Le saviez-vous ?
- Le cancer est la première cause de mortalité des enfants par maladie. Les leucémies et les tumeurs cérébrales prédominent nettement.
- Chaque année en France, 2500 enfants sont diagnostiqués d'un cancer. 500 enfants en décèdent chaque année, un nombre qui ne recule plus depuis 15 ans.
- Le taux de cancers sur les enfants augmente de 1 à 3% chaque année. Un enfant sur 400 sera touché par un cancer avant sa majorité.
- Les champs électromagnétiques, les pesticides, et certains polluants contenus dans les jouets ou les meubles ... sont classés " cancérogènes probables " voire " cancérogènes certains ", mais les produits restent en vente libre.
Source : Eva pour la Vie, association de défense des enfants victimes de cancers
Pesticides : les dangers pour la santé et l'environnement OK
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A défaut de pouvoir mener une étude de grande ampleur faute de moyens, les deux associations Collectif info Médoc pesticides et Eva pour la vie ont décidé de tester quelques lieux de vie pour savoir si les riverains des vignes du Médoc, une zone de production viticole dans le Bordelais, sont exposés à une contamination intérieure. Elles ont fait analyser des échantillons de poussières intérieures prélevés en septembre 2017 dans neuf maisons à Margaux, Cussac-Médoc, Macau, toutes situées entre 5 et 500 m des vignes, et dans l'école de Listrac située à 50m des vignes.
Un cocktail de pesticides autorisés et interdits depuis longtemps
Les résultats sont alarmants* : 100% des lieux testés sont contaminés par les pesticides, y compris l'école. Entre 11 et 21 résidus ont été trouvés dans chaque lieu sur 32 recherchés, soit 16 pesticides en moyenne par lieu (50% des pesticides recherchés). Un peu moins dans la salle de classe de l'école soit quand même 15 résidus.
Les poussières qui ont été analysées dans ces lieux de vie renferment un cocktail chimique dont les effets sont inconnus. On sait que pris séparément, ces pesticides sont déjà dangereux : 38% sont cancérigènes possibles, 38% sont des perturbateurs endocriniens et 71% sont réprotoxiques (c'est à dire qu'ils peuvent altérer la fertilité de l'homme ou de la femme, ou altérer le développement de l'enfant à naître (avortement spontané, malformation...). Chacun peut en outre cumuler plusieurs de ces effets. C'est en raison de cette dangerosité que certains des pesticides trouvés sont interdits et même depuis longtemps : métalaxyl (fongicide interdit depuis 2005), diuron (herbicide interdit depuis 2008), flusilazole (fongicide interdit depuis 2013) et mépanipyrim (fongicide interdit depuis avril 2017). Rien n'explique leur présence. Les lieux testés sont régulièrement nettoyés.
Des pesticides en provenance des vignes alentours
Il faut noter que ces pollutions ne proviennent pas des produits ménagers utilisés dans les habitations mais bien de l'épandage de pesticides dans les cultures alentours.
" Les riverains participants ont répondu à un questionnaire afin de bien connaître leurs hypothétiques utilisations personnelles de produits chimiques, il en ressort que les molécules détectées ne proviennent que d'un usage viticole ", écrit Marie-Lys Bibeyran, la présidente du Collectif info Médoc pesticides à l'origine des analyses.
Autres confirmations : tout d'abord, l'habitation la plus éloignée des vignes (500m) est aussi celle qui a la moins forte concentration de pesticides par gramme de poussière. Mais malgré cette distance, 18 résidus de pesticides y ont quand même été détectés. D'autre part, les habitations situées à proximité de vignes cultivées biologiquement (à une même distance de 50m environ) ont une moins forte concentration de pesticides par gramme de poussière que celles situées à proximité de vignes cultivées de manière intensive.
Les pesticides, " ça ne disparaît pas comme on veut nous le faire croire "
"Les pesticides pénètrent à l'intérieur, y compris des semaines plus tard, ça ne disparaît pas au bout de 24h ou 48h comme on veut nous le faire croire !", observe Marie-Lys Bibeyran.
Les associations estiment que les riverains ne sont pas protégés. Elles notent dans leur enquête : " La législation ne prévoit pas de zones non traitées, pas d'obligation d'application de produits homologués pour la viticulture biologique sur les parcelles situées à proximité de lieux de vie, pas d'aménagement d'horaires... Quelques riverains ont la " chance " d'être informés des jours et horaires de traitement par leur voisin agriculteur ou viticulteur. Cela leur permet de fermer leur maison, de ne pas laisser leurs enfants jouer à l'extérieur un jour de traitement, mais cela ne résout pas leur exposition au sein de l'habitat ".
132 écoles sont proches des vignes en Gironde
L'analyse des poussières d'une salle de classe n'a pas été décidée par hasard. En mai 2014, à Villeneuve sur Blaye (Gironde), des enfants et leur institutrice ont été pris de malaises à la suite de pulvérisation de pesticides réalisés à proximité de l'école alors qu'ils étaient en cours de récréation. Dans le village de Preignac, dont l'école est également exposée aux pulvérisations de pesticides, il a été révélé en 2015 que les cancers pédiatriques étaient six fois plus nombreux qu'ailleurs. En Gironde, où 132 écoles proches des vignes ont été recensées, la question de l'exposition des enfants est devenue sensible. Un arrêté préfectoral impose de les protéger par des filets et des haies anti-pesticides et d'aménager les horaires de traitements des vignes.
Des mesures insuffisantes selon les associations. Les analyses de l'école de Listrac montrent qu'être à l'intérieur d'un bâtiment scolaire, situé à proximité de zones agricoles traitées par des pesticides, ne garantit pas la protection des enfants. Idem pour les maisons testées qui sont des logements de famille avec enfants ou qui en accueillent (une des maisons est occupée par une assistante maternelle). Une exposition intérieure est une exposition prolongée (jour et nuit) et régulière dont on connaît mal la dangerosité.
Non-assistance à personne en danger
Même si les résultats ne portent que sur 10 échantillons et ne sont pas représentatifs, ces analyses confirment celles obtenues par ailleurs tant sur les lieux de vie que sur les riverains des vignes traitées eux-mêmes (analyses de cheveux notamment). Aussi, le collectif Info Médoc Pesticides et Eva pour la Vie - association créée par la maman d'une fillette de 7 ans décédée d'un cancer dont elle ne connaît pas la cause - demandent au préfet, aux institutions viticoles, aux viticulteurs, de " prendre des mesures concrètes pour protéger les populations (...) parce que sinon ce sera non-assistance à personne en danger. " Ils invitent à signer une pétition pour traiter les vignes en bio à proximité de écoles et des habitations.
Les résultats de l'étude ont été rendus publics le 15 février, journée internationale des cancers de l'enfant. Ce n'est pas par hasard.
Anne-Françoise Roger
* lire l'enquête HAPPI sur l'exposition aux pesticides en Médoc