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Le clown, une pratique spirituelle de l’acceptation radicale

Par Ameliepinset

" Prends le temps de respirer ", " Il n'y a rien à faire ", " Tu n'as rien à réussir ", " Écoute et laisse-toi guider par ce qui est là ", voici les principales phrases qui ont donné le la des deux jours de stage que je viens de vivre. Étais-je en stage de méditation ? Sur le papier, j'étais en stage de clown et non de méditation mais au sortir de ces deux riches journées j'ai l'élan de reprendre et poursuivre la réflexion déjà engagée dans ce premier article sur " La méditation et le clown, deux voies pour s'ouvrir à la nudité de l'être " et soutenir que le clown est, pour moi, une pratique profondément spirituelle.

Le plus petit masque du monde, le nez rouge du clown, est un masque qui me démasque. Quand j'entre sur scène avec le nez rouge, je laisse mes différents masques sociaux dans les coulisses. Je n'ai plus besoin d'entrer dans la peau d'un personnage ni d'avoir un rôle pour être. Grâce au nez rouge, je me libère des étiquettes qui m'enferment et me réduisent à une fonction et je laisse mon être éclore au monde dans son ampleur et son unicité. Cette expérience fait peur car enlever mes masques sociaux c'est prendre le risque en me dénudant de perdre ce que je crois être mon identité. Qui suis-je si je ne suis pas ma fonction sociale ? Et si dans l'assise méditative je me dénude face à moi-même, dans le jeu clownesque je me dénude à la fois face à moi-même et face aux autres, face à mes possibles partenaires de jeu et surtout face au public.

Le clown, une pratique spirituelle de l’acceptation radicale

Dans Pratique de la voie tibétaine, à la question " Nous faut-il un ami spirituel pour être à même de nous ouvrir, ou bien pouvons-nous simplement nous ouvrir aux situations de la vie ? ", le maître de méditation Chögyam Trungpa répond " Je crois qu'il faut que quelqu'un vous voit le faire parce que alors cela vous paraîtra plus réel. Il est facile de se déshabiller lorsqu'on est seul dans une chambre, et plus difficile de le faire dans une pièce pleine de gens. " En lisant ceci, une hypothèse m'est apparue : et si le public était l'ami spirituel du clown ? Même lorsque je joue en solo, je ne suis jamais seule en clown, je suis reliée à l'espace par ma présence corporelle ainsi qu'aux autres par mon regard public. Au départ, je peux ressentir de la gêne car je n'ai pas l'habitude de dévoiler mes émotions, d'oser les laisser s'exprimer au grand jour. Quand mon clown est à la barre, j'accepte que ce n'est pas moi qui commande, je me laisse animer et surtout surprendre par la vie qui se manifeste par elle-même en moi. En ne faisant rien, autrement dit en ne cherchant rien à construire de manière volontariste, j'apprends à me mettre à l'écoute de ce qui est là dans la nudité de l'être. Même quand je ne fais rien sur le coussin comme sur scène, il se passe toujours quelque chose : pour cela, il faut que j'accepte de ralentir et d'attendre sans rien faire pour désobstruer l'entente de ce que le mouvement de ma respiration et de mon cœur disent de mon être, c'est-à-dire de ce qui est véritablement vivant en moi. Dans l'assise méditative comme dans le jeu clownesque, je dis oui à ce qui est là au centre de mon être. Je crois que le public joue le rôle de l'ami spirituel en ce qu'il me permet d'aller plus loin dans le oui : en lui faisant le cadeau de lui partager ma vulnérabilité le public est touché, un lien se tisse entre nous et alors je ne me sens plus seule, or c'est cette relation qui m'aide à faire l'épreuve de l'acceptation radicale de ce qui est là. Au fond, si la spiritualité c'est célébrer ce qui est là, par la pratique du clown je fais un pas de plus sur le chemin spirituel car quand j'entre au monde en clown j'accepte radicalement ce qui est là en ce sens que je ne fais pas qu'accueillir en moi-même ce qui est là comme je peux le faire seule sur mon coussin, je le célèbre en osant le montrer et l'affirmer au monde.


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