Retour sur le concert de clôture
Ensemble Nassim El Andalous d'Oran
Lila Borsali et son orchestre
samedi 24 février
Salle Molière (opéra comédie)Ensemble Nassim El Andalous d'Oran
Cet ensemble, la " Rolls " de la musique Arabo-Andalouse, fête cette année le cinquantième anniversaire de sa fondation. Invité à jouer à Montpellier, pour la première fois, à l'occasion du deuxième festival Al Andalus, il nous a offert la quintessence de la musique " Andalouse ".
L'intemporalité, une apparence figée, statique, s'inscrivant dans une tradition plus que millénaire a de quoi surprendre une oreille trop " occidentale ". Mes voisins de siège, une voisine proche, présentaient des signes d'impatience, voire d'incompréhension, allant pour certains jusqu'à un discret départ de la salle. Il me revient une de ces vieilles scies, très répandue il y a quelques années : " Les chinois sont tous les mêmes, quand on en a vu un, on les a tous vus. Ils se ressemblent trop ! " Sans éducation de l'oreille à la subtilité de cette musique, à ses changements de rythme, parfois peu perceptibles, à ses codes et à sa construction : on reste à la porte et c'est bien dommage ! Les onze musiciens de l'ensemble, dix hommes et une femme, que ce soit au oud, au violon, au rebab ou à la darbouka sont des " maîtres " au même titre que les solistes ou virtuoses dans nos orchestres nationaux (ou régionaux).
Les interprète alternent instruments et chants, selon les mouvements musicaux instrumentaux et poétiques joués au cours de la Nouba*. Voix différentes selon les parties de la Nouba interprétée.
Remerciant Montpellier et le public, le responsable et fondateur de l'ensemble, longuement applaudi, rappelle dans un français remarquable que Rabie Houti, le directeur artistique du festival, est un ancien élève de l' association culturelle El Nassim. Gage de qualité, s'il en est !
Entracte un peu frisquet, surtout pour les fumeurs, et reprise dans une salle toujours (ou presque) aussi bondée.
Surprise de la soirée, excellente pour les " non initiés ", la magnifique Lila Borsali, cantatrice de haut vol à la large tessiture.
Au travers d' Errances, son spectacle, Lila Borsali nous invite à la suivre dans un voyage musical et à " découvrir plusieurs villes d'Algérie et du monde avec pour guide sa voix enchanteresse et sa grâce magistrale. "
Depuis le Maroc elle nous entraîne jusqu'aux " Lieux saints ", La Mecque.
Des textes dits avec tout le talent et la ferveur d'une conteuse, une langue qui paraît facile, qui coule et nous berce, des textes forts comme le poème de Benmsaid, déclamé avec talent... et une voix !
Complicité et échanges avec son orchestre, neuf musiciens, huit hommes et Leila El Kébir le dirigeant, depuis son violon. La plupart des instruments de la moussiqa al andaloussia y sont représentés : oud, violon, alto, violoncelle, mandoline, kanoun, darbouka, flute ( nay).
Plus d'une heure trente de bonheur musical, durant laquelle nous suivons , chanté en kabyle ( Lila à Tlemcen, Oran, Constantine, Alger, sans oublier le Sahara... Passage en Kabylie, avec Essendoun, poème de IdirFayrouzcf. la vidéo, ci-dessous) et petite incursion en Russie où, sur une musique traditionnelle russe, après , elle a adapté un texte andalou Boubou Edyari.
Lila Borsali c'est l'avenir de cette musique Arabo-Andalouse qu'elle plonge dans une contemporanéité certaine tout en conservant les codes et systèmes traditionnels.
" Un patrimoine qui ne se renouvelle pas risque de mourir. L'évolution se fait dans la réflexion. Il ne faut pas perdre de vue que nous avons cette liberté, nous artistes, de créer" ( Lila Borsali).
Un public enthousiaste, ovationnant chanteuse, orchestre, organisateurs et équipe de bénévoles, moteurs de ce festival. Un concert s'achevant en " feu d'artifice " et une ambiance rare, celle des moments d'échange, d'amitié sans frontière ni a priori !
L'heure n'est pas encore au bilan mais les deux concerts auxquels j'ai assisté ont largement tenu leurs promesses. Qualité et professionnalisme pour le premier, " l'inaugural ", exceptionnel mélange entre tradition affirmée et vision d'avenir pour le dernier, la boucle est bouclée !
Rendez-vous pris pour le troisième festival !Glanées, au hasard de mes rencontres au cours des deux soirées, quelques remarques constructives : un glossaire et une information écrite, mis à disposition, sur cette musique complexe qu'est la musique arabo-andalouse, seraient les bienvenus. La conférence de samedi a été très appréciée mais, aux dires de certains, n'étaient pas accessible au commun des publics ! Peut-être, aussi, une traduction des textes interprétés qui, ne l'oublions pas, sont le plus souvent d'admirables poèmes.