Pour tout il y a une saison, écrit cette équipe du Salk Institute (La Jolla) spécialisée en chronobiologie. Ses recherches montrent à quel point c'est même vrai y compris au niveau moléculaire. Les travaux, présentés dans la revue Science révèlent en effet que l'activité de près de 80% des gènes suit un rythme jour / nuit dans de nombreux types de tissus et régions du cerveau. Les implications sont nombreuses, en particulier pour les traitements médicamenteux : ainsi 80% des cibles médicamenteuses sont " rythmiques " dans au moins un tissu du corps.
Certes, les scientifiques savent depuis longtemps que de nombreux tissus suivent ces cycles, appelés rythmes circadiens, mais ces travaux, les plus complets à ce jour, aboutissent à la réalisation d'une cartographie de référence de l'expression quotidienne des gènes. Satchidananda Panda, professeur au Regulatory Biology Laboratory de Salk et auteur principal de l'étude décrit ce travail comme " un cadre pour mieux comprendre comment les perturbations circadiennes peuvent entraîner différentes maladies, du cerveau, comme la dépression, mais aussi la maladie de Crohn, les maladies intestinales, cardiaques ou le cancer.
Une expression génique différente en fonction de l'heure de la journée : en utilisant le séquençage de l'ARN, l'équipe a suivi sur 24 heures l'expression des gènes dans des douzaines de tissus différents de primates. Ces analyses révèlent que chaque tissu contient des gènes exprimés à différents niveaux en fonction de l'heure de la journée. Cependant, le nombre de ces gènes " rythmiques " varie selon le type de tissu, allant d'environ 200 dans les ganglions lymphatiques ou la moelle osseuse, à plus de 3000 dans le cortex préfrontal, la thyroïde, le muscle fessier et d'autres. Les gènes exprimés le plus souvent sont également ceux qui apparaissent les plus " rythmiques " ou dont l'expression varie dans le temps. Ainsi, sur les 25.000 gènes du génome des primates, près de 11.000 sont exprimés dans tous les tissus, ce sont ceux principalement qui régissent les fonctions cellulaires de routine, dont la réparation de l'ADN et le métabolisme énergétique. 96,6% s'avèrent particulièrement rythmiques dans au moins un tissu.
La transcription génique marque un pic le matin : Dans la plupart des tissus, la transcription génique atteint un pic tôt le matin et en fin d'après-midi et se calmait le soir après le dîner, au moment du coucher. Avec 81,7% des gènes codant pour les protéines ayant un effet rythmique, ce mécanisme de synchronisation avec le cycle circadien se révèle beaucoup plus répandu qu'on ne le pensait auparavant.
De très nombreuses implications : dans la recherche d'abord, il s'agira de prendre en compte ces mécanismes chronobiologiques. Ensuite, d'un point de vue clinique, ces mécanismes de synchronisation moléculaire ont certainement une incidence sur l'efficacité des médicaments. À l'avenir, les prescripteurs et les pharmaciens pourraient fournir aux patients des instructions plus détaillées sur la fréquence et le moment de prendre leurs médicaments (chronothérapie). Ainsi, les chercheurs montrent ici que plus de 80% des cibles médicamenteuses approuvées par l'agence américaine FDA sont rythmiques dans au moins un tissu. Et ce n'est pas juste une question de cible thérapeutique : " En plus de la cible médicamenteuse, de nombreux mécanismes affectent l'efficacité ou la toxicité du médicament, comme son absorption, sa métabolisation et son élimination ". Enfin, ces travaux permettent aussi d'avancer dans la compréhension des troubles du rythme circadien, liés en particulier aux modes de vie tardifs ou décalés ou au travail de nuit.
Bref, ces scientifiques " produisent " pur la première fois une liste de la façon dont les gènes sont exprimés différemment dans différents organes et apportent un cadre précieux pour comprendre la rythmique de base de l'expression génique.