Toutes les entreprises prétendent désormais avoir une stratégie « digitale » mais bien peu d'entre elles répondent aux véritables enjeux du XXIème siècle… quand elles ne se contentent pas d'indiquer leur niveau d'investissement. La dernière édition de la revue McKinsey Quarterly liste les 5 raisons les plus courantes des échecs observés.
Et, d'abord, de quoi parlons-nous ? En effet, la première faute que commettent encore tant de dirigeants d'entreprises quand ils se piquent de « digital » est, tristement, de ne pas comprendre ce que cette notion recouvre. Entre ceux qui n'y voient qu'un synonyme à la mode de « technologie », « informatique » ou « numérique », qui serait du ressort de leur DSI, ceux qui pensent qu'il s'agit d'automatiser les processus manuels et ceux qui y associent uniquement le marketing… la confusion règne.
La définition qu'en donne McKinsey fait référence à une capacité de connecter instantanément, librement et parfaitement (sans erreurs) les personnes, les appareils et les objets du monde réel. Pour le dire autrement, selon mes propres mots, le « digital » représente une discipline consistant à exploiter des technologies de toutes sortes pour mieux répondre en toute circonstance aux besoins et aux attentes des humains, qu'ils soient consommateurs, collaborateurs ou responsables d'entreprise…
Le deuxième risque qui guette les stratégies est de ne pas appréhender la manière dont les théories économiques traditionnelles sont remises en cause dans le monde « digital ». Cette rupture se retrouve par exemple dans la transition vers une approche de la création de valeur pour le client avant l'entreprise. Elle induit également une forte probabilité que le meilleur s'empare de la totalité du marché (à l'instar d'Amazon). A minima, la position de premier entrant ou de suiveur ultra-rapide devient critique.
Au troisième étage de ce qui est aussi, à certains égards, une échelle de maturité, les dirigeants doivent s'imprégner du concept d'écosystème qui absorbe des industries entières. Il ne peut plus suffire de surveiller les concurrents directs de l'entreprise et s'assurer de rester compétitifs face à eux. Les acteurs de secteurs adjacents, voire, dans certains cas, issus de domaines apparemment étrangers, sont capables de prendre pied dans ses marchés et, souvent, avec des approches radicalement nouvelles.
Incidemment, cette capacité à faire un « pas de côté » – caractéristique, en particulier, des spécialistes technologiques – leur permet de créer des solutions intégrant simultanément profondeur d'offre, réactivité et rapidité, excellence de la qualité de service et coût réduit (encore une fois, le cas d'Amazon en est une illustration typique), une combinaison considérée jusqu'à maintenant comme impossible à réaliser.
Inversement, et c'est le quatrième danger des stratégies élaborées hâtivement, il peut être hasardeux de s'inquiéter exclusivement des nouveaux concurrents, réels ou potentiels – qui, dans le secteur financier seraient représentés par les géants du web et les startups de la FinTech. En pratique, les institutions historiques qui savent prendre effectivement le virage « digital » peuvent s'avérer être les plus redoutables, car elles ont la possibilité de prendre appui sur leur position existante pour accélérer leur transformation.
Enfin, le le cinquième et dernier piège à éviter serait d'ignorer la dualité du monde : dans la plupart des secteurs économiques, dont les services financiers, l'ensemble du marché n'avance pas à la même vitesse vers le « digital ». Le défi est donc d'observer attentivement l'environnement, d'anticiper les changements majeurs, de savoir prendre des initiatives d'ampleur dans les domaines qui le requièrent et de se mettre en position d'agir et, éventuellement, de changer d'orientation rapidement.
En conclusion, une stratégie « digitale » ne peut se résumer à des déclarations de principes et quelques milliards d'euros de budget. Elle doit, au contraire, être soigneusement préparée, à partir d'une vision extensive de ce qu'elle doit recouvrir, incluant nouvelles technologies, obsession du client et culture d'entreprise. Enfin, elle doit s'accompagner d'un plan d'action concret et rester alignée, dans une boucle de rétro-action permanente, avec une démarche de mise en œuvre opérationnelle.