Et si Pluton cachait sous sa surface glacée une couche de matière organique ressemblant à de l'asphalte ? L'hypothèse a été émise en décembre dernier lors des rencontres de l'AGU ( American Geophysical Union) à la Nouvelle-Orléans, par Bill McKinnon, planétologue à l'université Washington de Saint Louis, et aussi membre de l'équipe scientifique de la mission New Horizons - la première sonde spatiale à avoir survolé la planète naine. Le chercheur a souligné que ce n'est encore qu'une spéculation et non une conclusion définitive. Une possibilité " pour amener les gens à réfléchir un peu plus à ce sujet, et peut-être essayer de trouver des moyens de le tester ", via de nouveaux modèles. McKinnon n'est pas à court d'arguments.
Alors, bien sûr, il n'y a pas de pétrole sur Pluton. Cette couche de carbone qui pourrait être transformée par la chaleur et la pression interne de la planète naine (2.370 km de diamètre) - " la matière organique, quand vous la faites cuire, le produit final est le carbone amorphe ou le graphite " a-t-il expliqué à Space.com, mais cela peut aussi être une sorte d'asphalte gluant -, ne serait pas issue de plantes et de forêts, à l'instar du charbon et du pétrole qu'on trouve sous la surface de la Terre. Non, son origine serait liée à son lieu de naissance : les confins du Système solaire. Une région où se sont également formées les comètes. Et comme nous l'ont appris les missions Rosetta, autour du noyau de Tchouri, et Giotto, autour de celui de Halley, ces astres glacés sont riches en matière organique. La planète naine a donc pu aussi en agréger lorsqu'elle a pris forme voici 4,5 milliards d'années.
Une couche de carbone thermiquement très conductrice
À défaut de pouvoir sonder directement les entrailles de Pluton avec des scissomètres, les planétologues tentent d'inférer sa structure interne en la modélisant à partir des données collectées par la sonde New Horizons lors de son survol historique en juillet 2015.
Des travaux récents ont suggéré que la planète naine pourrait nous cacher une vaste étendue liquide sous sa surface. Bill McKinnon, lui, ne voit pas d'objections pour que ce soit une couche de matière organique liquide ou gluante. Une couche épaisse : " quelque chose de l'ordre de 100 kilomètres ou plus ". Il ajoute : " La substance a des propriétés intéressantes. Si cela ressemble plus à de l'asphalte chaud, il serait liquide et pourrait transporter la chaleur très facilement. " Mais la couche de carbone pourrait être aussi solide, comme le graphite, et celui-ci " a une conductivité thermique énorme, beaucoup plus élevée que tout matériau géologique normal comme la roche, ou même la glace froide ". Ce qui aurait donc des conséquences visibles à sa surface comme ce qui est visible dans la grande plaine Spoutnik (moitié gauche de la région Tombaugh en forme de cœur), active et géologiquement jeune. Le chercheur estime que cette hypothèse pourrait aider aussi à comprendre ce qui se passe à l'intérieur de certaines lunes de planètes géantes, comme Triton autour de Neptune.
Une approche séduisante et plausible pour mieux comprendre ce qui se passe à l'intérieur de la célèbre planète naine. Il ne reste plus qu'à la tester.