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Who are you Ritual Process ?

Publié le 25 février 2018 par Hartzine

Fondé en 2014, le label Ritual Process se veut le gardien d'une techno sans concession comme on les aime. Avec des signatures comme Coldgeist ( lire) et Côme ( lire), la structure défend une intégrité artistique au romantisme sombre. Autant influencées par l'expérimental, l'indus que par Métal Hurlant et le BDSM, leurs sorties sont maintenant guettées de près par des diggers adeptes d'une musique intransigeante et érudite. Rencontre avec les fondateurs, Mathieu et Marc, pour en savoir un peu plus ce qui se passe derrière cette pierre angulaire de l'underground français.

Interview

Quand a débuté l'aventure Ritual Process et pourquoi ?

Matthieu : Je venais de m'installer à Berlin et j'avais du mal à trouver un label pour sortir mes morceaux. Parfois pas de réponse ou bien un calendrier blindé pour les deux années à venir. J'avais une idée très précise de l'esthétique que je voulais, il fallait du sur-mesure. J'ai donc lancé Ritual Process en 2014, je ne pensais faire que des sorties digitales au début, n'ayant pas le budget pour du physique ni le réseau pour la distribution. Puis Marc m'a rejoint et ça a évolué.

Marc : On s'est rencontré en 2014 avec Matt, à Brest d'ailleurs, et on a tout de suite bien accroché. On avait à peu près les mêmes influences. Il voulait monter un label et sortir des trucs assez vite. L'idée a germé et, en fin d'année, le premier EP est sorti en digital, sous son projet Coldgeist, puis en 2015 le deuxième, entre lui et moi, avec un remix de In Aeternam Vale que je connaissais vite fait pour avoir joué avec lui et Alexey Volkov. Le label était lancé.

Comment définirais-tu l'identité du label ?

Matthieu : Je suis très influencé par Sandwell District et tous les gens qui traînent autour. Ils ont su imposer cette esthétique post-punk et industrielle dans la techno avec une imagerie très forte. Il y a une vision derrière et c'est le plus important pour moi ; on dépasse le côté fonctionnel et divertissant pour proposer une forme de radicalité artistique. On s'en est beaucoup inspiré pour créer Ritual Process. On essaie de faire le lien entre les musiques dites de club et tout ce qui touche à l'expérimental. De manière générale, on se focalise sur les musiques " abîmées ", un terme que j'avais lu dans une interview de Silent Servant ( lire) qui résume assez bien ce à quoi on s'intéresse.

Marc : Sandwell District, Axis Records, la musique industrielle des pionniers 1970/1980, Detroit, Berlin, l'Angleterre, le rock, le BDSM, la nature... tout cela nous influence. Faire le lien entre le passé et le présent, les quarante dernières années, quand on regarde, sont parmi les plus riches dans l'histoire de la musique, Ritual Process est ancré dans son époque. On avait envie aussi de sortir du schéma classique du label qui fait des tools techno ou house juste pour le dancefloor et Beatport, de laisser place à la spontanéité et à la radicalité. Très important aussi, on voulait mettre la musique sur un support physique (vinyle, cassette, etc.), la mémoire est dans les objets.

L'image, l'artwork de Ritual Process est très forte. Comment et avec qui travaillez-vous ?

Matthieu : On travaille avec Yves Chapelain, que je connais depuis plus de dix ans. On voulait un visuel fort qui évoque à la fois le côté violent mais aussi romantique de ce qu'on fait. On a été puisé dans l'imagerie de Métal Hurlant et, à partir de là, Yves a produit plusieurs esquisses d'un crâne porté par une femme.

Marc : Yves est avec nous depuis le début, il est l'identité visuelle du label.

Quelle image voulez-vous donner ?

Matthieu : Aucune

Marc : Je ne suis pas sûr qu'on ait envie de donner une image particulière ou de calculer quoi que ce soit.

Vous vous sentez proche d'autres labels, en terme d'identité ?

Matthieu : June, Instruments Of Discipline, Anywave, les copains d'OKVLT.

Marc : Jealous God a une superbe esthétique, c'est l'un des labels les plus classes des cinq dernières années. À Rennes, il y a Être Assis ou Danser et les gens du festival Vision, NVNA, avec qui on prépare une soirée.

Comment se porte la scène de musique électronique à Rennes ? Quelle évolution ?

Matthieu : Je n'y suis plus depuis cinq ans.

Marc : On a pris le vent de Berlin des années 2010 dans la gueule, comme un peu partout en France j'ai l'impression, donc la scène rennaise a explosé depuis huit ans avec plein de soirées de collectifs. Tant mieux. Mais il y a aussi une contrepartie dans tout ça : un public très très jeune avec un gros côté " c'est la mode ", " la teuf c'est cool ". Comme partout, plein de drogues, on a même un gros festival à la " I Love Techno " une fois par an. Bref, on se resserre sur certains endroits et bars moins en vue.

Qu'est ce que vous faites à coté du label ?

Matthieu : Je travaille dans l'informatique, je développe des applications pour une boîte et à côté j'ai une résidence à la Folie Numérique où je bosse sur la visualisation et la manipulation du son, un projet débuté en master recherche de musicologie à Paris 8.

Marc : Je travaille dans la formation, rien à voir avec la musique.

Arrivez-vous à en vivre ?

Matthieu : Du label et de nos projets musicaux, non, on est déjà sur un créneau assez particulier, les endroits où on joue n'ont généralement pas des budgets mirobolants donc c'est une éventualité que j'ai vite enlevée de mon esprit - je pense qu'on n'a pas envie de faire de concession, on a des idées assez arrêtées !

Marc : Non, pas vraiment.

Who are you Ritual Process ?
C'est difficile de défendre un label comme Ritual Process ? Vous avez parfois des moments de découragement ?

Matthieu : En quelque sorte, oui, car on a le cul entre plusieurs chaises : entre musique de club et musique expérimentale, entre post-punk et techno, etc. Nous, on voit la cohérence dans ce qu'on fait, on veut sortir tout ce qui sonne " abîmé " comme on le disait tout à l'heure, que ce soit de la synth wave, du noise ou bien de la techno. C'est une richesse de pouvoir proposer cette diversité. Mais on peut parfois avoir du mal à être identifié clairement avec un son reconnaissable. On ne veut pas se cantonner à un genre, si ce qu'on nous envoie nous plaît, on le sortira car ça respectera notre vision et c'est ce qui compte le plus.

Marc : C'est pas toujours évident. En France, ne l'oublions pas, on vient de très loin en terme de musique car musiques électroniques veut dire encore bien souvent free party crado ou french touch cucul du XVI donc c'est clair, on n'a pas choisi la facilité. Mais on suit notre ligne droit et en avant.

Comment choisissez-vous les artistes ?

Matthieu : On n'est pas des identitaires bretons, hein, mais c'est vrai que, jusqu'à maintenant, on a plutôt regardé ce qui se passait autour de nous avant d'aller démarcher d'autres artistes. Cela étant, depuis que je suis installé à Paris, j'ai rencontré des producteurs avec des projets super intéressants qu'on aimerait sortir, comme Opaque.

Marc : On privilégie les gens qui sortent justement des standards et qui ont un truc différent, dur, sauvage ou poétique par exemple. Certains sont des potes, comme Savage Cult ou Enter Caspian, et s'ils sont Bretons, c'est mieux ! (rires)

Pouvez-vous nous présenter vos artistes ?

Matthieu : Il y a quatre artistes permanents sur Ritual Process : mon projet, Coldgeist, celui de Marc, Côme, celui de Pierre-Yves, Dellinger, et enfin Théo avec Savage Cult. On s'est tous rencontrés à Rennes, Marc avait l'habitude de jouer avec les collectifs Midi Deux et RAW, Pierre-Yves faisait des études d'architecture, il vient de la région de Quimper et avait déjà fait pas mal de dates dans le coin. Théo, je l'ai connu avec le premier projet musical qu'il avait avec un pote, depuis il a évolué en solo et a sorti l'année dernière une tape sur Tripalium, notamment reprise par le webzine The Brvtalist.

Quel est le moment dans la vie du label dont vous êtes le plus fier ? Et le moins ?

Matthieu : La soirée commune avec RAW à l'Ubu en 2016, on avait invité Rrose. MioSHe, qui fait partie du collectif, avait peint notre logo sur une pastille de deux mètres de diamètre environ, on l'avait placée derrière la scène. Ça faisait un peu spot pour appeler le Batman.

Marc : Oui, je dirais également la New Faces au Tresor avec Reka et le week-end qui a suivi. On a eu souvent des problèmes avec la fabrication des vinyles, du retard, des quiproquos, des mails où l'on attend longtemps la réponse, etc. Plus il y a d'intermédiaires, plus il y un risque de rencontrer des problèmes.

Est ce que vous avez une anecdote amusante de soirée ou autre à nous partager ?

Matthieu : Marc, je te laisse raconter le coup de la troisième salle au Tresor.

Marc : Donc toujours au cours de ce fameux week-end, on était toute une bande de joyeux loufoques, la soirée se déroulait dans le Tresor, c'est-à-dire une cave. En haut, il y a le Globus, une salle plus orientée house, Chicago, dub, etc. Deux de nos amis, venus de France avec nous, décident de partir aux toilettes et, sur le chemin, le club est grand, ils ont entendu du son, un truc très agressif, comme un moteur. Ils se sont dit " mais c'est dingue, il y a une troisième salle ouverte, ils font de la noise là-dedans, ils sont vraiment dingues ces Allemands, allons-y! " et, filant d'un pas décidé, les deux compères ont ouvert la porte et sont tombés sur une femme qui passait l'aspirateur... juste une employée qui accomplissait son travail.

Quels sont les prochaines sorties ?

Matthieu : Paulie Jan au printemps, avec un projet très bien ficelé. On est fier de le sortir, il a un son très typé - niveau sound design, c'est béton - et une vision derrière. Sinon il y aura sûrement une sortie de Savage Cult d'ici la fin d'année.

Marc : Ce sera dans une belle cassette, et en digital aussi. On a hâte !

Quels sont les prochaines dates ?

Matthieu : Le 31 mars, on a un projet de collab' avec le collectif NVNA à Rennes, mais c'est secret donc on n'en dit pas plus. Sinon le 5 mai, à l'International, on organise une label night. On va inviter un artiste de Zagreb qui joue très rarement en France, on vous laisse googler...

Marc : Et le 10 mars à Quimper, à la Maison Jaune, avec Ohm S.

Comment voyez vous le label dans cinq/dix ans ?

Matthieu : Peut-être qu'il n'existera plus, qu'on aura envie de faire autre chose avec une autre esthétique. J'aime bien cette idée de label qui ne dure pas forcément dans le temps, qui correspond à une époque, à des inspirations, qui est ancré dans le réel. C'est très difficile, je trouve, de conserver le feu du début autant d'années sans tomber dans quelque chose de rébarbatif.

Marc : Difficile, l'avenir nous le dira.

Vous pouvez nous parler de la mixtape que vous avez faite pour Hartzine ?

Marc : La réalisation d'une mixtape me prend du temps à chaque fois, c'est difficile de synthétiser toutes ses influences en un mix. Je fais le point sur mes dernières nouveautés, je note tous les titres sur un papier puis j'organise. J'essaie de raconter quelque chose, de varier les atmosphères. Ici, la grande partie des morceaux sont en vinyle, de différentes époques, je mixe avec des Technics et une table Xone, et j'ai ajouté une pédale d'effets. Le mix est enregistré d'un coup, le rôle de l'ordinateur se limite à être un enregistreur, et Yves m'accompagne pour le visuel.

Un dernier mot ?

Marc : Musique, martini et misanthropie.

Mixtape


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