Je commence la lecture d'un livre d'Alessandro Bresolin publié aux Editions Fédéralistes et intitulé : "Albert Camus:l'union des différences". J'ai commencé par la préface d’Agnès Spiquel, grande spécialiste de Camus dont je voudrai vous donner un extrait. On sait que Camus aurait souhaité pour l'Algérie une troisième voie et , notamment il a soutenu un projet fédéraliste. Voici ce qu'écrit Agnès Spiquel:
"On sourira et on criera à l'utopie comme, dans les années 1950 ,on a crié à l'aveuglement devant les tentatives courageuses des Libéraux qui, avec Camus, ont tenté de promouvoir une Algérie libérée de la colonisation mais plurielle et conservant un lien avec la France dans le respect et "l'union des différences". La troisième voie, qu'ils ont tenté de frayer entre les solutions de plus en plus extrêmes auxquelles recouraient les nationalistes et les colonialistes, n'était pas celle d'un juste milieu confortable pour la conscience-mais bien un choix résolu pour la liberté et pour la justice.LEUR ÉCHEC HISTORIQUE N’INVALIDE PAS LEURS CONVICTIONS POLITIQUES."
Pour le reste l'ouvrage contient une première partie consacrée à la question algérienne et à la position de Camus dans cette période cruciale qui va des années 30 à la fin de la guerre en 1945. Cette partie est une analyse très complète de la position ,notamment des algériens dont la plupart des partis ne souhaitaient pas , à l'époque, se séparer de la France mais voulaient une égalité de traitement.On suit l'activité importante de Camus à cette époque d'abord dans le cadre de son adhésion au parti communiste puis lorsqu'il en fut exclu. C'est l'époque où il se met au théâtre qu'il pense être un excellent moyen d'éducation populaire.
Un passage de cet ouvrage est également très intéressant lorsqu'il montre que les partis musulmans en Algérie ne se sont pas laissé prendre par les sirènes du régime de Vichy qui pensait les attirer à lui et a sa politique par son antisémitisme et par l'abolition du décret Cremieux. (p.84 et s) Ces partis furent loyaux à la France et à ses valeurs et cela explique leur profonde déception après la guerre.
L'auteur s'attache ensuite a montrer l'attachement que Camus avait pour l'Espagne dont il aimait les paysages, le caractère des espagnols qui ressemblait a ce qu'il était et son attitude politique à l'égard de la guerre civile. Il lutta toute sa vie contre le franquisme et eut honte de l'attitude de la France et de l'Europe face à Franco.
J'ai beaucoup apprécié ,aussi, la partie consacrée aux relations de Camus avec l'Italie et, notamment cette analyse de la réception du fascisme si différente dans un pays comme l'Allemagne et en Italie , ce qui confirme à Camus l'idée que dans les pays méditerranéens "la doctrine recule devant le pays" (p.114)
Et enfin l'auteur et c'est l'objet de son étude étudie les conceptions fédéralistes de Camus qui ont échoué, notamment en Algérie, entraînant le pays vers un nationalisme étroit et borné.
Au détour de cette étude on rencontre le poète Jean Senac (si injuste à l'égard de Camus ) et Assia Djebar qui, évoquant son appel pour une trêve civile écrit ceci;" Il est possible que ne se représente personne, dans le sillage de l'émouvant Camus de janvier 1956, qu'on ne trouve personne aujourd'hui, capable de prononcer, au milieu de l’arène, des mots semblables, d'une puissance qu'on espère supporter pour une dernière fois."
Et le livre contient aussi, à la fin, un entretien avec Catherine Camus devenu la gestionnaire de l'oeuvre de son père et qui parle notamment du projet de faire entrer Camus au Panthéon.
Au total un livre plein d'enseignements, riche d'analyse de l'oeuvre et des conceptions politiques de Camus.