Au début du mois de février, les marchés actions ont subi une importante secousse, qui a débouché sur une baisse des principaux indices boursiers. Il est vrai qu'après des mois d'euphorie boursière, certains s'étaient habitués à voir les marchés croître en totale déconnexion avec la réalité économique des entreprises... C'est pourquoi, après avoir écrit récemment sur les inégalités, les baisses de cotisations sociales et la dette publique, je me devais d'évoquer la brûlante question boursière.
La secousse boursière
Trois graphiques suffiront à résumer le coup de semonce qui a touché les marchés actions :
Évolution de l'indice Dow Jones entre mi-janvier et mi-février 2018
[ Source : Boursorama.com ]
Évolution de l'indice asiatique Nikkei 225 entre mi-janvier et mi-février 2018
[ Source : Boursorama.com ]
Évolution de l'indice CAC 40 entre mi-janvier et mi-février 2018
[ Source : Boursorama.com ]
Vous aurez incidemment noté comment l'interconnexion croissante entre les différentes places financières conduit à la transmission instantanée autant des vents favorables que des vents mauvais d'une place à l'autre dans le monde !
Les principales causes de cette baisse
Les principales explications sont à chercher du côté des taux obligataires et de l'emploi. Les premiers ont commencé à augmenter, ce qui est en phase avec la hausse des taux directeurs de la Fed et la sortie progressive de l'assouplissement quantitatif (quantitative easing) :
[ Source : Bloomberg ]
À cela se conjugue ce que l'on appelle couramment des facteurs techniques, c'est-à-dire notamment les reventes d'actions par des investisseurs financiers pressés de retrouver de la liquidité ou d'empocher leur plus-value avant un possible krach boursier. Et il ne faut pas oublier que les algorithmes, qui règnent désormais en maîtres sur les marchés, ont certainement amplifié le mouvement en prenant quasiment tous la même position au même moment. Quant aux produits dérivés qui apprécient grandement la volatilité, on imagine qu'ils ont pu participer à ce mouvement baissier...
Les marchés sens dessus dessous
Quant à la hausse des créations d'emplois et des salaires aux États-Unis, le pays l'attendait depuis si longtemps que sa venue aurait dû être saluée comme une bonne nouvelle pour les ménages et partant toute l'économie réelle, puisqu'elle permettra à terme de soutenir la demande adressée aux entreprises :
[ Source : New York Times ]
Hélas, seul Donald Trump y a vu (à juste titre) une bonne nouvelle, même s'il n'a par ailleurs pas compris que l'économie des États-Unis est certainement en fin de cycle :
Les marchés, quant à eux, ont leur raison financière que la raison économique ignore, et il semble que les opérateurs financiers aient surtout vu dans ces bons chiffres de l'économie réelle le risque d'une baisse des profits, d'une augmentation de l'inflation et subséquemment des taux d'intérêt. Bref, autant de facteurs mauvais selon eux pour les actions et qui les ont conduits à vendre leurs titres... C'est la preuve la plus éclatante que ce qui est bon pour les marchés est loin d'être bon pour l'économie réelle !
Je ne peux dès lors que renouveler les conclusions d'un précédent billet consacré au marché des actions aux États-Unis. Ce dernier a vu se développer une gigantesque bulle, comme en témoignent le ratio de Shiller et diverses autres études comme celle menée par Michael Hartnett et Jared Woodard chez Bank of America Merrill Lynch, qui montre que la capitalisation boursière totale rapportée au PIB atteint également des sommets inquiétants.
En définitive, face aux politiques qui ne font que souhaiter la hausse des marchés financiers, même au prix d'une aggravation de la situation des ménages, on ne peut que rappeler la justesse des propos du Général de Gaulle : "la politique de la France ne se fait pas à la corbeille". À bon entendeur, salut !