de Emily Fridlund
Roman - 290 pages
Editions Gallmeister - août 2017
Dans le Minnesota reculé, au bord d'un lac, vit Linda, une jeune fille assez sauvage, fascinée par la forêt et sa faune, attirée par l'éthologie des loups. Issue d'une famille très modeste, habituée à la rudesse de la vie, elle observe avec intérêt, attraction, addiction presque, la famille qui vient de s'installer sur la rive opposée : les Gardner, Leo, Patra et leur fils Paul. Une vie aisée entouré de parents cultivés accordant de l'importance à l'éducation. Bientôt, Patra fera appel à elle pour s'occuper de Paul, alors que Leo travaille loin. Elle s'immiscera alors dans ce foyer, observera leurs rituels, s'attachera à Paul tout en étant assez obsédée par la figure de Petra. Et apprendra à se faire aux discours de Leo, le père très dogmatique imbibé de Scientisme chrétien.... Très vite on apprend dans le cours du récit qu'un drame a eu lieu, qu'un jugement prend place car Paul est mort. Alors par les yeux de Linda (Madeline) on essaie de remarquer les points inquiétants, les signes d'alerte, et ce qui pourrait expliquer les actions et inactions de Linda, sous une certaine emprise qui éloigne du jugement rationnel. Ce roman est tout d'abord un récit écrit d'une plume qui excelle dans les descriptions, les pages qui campent une ambiance, avec toujours une grande importance donnée aux éléments de la Nature, aux êtres vivants et aux bruits de la forêt. Une écriture majestueuse pour un écrin grandiose où l'on imagine les scènes. Beaucoup de silences, les griffures du froid, la lumière éblouissante. Les paragraphes suivent une narration maitrisée qui se balade dans de nombreux flash backs, toujours dans le regard de Linda, son regard intransigeant, introverti, et presque manipulateur. Extrait :"Aujourd'hui encore, il y a tant de gens qui admirent le manque. Ils pensent que le manque vous aiguise, comme la beauté, faisant de vous quelquechose qui pourrait les blesser. Inconsciemment, ils y mesurent leur propre force, se préparant soit à vous plaindre, soit à vous combattre." C'est un roman singulier, pas tout à fait un thriller même si le suspense peut nous conduire vers l'achèvement du roman, pas tout à fait un roman social même si en toile de fond on lit ces différences profondes entre les classes rurales et modestes et celles plus privilégiées de l'Amérique d'aujourd'hui. Il y a aussi un projecteur braqué sur les ravages liés au pouvoir des sectes religieuses, comme celle évoquée du scientisme chrétien, avec le refus des parents d'avoir recours à la médecine conventionnelle (ce que l'éloignement rural ne favorise pas non plus). Une philosophie qui nie la mort. Qui veut que : "Le paradis et l'enfer sont deux manières de penser. Il nous faut toucher cette vérité du doigt, prier pour comprendre que la mort est simplement la croyance erronée que tout chose puisse avoir une fin. Aucun de nous ne va disparaître, pas dans la réalité. Tout ce qui change, c'est notre façon de percevoir les choses." C'est un portrait particulier d'une jeune fille qui se cherche, qui cherche l'admiration, la reconnaissance, mais qui est comme une pièce qui ne trouverait nulle part sa place. A côté des journées passées chez les Gardner, il y a la Linda qui évolue au lycée, qui observe de manière très concernée le scandale qui éclabousse M. Grierson, le prof d'histoire, et Lily sa camarade de classe. Une histoire des loups est un roman envoûtant, atypique, à la musique si attachante, et qui nous questionne sur le pouvoir à donner aux pensées et aux actes, aux conséquences de nos admirations et nos indifférences.
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