Patrick de Carolis s'attaque à un gros poisson en critiquant le projet de suppression de la publicité engagé par Nicolas Sarkozy. Le président n'aime pas être contredit. La suppression de la pub à la télé est en soi une belle idée et devrait ravir les téléspectateurs inondés d'écrans publicitaires. Mais que cache cette réforme ?
Certains avancent l'idée d'un démantèlement du service public audiovisuel afin de porter secours aux chaînes privées, TF1 en particulier, qui connaissent une baisse de régime face à la concurrence du câble, du satellite, de l'ADSL et de la téléphonie. Ca parait gros comme tactique : sacrifier des chaînes qui sont également confrontées à la concurrence pour en sauver d'autres. Se pose ici la question de la qualité des programmes. Le téléphage va voir ailleurs ce qu'il ne trouve pas sur les chaînes dites "nationales" et ce n'est pas en accusant France Télévisions que cela va s'arranger. Il faudrait peut-être revoir ce que propose la Une. Toutes ces émissions de télé-réalité, ces jeux avec gains énormes à la clé, cet étalage de la vie privée des gens malheureux, ces séries policières à outrance, commencent à lasser. Le téléspectateur est devenu plus exigeant, il en a marre d'être pris pour un consommateur sans cervelle d'images. Les recettes miracles d'autrefois ne fonctionnent plus aujourd'hui, les chaînes privées devraient revoir leur politique.
D'autres prétendent vouloir améliorer la qualité. Libérer le service public du dictat de l'audimat donnera un coup d'accélérateur aux initiatives, aux créations originales et audacieuses. Moins ou plus du tout de publicité c'est aussi des émissions qui commencent à l'heure et ce n'est pas un luxe. Quand les émissions, les films ou les spectacles débutaient réellement à 20h30, c'était appréciable et évitait de se coucher à point d'heure. Puis petit à petit, on a regardé les diffusions de plus en plus tard et maintenant on se retrouve devant la télé tard dans la nuit quand ce n'est pas tôt le matin. Parce qu'il ne faut pas oublier aussi que les meilleures émissions sont parfois diffusées à partir de 23h30 ou minuit, ce qui ne facilite pas le besoin de sommeil que réclame notre organisme.
Patrick de Carolis devrait se méfier. Il est vrai que jusqu'à présent, lorsqu'il s'exprimait devant les caméras, c'était toujours en des termes positifs. Cela donnait l'impression que tout allait bien dans le meilleur des mondes. L'autre jour, il est donc sorti de sa réserve habituelle pour défendre le service public auquel il croit. Il n'a pas apprécié que son service soit comparé aux concurrents. On peut le comprendre. Il est attaqué, il se défend. Ce qui prouve qu'il n'a pas peur de s'opposer et de prendre ses responsabilités de chef d'entreprise.
Mais comment va réagir le pouvoir ? Ayant laissé sous-entendre qu'il pouvait éventuellement quitter ses fonctions si la réforme ne répondait pas aux besoins d'une télévision respectueuse, diversifiée et de qualité, il joue à un jeu dangereux. Qu'est-ce qui pourrait empêcher Nicolas Sarkozy de saborder volontairement le projet pour voir partir cet électron libre qui met des bâtons dans les roues ? Une fois parti, le champ serait libre pour nommer à sa place une marionnette béni-oui-oui. Cependant, être à la tête de plus de dix mille personnes, régions comprises, ce n'est pas une simple question de ficelles. Ces employés ont déjà prouvés qu'ils ne se laissent pas faire et que leur liberté de parole leur permettait d'interpeller directement un ministre ou un président sur les sujets chauds qui gênent.
Le "mercato" du paysage audiovisuel français est aussi un bon baromètre : voir par exemple Julien Courbet passer de la Une à le Deux est peut-être un bon signe.
On le voit, le bras de fer se durcit. Nos amis de la télé ont du pain sur la planche cet été. Espérons qu'à la rentrée, nous continuerons à "avoir tous les choix".