En octobre dernier, de retour des Pouilles j'ai décidé de passer par Rastenberg. (d'accord, c'est pas bien le plus court chemin...)
Je n'y étais jamais retourné depuis l'enciellement de notre chère Christiane, mais les images des "jours heureux" sont gravées non seulement dans ma mémoire, mais dans ma chair vive, dans tout mon être. Ancrées. Devenues partie de ce que je suis, pense, ressens. Je me dis souvent que Christiane n'est pas partie, qu'elle est toujours là, à mon côté, présente, si présente parfois...
J'arrive à Rastenberg, c'est la fin de journée, je décide de poser mon camping car dans la forêt, non loin du zendo; Et bien sûr d'aller roder en direction de cette petite maison, voir ce que tout cela devient depuis dix ans.
Je m'approche à pas lents. Et plus j'approche plus se forge une évidence. Christiane est là. De toute sa présence. Christiane est là, devant moi, elle est assise sur les marches de l'entrée du zendo, elle est vêtue d'un pantalon bleu marine et d'un haut blanc, elle est là, elle me sourit, doux regard ... Elle est "comme d'habitude" et elle me dit: "Alors vieux brigand, qu'est ce que tu viens faire par ici?"
Je suis confondu. Bien sûr je ne suis pas fou, mon "esprit" sait bien qu'elle est morte, comme on dit, il y a dix ans. Mais je connais trop ces percées, rarissimes, du réel, ces instants qu'elle nous a appris à reconnaître, ces infimes mais immenses traits d'union entre visible et invisible, pour me traiter moi-même de fou ou d'illuminé. Je SAIS la réalité de cette présence, je le sais comme plus fort que tout au monde, et je lui réponds, les larmes aux yeux "Tu le sais bien" (ou qq chose d'approchant). Je la remercie très fort d'être venue m'accueillir, j'entends une réponse du genre "tu le vaux bien".
Qui parle ici?
Qui entend? Qui sent, qui voit, quel est ce lien?
Jugés avec l'esprit cartésien, ces instants n'ont aucune existence. Mais je me moque bien de Descartes. Je sais ce que je vis, et ça pulse, ça palpite, ça respire, mieux, plus qu'une certitude avérée.
Somme toute, rien ne me surprend. De son "vivant", Christiane m'a souvent pris par la main et emmené à "la porte".
- Tu vois, le Réel, c'est ici. Que décides-tu, vas-tu entrer?"
Qu'elles sont douces, les larmes que j'ai versées les yeux dans les siens...
Comme c'était émouvant de la retrouver là 10 ans après...
et si naturel, en somme. Très "naturellement" bouleversant.
Alors, amis, je n'ai qu'une chose à vous dire, : allez-y. Peut-être vous y attend-elle comme elle m'attendait . Son travail ici bas n'est pas terminé...
(et dire qu'elle ne "voulait laisser aucun sillage")....!
Jean-Pierre Vaissaire
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