Fort de son statut d’équipe invaincue en 2018, le Milan se déplace ce soir sur la pelouse de la Roma avec l’intention ferme de poursuivre cette série. Mais au-delà du symbole, cette rencontre s’avère décisive en ce qu’elle annonce deux autres matches (Inter et Lazio) compliqués mais non moins décisifs en vue de la qualification en Ligue des Champions. Pour ne rien arranger, le tirage au sort de l’Europa League a rendu son verdict : ce sera Milan vs Arsenal ! Comme pour montrer qu’il n’y a pas d’échappatoire possible. Comme pour montrer que le calendrier n’est pas une excuse, que Gattuso et ses hommes ont leur destin en main.
RENAISSANCE
L’année 2018 a commencé sous les meilleures auspices, et tout le mérite en revient à Gattuso qui a eu le courage – compte tenu de sa maigre expérience d’entraîneur et de la pression permanente qui entoure le club – de reprendre une équipe en totale perdition, où tout semblait aller de travers, pour en faire le rouleau compresseur qui est en train de prendre forme. Les débuts furent pourtant des plus délicats : à la recherche des résultats et de la compo type, Rino a même songé à la démission et d’aucuns commençaient à regretter Montella. Qu’il semble loin ce temps ; Gattuso, fidèle à son tempérament de toujours, a réussi à trouver les ressources mentales pour se relever et le voici désormais solidement installé.
LE DECLIC
La cure fonctionne, les résultats le démontrent : Milan reste sur une impressionnante série de onze matches d’invincibilité toutes compétitions confondues ! Un rythme de folie entamé, fort symboliquement, par cette qualification dans les prolongations en quarts de finale de Coupe d’Italie contre… l’Inter. Les dynamiques étaient alors diamétralement opposées : cynique, froide, conquérante, intraitable défensivement, super efficace offensivement, l’Inter, pourtant loin d’être brillante (déjà, diront les mauvaises mais non moins véridiques langues), faisait figure de candidate au titre en championnat et abordait naturellement ce derby dans la peau du favori face à un Milan toujours fiévreux, inconstant, dominateur stérile, d’une friabilité carabinée, sortant de deux défaites nettes (3-0 sur la pelouse du Hellas et 0-2 contre l’Atalanta à domicile). Mais un derby reste un derby, la réalité du terrain et le talent du prodige Cutrone – comme pour accentuer le symbole – l’ont montré ce soir-là : la logique est un indicateur inopérant en la matière. En voyant les scènes de liesse qui s’ensuivirent et cette image forte de tout le groupe réuni autour de Gattuso, quelque chose comme un tournant a semblé s’être produit. La suite, on le voit, on le vit, on le sent, montre qu’il ne s’agissait pas d’une simple impression : c’est vrai – pour utiliser un mot trivial.
CHANGEMENT DE GESTION, FIN DE LA MALEDICTION
Outre la symbolique du derby, cette victoire a aussi sonné la fin de la malédiction contre les « gros ». Lazio, Sampdoria, Roma, Inter, Juventus, Naples, Atalanta, autant d’équipes, pour les citer dans l’ordre chronologique des rencontres disputées, contre lesquelles Milan a connu la défaite. Autant d’équipes également, si l’on excepte l’Atalanta qui néanmoins colle aux trousses, qui devancent Milan au classement. Une constante qui renvoyait au symptôme du fort contre les faibles (pour peu que l’adjectif « fort » convienne), faible contre les forts. Sous Montella, la résignation semblait être arrivée à son comble : à chaque confrontation contre un gros, les tifosi en venaient presque à espérer une limitation des dégâts. Et si d’aucuns croyaient au sursaut, pour leur majorité, ce n’est pas d’une victoire mais à tout le moins d’un partage des points que leurs rêves se raccrochaient. Il n’en fut jamais rien.
Reste que ce derby catalyseur, ce n’est pas sous Montella qu’il s’est disputé, mais bel et bien sous Gennaro Ivan Gattuso ! Et ça change tout. En prenant les rênes de l’équipe, le Calabrais ne s’est pas contenté d’opter pour un schéma tactique stable (le 4-3-3), de faire des choix forts (l’inexpérimenté Cutrone devant les confirmés Silva et Kalinic dans la hiérarchie des attaquants ; Calhanoglu sur le flanc gauche en position de faux ailier où il démontre enfin toute l’étendue de son talent ; confiance accordée au tout jeune Calabria qui le lui rend bien malgré une expulsion stupide lourde de conséquences mais qui, gageons-le, lui servira de leçon ; confirmation du duo Bonucci – Romagnoli dont l’entente s’améliore match après match ; clés du jeu délivrées à un Biglia qui retrouve sa meilleure forme physique, etc), ou bien encore de faire accepter à ses hommes, en plein cours de saison, la nécessité d’ une reprise du travail foncier (Milan étant l’une des équipes au kilométrage le plus faible sur la phase aller), avec tout ce que ça implique de sacrifices sur le court terme. En sus du chantier technico-tactique et tu travail de réathlétisation, c’est surtout sur l’aspect mental que les résultats sont les plus spectaculaires. Autrement dit, ce qui a fait le plus défaut à l’équipe ces dernières années, toutes ères confondues depuis celle d’Allegri. Quand on se souvient du joueur qu’il fut et de sa hargne légendaire, il n’y a finalement rien d’étonnant à ce que Gattuso réussisse là où d’autres ont échoué. On a coutume de dire que les grands joueurs ne font pas forcément des bons entraîneurs en citant pour s’en convaincre d’illustres exemples. Sans préjuger de l’avenir, on peut toutefois affirmer que Gattuso n’était pas qu’un grand joueur, c’était d’abord un gagneur, avant tout un leader, un ennemi déclaré de la défaite et plus encore du relâchement, un guerrier au sens du sacrifice sans pareil, un faux méchant noyé dans un océan truffé de faux gentils. Autant de valeurs que son groupe a intégré comme peuvent en témoigner la série d’invincibilité en cours, et particulièrement ces revanches prises sur les équipes mieux classées (Inter, Lazio, Sampdoria).
ZONE DE TURBULENCES, MOMENT DE CONFIRMER
Après avoir marché sur le champion de Bulgarie Ludogorets en Europa League, le Milan s’est donc qualifié pour le tour suivant. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le tirage n’a pas été clément puisque l’adversaire que les petites mains tremblotantes d’Abidal ont choisi n’est autre qu’Arsenal, l’un des favoris de la compétition. Un choc sauce Ligue des Champions pour deux équipes en quête d’un retour dans l’élite. Un tirage difficile, donc, surtout au regard du calendrier dantesque à venir, avec deux déplacements dans la capitale (Roma, Lazio) entrecoupés d’un derby qui s’annonce particulièrement électrique ! Quitte à y laisser des plumes, l’heure n’est plus au calcul : il faudra un investissement total de tous les joueurs pour engager ces batailles. La première commence dès ce soir, sur le terrain toujours compliqué de la Roma, laquelle était venue s’imposer tranquillement à San Siro au match aller (0-2). Les deux équipes sortent d’un voyage en Europe de l’est pour des résultats contrastés : victoire et qualification pour le Milan, défaite et ballottage défavorable pour la Roma. Mais gare à l’excès de confiance ! D’une part parce que la Roma a eu l’heur de se reposer un jour de plus ; d’autre part parce qu’en championnat, ce sont bien les hommes de Di Francesco qui font la course devant, et nul doute qu’ils seront remontés à bloc pour oublier cette parenthèse ukrainienne et récupérer leur troisième place actuellement occupée par… la Lazio. Milan, de son côté, a l’occasion de se rapprocher toujours plus de la quatrième place directement qualificative pour la Ligue des Champions, objectif déclaré du début de saison sur lequel la communication du club a depuis fait un trait – du moins officiellement. Les tifosi, eux, se remettent timidement à y croire. A Gattuso et ses hommes de leur montrer qu’ils ont raison de leur faire confiance.
Les compos probables :
Roma (4-2-3-1) : Alisson ; Florenzi, Manolas, Fazio, Kolarov ; Strootman, Pelligrini ; Under, Nainggolan, Perroti ; Dzeko.
Milan : (4-3-3) : Donnarumma ; Calabria, Bonucci, Romagnoli, Rodriguez ; Kessié, Biglia, Bonventura ; Suso, Cutrone, Calhanoglu.
Forza !