnages. Le réel frôle toujours l’irréel. »
Effectivement, à la lecture de Proxima du Centaure, une lectrice a été marquée par l’importance des détails qui paraissent insignifiants, comme lorsque Wilco chute par la fenêtre, ce à quoi l’auteur répond : « C’est exactement ça : son fils fait une chute grave, et sa mère est obsédée par la crotte de chien qui est là, sur le trottoir, et qu’elle n’arrive pas à lâcher des yeux. On est tous confrontés à ce type de situation au quotidien, quand des détails insignifiants nous happent complètement alors que quelque chose de plus important a lieu juste à côté. »
Il faut trouver la Voix
Mais au fait, comment parvient-elle à faire vivre ses personnages, leur donner une histoire et une subjectivité ? « Chez moi tout part de la voix. Si elle n’est pas là, il n’y a pas de livre. C’est une donnée que je ne peux pas greffer à l’histoire ensuite, et du coup parfois ça me prend pas mal de temps de commencer un nouveau texte. Ca m’est arrivé d’essayer sans ça, mais au final je m’arrêtais d’écrire en plein milieu d’une phrase en me disant : « Au secours, y’a personne là ! » Donc je commence toujours avec le portrait du personnage, sans idée très aboutie de ce qui va lui arriver. D’ailleurs je ne les connais pas forcément très bien physiquement ces personnages, mais je les sais de l’intérieur, je vois à quoi ils ressemblent sous la peau. C’est comme une poche vide dans laquelle je me glisse. D’où le point de vue unique, avec Wilco comme narrateur, enfermé dans cet hôpital. »
De l’encre au lieu des larmes
Une histoire d’amour à la fois lumineuse et très dure donc, dont l’originalité a frappé voire choqué certains lecteurs : « Dans mes livres on sent certes une volonté de malmener le lecteur, mais aussi de lui faire du bien après. Ca fait mal mais ça fait du bien quand même. Je ne cherche pas ce type de sujet exprès, mais c’est ce que j’ai envie d’écrire à ce moment-là. D’ailleurs j’ai commencé à écrire à l’âge de 12 ans, le jour de l’enterrement de mon grand-père. Je n’avais pas envie de pleurer avec la famille, alors j’ai plié des feuilles en forme de livre, et j’ai laissé courir le stylo dessus. C’est aussi une manière de me couper du réel, ce qui est un point de départ récurrent pour moi. »
Quand une lectrice fait remarquer que ses livres s’étendent toujours sur le même nombre de pages, Claire Castillon précise : « A chaque fois que je commence un livre, je me dis : il va être énorme. Et puis soit rien ne vient, soit j’en fais trop et j’en enlève. J’ai une sorte de format intérieur qui correspond environ à 180 pages. J’ai déjà fait un livre plus long, avec trois points de vue de femmes, mais au final je le trouve raté. »
Et concernant ses projets d’écriture ? « Là j’ai bouclé un nouveau roman pour adultes, Ma grande. Et j’ai un autre roman jeunesse en cours. » De quoi faire vaciller un peu plus le réel ! Mais avant ça, la traditionnelle séance de dédicaces aura permis aux invités de partager plus directement encore leur point de vue sur le livre, et de repartir avec leur exemplaire signé. Des lecteurs nés sous une bonne étoile !
Découvrez Proxima du Centaure de Claire Castillon publié chez Flammarion Jeunesse.