Une cuisine de tradition fière d’elle-même et de ses origines. A juste titre…
Faisons foin de l’histoire du lieu, royale, princière, grande bourgeoise, qui fut son lot au XIXème et une grande partie du XXème siècle. Même si elle est encore présente par la décoration intérieure, les tableaux, les tentures et autres parquets, les volumes incroyables, et les jardins extérieurs, intéressons-nous à ce qu’il s’y passe aujourd’hui. Accueil de bonne maison, distingué sans tomber dans l’obséquieux, salle à manger impressionnante par la taille, l’espace, les tables espacées parfaitement nappées, et la grande verrière donnant sur la Seine, la vallée, et au loin sur Paris. Les tables faisant face directement à ce panorama étant bien sûr les plus prisées. A juste titre, car la vue est superbe.
En cuisine, une certaine tradition de la gastronomie française est toujours de rigueur sous la houlette d’un grand professionnel, le chef William Keppler. Il connait son sujet, et sa partition est très au point, demeurant finalement en harmonie avec le lieu et c’est tant mieux.
Il œuvre chaque jour à travers une carte riche et appétissante, deux menus dont un Dégustation, et un menu Signature fort intéressant chaque jour de la semaine au déjeuner. Les deux célébrités liées à la maison, la béarnaise et les pommes soufflées, y sont bien sûr présentes.
La béarnaise, cette célébrissime sauce faite d’une réduction de vin blanc, vinaigre, échalotes et estragon hachés, cerfeuil, et liée avec des jaunes d’œufs montés à chaud et émulsionnée au beurre, fut dit-on, inventée en ce lieu vers 1813 à partir d’une ancienne recette trouvée dans un recueil du XVIIème siècle, dixit un certain baron Brisse. Une autre théorie circule où la sauce aurait été inventée par un cuisinier béarnais dans son restaurant Le Béarnais, selon le livre Histoire de la cuisine et des cuisiniers. Peu importe au fond, l’essentiel étant que la béarnaise est une sauce formidable et que William Keppler la possède parfaitement, la servant à la bonne température, avec une texture parfaite et fort goûteuse. Un classique toujours bien vivant qu’il sert avec un cœur de filet de bœuf impeccable.
Les pommes soufflées font parties de ces réussites dues au hasard. Ici, le chef Collinet de Saint-Germain-en-Laye fut chargé du repas d’inauguration de la ligne de chemin de fer Paris-Le Pecq en présence de la femme du roi Louis-Philippe. Il avait prévu, entre autres, des frites qu’il fit cuire pour l’arrivée du train. Celui-ci ayant du retard il les replongea dans une nouvelle friture plus chaude à l’arrivée du train et celles-ci se mirent à gonfler pour donner ces pommes de terre aériennes, diaphanes, et délicieuses qu’il servit aux convives enchantés. Ce phénomène complexe fut compris et maitrisé longtemps après et les pommes soufflées de ce fait se font rares de nos jours. Celles du Pavillon Henri IV sont parfaites.
En parallèle de ces recettes historiques, le chef sait comment harmoniser une cuisine classique avec quelques touches du moment tant dans les produits utilisés que dans les cuissons et les alliances. Un bon exemple est sa Langoustine simplement rôtie, croustillante, parfumée avec une touche de basilic, et accompagnée d’un jeune mesclun à l’huile d’Argan. Une entrée très travaillée et réussie.
Passons rapidement sur les Oeufs frais en brouillade à la truffe noire et ses petites mouillettes aillées, légèrement surcuits donc un peu épais mais cependant agréables et bien parfumés à la melanosporum.
On retrouve le Cœur de filet de bœuf de Salers, superbe pièce parfaitement cuite comme demandée, goûteuse, accompagnée en majesté par les pommes soufflées légères comme une plume, et une béarnaise fidèle à la tradition, crémeuse et goûteuse à souhait. Un ensemble très réussi.
Dans la grande tradition du service en salle, la Sole meunière est présentée et servie au guéridon, un beau poisson parfaitement saisi et moelleux à la fois, découpée de main de maitre et pour accompagner les filets, une purée moelleuse montée à l’huile d’olive, discrète mais présente.
En dessert, l’Assiette Gourmande du Pavillon regroupe la majorité des desserts de la carte en petites portions plus quelques apports tout aussi gourmands. Le bon choix, à l’évidence.
Carte des vins éclectique mais assez courte, sauf sur les Bordeaux et les Bourgognes bien représentés, tout comme le choix des vins au verre, cinq dans chaque couleur, de 6 € à 19 €.
Une adresse qui vaut largement le (court) déplacement, à la fois pour le dépaysement, la beauté des alentours, le style du Pavillon, et la cuisine du chef parfaitement maitrisée et fière de ses origines ancrées dans la tradition française mais réalisée avec talent et attention. Un plaisir discret mais réel à tous les niveaux.
19, rue Thiers
78100 Saint-Germain-en-Laye
Tél : 01 39 10 15 15
www.pavillonhenri4.fr
Fermé samedi midi et dimanche soir
Menu Signature (du lundi au vendredi au déjeuner) : 35 € (3 plats).
Change entièrement chaque semaine.
Menu Châteauneuf : 51 € (3 plats)
Menu Dégustation : 93 € (5 plats) – 120 € (avec accord mets & vins)
Carte : 70 € environ
42 chambres de 150 € à 450 €
Petit déjeuner : 19 €