Sophie Rigal-Goulard a publié trois romans drôles et pertinents qui sont autant des alertes que des réponses et surtout en premier lieu de vrais plaisirs de lecture ... à programmer pour les vacances.
Ce sont les atteintes à la vie privée par suite de publications sur les réseaux sociaux où le harcèlement pousse des jeunes au suicide ou -dans les cas les moins extrêmes- au décrochement scolaire. Marie-Aude Murail fait partie des auteurs de littérature jeunesse qui tirent la sonnette d'alarme depuis longtemps.
C'est la montée en flèche des signes autistiques que pointent les pédo-psychiatres. Habitués à "obéir" aux injonctions des écrans les petits ont de plus en plus de mal à construire une relation de communication par la parole avec un autre enfant ou un adulte. Leur sommeil est perturbé par la dose de lumière bleue qu'ils reçoivent tous les soirs.
J'ai eu l'occasion de demander à une trentaine d'enfants de 4 ans s'il leur arrivait de rester seul chez eux, sans papa ou maman. Un quart répond que oui. A la question que faites-vous alors ils répondent : je regarde la télé avec un sac de bonbons.
On voit bien dans la rue qu'il est très rare qu'un parent parle à son enfant, lequel est dans la poussette, tétine dans la bouche pendant que l'adulte pousse l'engin d'une main et tient de l'autre son objet fétiche, l'adorable portable.
On sourit de voir les couples d'amoureux dialoguer au restaurant par SMS. On devrait en pleurer. Pressentant le danger j'avais instauré il y a plus de dix ans la "journée sans fil" en m'inspirant de la règle selon laquelle si on peut se passer de quelque chose (tabac ou l'acool) un jour entier par semaine la probabilité de devenir accro est très faible.
Ce jour là, toujours le même, et pour toute la famille, pas question d'allumer la télévision, comme l'ordinateur, de téléphoner ou de jouer à un jeu vidéo. Il y avait eu des résistances mais chacun avait compris l'enjeu et s'était plié à la règle. les bénéfices se sont vite fait sentir parce qu'on avait grand bonheur à faire la cuisine ensemble, à lancer des débats philosophiques, à retrouver le plaisir des jeux de société, et à pratiquer ce qu'on appelait la bouquinerie (lire ensemble des albums jeunesse, au lit, en mode régressif).
C'est un peu ce que propose Sophie Rigal dans ses romans. Elle en a publié trois, chez Rageot, qui vont crescendo dans la lutte contre l'addiction aux écrans sans pour autant les condamner, car ça ce n'est pas envisageable.
Elle a eu envie d'écrire le premier en 2015, Dix jours sans écrans, à la suite d'un témoignage entendu à la radio. Un journaliste racontait "le drôle de défi" que venait de se lancer une école. Passer une semaine sans écrans... L'idée a germé dans sa tête et elle s'est aperçue que ce type de défi existait déjà dans beaucoup d'établissements.
Elle a composé une sorte de "guerre des écrans" en référence à la "guerre des boutons" lue pendant son enfance. C'est ainsi que petit à petit, Paloma, Louis, Anouk et Gordon sont apparus... p
our convaincre les enfants qu'on peut parfaitement vivre sans portables. Et comme l'addiction sévit très tôt son roman est accessible à partir de 9 ans.Dix jours entiers sans le moindre écran ! C’est le challenge proposé à la classe de Louis et Paloma par leur maîtresse. Il faudra laisser éteints son ordinateur, sa télévision, sa console, et rester éloigné des téléphones portables et des tablettes… Si Paloma accepte de relever ce défi, Louis, lui, s’y oppose et crée même le club des "anti-défi", ce qui permet à l'auteur d'instaurer un vrai débat de points de vue.
Le lecteur a son opinion, et est amené à voir les choses sous un autre angle. Tenir dix jours sans écrans peut devenir une gageure ... ou un plaisir, c'est selon.
L'ouvrage a été sélectionné dans énormément de prix et a obtenu plusieurs récompenses. Elle a poursuivi en étendant en quittant l'école pour vivre l'expérience en famille avec 15 jours sans réseauqui se situe dans l'univers des vacances.
Il est impensable pour Emilie qui vit dans une famille où grand frère, petit frère et parents sont hyper connectés, comme elle... de vivre quinze jours de vacances en se passant de connexion. pas de chance car ses parent ont choisi de faire subir à tous un séjour de "détox numérique" au fin fond de la Creuse, où il n'y a rien à faire... Enfin c'est ce que chacun croit à première vue...
Tricheront-ils ou joueront-ils le jeu ? Le résultat sera... inattendu !
Les couvertures sont toutes dans la même veine, un peu à la manière de Chercher Charlie avec une ribambelle de drôles de petits personnages sur la couverture. On remarque Emilie et son cahier sur le deuxième opus.
Enfin cette année, Sophie Rigal s'attaque aux jeux en ligne avec 24 heures sans jeu vidéo qui est un roman qui fait basculer le lecteur dans l'anticipation.
Elle y met en scène Terence est un ado qui a une vie sociale et surtout d’excellents résultats scolaires. Alors ses parents, qui restent vigilants, ne lui interdisent pas de jouer et comptent sur lui pour se limiter lui même, ce qui va se révéler impossible. Peut-on d'ailleurs l'en blâmer ?
On sent qu'elle s'est elle-même immergée dans les jeux pour écrire au si près de ce qui se passe dans le mental d'un enfant. Il faut dire qu'elle avait à la maison matière à observer puisque son fils était plongé régulièrement dans ses jeux video.
Elle décrit avec réalisme un monde très codifié où chacun évolue derrière un nom de code. Celui de Terence est Tycoon The Warior. On comprend combien le rituel (p. 18) participe à l'addiction et l'auteure parle game avec les termes adéquats. En fait son roman devient une sorte de tuto pour se défaire de l'emprise du virtuel sur le réel.Avant cela c'est une initiation parentale à cet univers si particulier qui est un peu chinois pour beaucoup d'adultes qui ignorent la signification d'électrifier la red line ou d'armer le gun avant de positionner un right fix (p. 27).Elle brosse avec finesse les relations frère-soeur dans chacun de ses livres. Elle fait discrètement l'apologie de l’entraide. Les parents (et les adultes en général) y tiennent une place raisonnable mais leurs interventions sont empreintes d'empathie, ce qui rend le propos non manichéen. Sophie Rigal a la plume assez joyeuse. Elle aborde le sujet de la dépendance avec une forme d'humour (toujours différent d'un livre à l'autre).
Ce dernier livre est cependant parfois violent, alors je recommanderais aux âmes (jeunes et très) sensibles de s'abstenir juste avant d'aller se coucher. Il n'empêche que le style de Sophie est à l'instar des jeux, carrément addictif comme pourrait le dire le père (p. 153).Y aura-t-il un quatrième ? Profitez des prochaines vacances pour découvrir les trois premiers et discutez-en en famille !10 jours sans écrans, de Sophie Rigal-Goulard, chez Rageot, à partir de 9 ans, 201515 jours sans réseau, de Sophie Rigal-Goulard, chez Rageot, à partir de 11 ans, 201724 heures sans jeu vidéo, de Sophie Rigal-Goulard, chez Rageot, à partir de 10 ans, 2018