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Extrait de mon livre « Coming in » : Cauchemar
"Irrésistiblement, je glisse.
Mes mains tentent de s’agripper à la moindre aspérité. Pour tout résultat, mes paumes ne sont que plaies, mes ongles arrachés. Ma vitesse s’accélère sans cesse. Trop vite, je vais trop vite. Bientôt je serai broyé, explosé sur le sol que je vais finir par atteindre.
Aucune lumière, le noir absolu, juste le souffle de ma vitesse. Une pensée m’obsède : freiner ma chute, coûte que coûte. Essayer à tout prix. Jouer des coudes. En vain. Essayer encore et encore. Les genoux, puis les pieds. La chute se poursuit. Inexorablement. Au-dessus, le rond du jour n’est plus qu’un point à peine perceptible. Inutile de crier : aucun son ne peut sortir du puits dans lequel je plonge. J’ai été jeté dans des oubliettes.
Soudain, je rebondis sur le sol. Brutalement, mais sans ressentir ni douleur, ni contusion. Juste le froid et l’élasticité d’une terre souple et humide. Odeur de putréfaction.
(…)
Étranger à moi-même, j’erre, les bras en avant. Maladroit, je renverse tout, ici une lampe, là une table de chevet. Je bute sur une chaise et m’y assois un instant. Je désire mon lit qui m’échappe. Les débris de la lampe s’incrustent dans la chair de mes pieds nus. Je sens mon sang s’écouler, devinant que le flot visqueux macule le sol.
A défaut de lit, j’atteins le mur du fond. Il est blanc et impersonnel. Aucun relief, juste la froideur du plâtre à nu. De rage, mes poings se serrent, et je commence à boxer la paroi.
Gauche, droite, gauche, droite, gauche, droite. Seconde après seconde, l’intensité de mes coups s’accroît. Le mur se creuse, mes phalanges saignent. Gauche, droite, gauche, droite, gauche, droite. Frapper encore et encore. Même pas mal. Gauche, droite, gauche, droite, gauche, droite. Plus fort, plus vite. Ne pas réfléchir. Simplement cogner. Même pas mal. Gauche, droite, gauche, droite, gauche, droite. Crever ce mur pour accéder à ce qui est de l’autre côté. Crever pour ne pas crever. Gauche, droite, gauche, droite, gauche, droite. Ne pas accepter de rester emmuré. Combat à mort. Gauche, droite, gauche, droite, gauche, droite. Je sais que ce mur m’engloutira, mais qu’importe. Lui ou moi. Lui et moi. Gauche, droite, gauche, droite, gauche, droite.
D’un coup, le plâtre devient béton. Bien qu’en sang, je continue à frapper. Gauche, droite, gauche, droite, gauche, droite. Mais que faire contre un mur indestructible ? Je stoppe le combat, lèche mes blessures, et me repais du fluide rouge qui s’en écoule. D’un dernier élan, je percute de la tête l’enceinte, et, à moitié assommé, tombe sur le sol. Je couvre ma tête de mes bras.
Je suis boule, fœtus. Aucun bruit. Doucement, irrésistiblement, ma cellule rapetisse. Les murs glissent vers moi, le plafond descend. Mon espace vital se réduit lentement. L’air commence à me manquer. Bientôt, je serai écrasé, broyé, détruit. Mais non, car moi aussi, je rapetisse. Je régresse. La paroi n’est plus rigide, mais a la douceur et la chaleur d’une peau. Je comprends que j’ai trouvé refuge dans celle que je n’aurais jamais dû quitter : j’ai réintégré l’utérus de ma mère. Je sens nos cœurs battre à l’unisson. Je tape contre la paroi de son ventre. M’entendra-elle ?
En sueur, je me réveillai."