Critique de La Collection d’Harold Pinter, vue le 23 février 2018 au Théâtre de Paris
Avec Sara Martins, Davy Sardou, Nicolas Vaude et Thierry Godard, dans une mise en scène de Thierry Harcourt
En habituée de la salle Réjane que je suis, et ayant déjà vu le spectacle proposé à 21h, ne me restait plus qu’à découvrir celui de première partie de soirée. Un spectacle que j’attendais avec une grande impatience en vérité, puisqu’il mêlait plusieurs éléments sujets à mon enthousiasme : j’ai nommé messieurs Nicolas Vaude et Harold Pinter. Quelle ne fut pas ma déception devant l’absence de tout ce que j’avais espéré : ni trace de l’auteur, ni du talent du comédien.
Pourtant, j’ai senti dans le texte une belle trame dramatique et des dialogues pinteriens comme je les aime. Je suis malgré tout contente d’avoir découvert cette pièce, et j’ai hâte de la voir bien montée. Un individu étrange passe un coup de téléphone en pleine nuit. Il est 4h du matin, et il demande à parler à Bill Loyd. Devant son échec, il se présentera à l’appartement le lendemain matin. Inconnu de Bill et de son colocataire Harry, James leur présentera alors une situation étrange : il accusera Bill d’avoir couché avec sa femme lors d’un séminaire à Leeds. L’accusé niera tout d’abord en bloc, avant de consentir à certains aspects de l’histoire, puis d’en modifier des parties : se joue-t-il complètement de James ou refuse-t-il de reconnaître la vérité ? Comme souvent chez Pinter, tout est possible.
Le problème ? Probablement un manque d’idée du côté du texte. Pas facile de traiter Harold Pinter et tout ce qu’il soulève comme mystères : il faut trouver le bon compromis entre maintenir l’intérêt du spectateur et ne jamais résoudre franchement les secrets de la pièce. C’est comme s’il fallait amener le spectateur à se faire sa propre idée du problème en lui donnant toutes les clés en main pour conclure, sans jamais apporter la solution. Si le metteur en scène n’apporte pas un regard précis sur ce texte et le monte de manière linéaire, laissant de côté incertitudes et énigmes, sans vraiment s’en occuper, on perd toute l’atmosphère propre à Pinter et on tombe dans une espèce de pseudo-thriller sans grand intérêt.
C’est ce qui se passe ici : Thierry Harcourt semble s’être désintéressé du texte et des situations, travaillant plutôt le rendu plus matériel de sa scénographie. On sent un travail peut-être plus soigné sur les lumières, sur les déplacements relatifs des comédiens, sur leurs positions spécifiques à tel endroit de la pièce. Mais le fond est absent, et l’ennui prend sa place. Seule la relation ambigüe entre Bill et Harry a des aspects pinterien. Mais la technique visant à réaliser les dialogues sans que les comédiens ne se regardent dans les yeux lasse rapidement. Thierry Harcourt semble effrayé par les silences – pourtant personnage à part entière chez Pinter – et les comble autant qu’il peut. Le désintérêt vient. Le spectacle ne dure qu’une heure, et pourtant ça paraît long – d’autant plus que le spectacle, qui aurait pu durer 45 minutes, s’étire par tous les moyens possibles.
C’est fou, car l’un des premiers articles sur le blog concernait un spectacle dans lequel jouait Davy Sardou. Je dois dire que c’est extraordinaire de voir à quel point il n’a pas évolué en 7 ans. Il est toujours d’une fadeur extrême, incapable d’exprimer la moindre émotion, la moindre nuance de jeu. Mais c’est bien aussi d’avoir des comédiens pareils : ça nous rappelle qu’il ne suffit pas de poser un homme sur une scène pour pouvoir jouer la comédie. A ses côtés, évidemment, Nicolas Vaude l’écrase. Le comédien, même s’il n’est pas à son meilleur et passe plusieurs fois en force, est le seul qui livre une partition intéressante, donnant un semblant de relief au spectacle. Il faut dire qu’avec ses petits yeux fous et son sourire inquiétant laissant apparaître quelques dents, le personnage de James semblait fait pour lui. Mais on l’a connu en meilleur forme – et mieux dirigé.
Déception et ennui.