Magazine Culture
Le «problème» s’appelle «la réalité», car les salariés ont du mal à voir la hausse de leur salaire net. L’intox d’un budget au bénéfice de tous ne tient plus. Quand une fable se retourne comme un gant, le joli récit qui l’accompagne peut vite se transformer en comédie dramatique pour leurs auteurs. Souvenez-vous. À grand renfort de communication très élaborée, Emmanuel Macron avait promis d’être le président de l’augmentation du pouvoir d’achat. Soumis au matraquage médiatique, beaucoup y ont cru. Mais, depuis fin janvier, une brise d’insatisfaction, sinon de colère, souffle sur le pays et n’épargne pas le palais de l’Élysée, balayé à son tour par un vent d’inquiétude qu’un conseiller résume ainsi: «Prisons, Ehpad, hôpitaux, universités, si en plus les retraités se révoltent contre la hausse de la CSG et que les Français dans leur ensemble râlent pour leur pouvoir d’achat, on va avoir un problème…» Le «problème» en question s’appelle «la réalité», car les salariés ont du mal à voir la hausse de leur salaire net. L’intox d’un budget au bénéfice de tous ne tient plus. Le gouvernement a pourtant mis en ligne un «simulateur de pouvoir d’achat», mais celui-ci s’apparente à une vaste manipulation, puisqu’il ne prend en compte que le basculement de la cotisation sur la CSG et la réduction de la taxe d’habitation pour 80% des ménages, oubliant totalement les augmentations de taxes (tabac, CSG, carburant, etc.) prévues pour 2018. Résultat? Contrairement aux promesses de l’exécutif, qui affirme lutter contre les fake news, la facture des prélèvements s’alourdira sensiblement pour les foyers qui ne bénéficieront pas des cadeaux réservés aux plus riches (résidences secondaires, portefeuilles d’actions). L’Insee elle-même l’a indiqué récemment: le porte-monnaie des familles sera pénalisé d’au moins 4,5 milliards d’euros, à «structure de consommation» identique à 2017. D’autres estimations grimpent à 9 milliards, soit une moyenne de 300 euros de hausse de prélèvements par foyer fiscal pour 2018… Le grand déclassement des classes populaires et moyennes est plus que jamais en marche. Le problème social devient déjà un problème politique pour Macron. [EDITORIAL publié dans l’Humanité du 12 février 2018.]