Le retour enivrant de Nils Frahm | seconde partie
Une écoute seule permet de tout de suite de se rendre compte qu’il ne se répète pas sur son nouvel album. Tout ce qu’il a pu faire depuis le dernier – si l’on excepte différentes collaborations, il s’agit officiellement de l’album Solo, publié en 2015 –, on se trouve face à une évidence : le piano garde certes une place privilégiée, mais le plus souvent ce sont d’autres claviers qui prennent le devant de la scène.
Dès lors, plus que jamais, difficile de le classer : artiste électronique avec des incursions classiques ? Au contraire, artiste classique utilisant savamment tout type de technologie le faisant être depuis presque toujours à la scène électronique ? Tous deux à la fois ? Et si c’était tout simplement ni l’un ni l’autre : Nils Frahm est un compositeur, créateur, inventeur, découvreur, explorateur… un musicien, un artiste, point. Besoin d’étiquettes, vraiment ? Non.
Ensuite, toujours après cette toute première écoute, il me semble évident que, pour la première fois, j’ai de vrai impressions de connivences : le nom de Nicolas Jaar (lui aussi fuit les étiquettes, étiquettes qui lui collent difficilement…), pour les ambiances mi-rétros mi-futuristes, parfois teintées de jazz ou de musique de films. Un rapprochement flatteur pour l’un comme pour l’autre. Pour autant, ne vous y trompez pas : All Melody ne ressemble pas à un disque de Jaar, loin de là. Mais, en 2018, ces deux artistes sont, chacun, dans une catégorie à part, ce qui est particulièrement rare.
Sinon, il est une nouvelle évidence : les sonorités synthétiques de Spaces (son album culte de 2013) ou de son projet nonkeen (deux albums à ce jour, publiés en 2016) font la part belle à All Melody et, surtout, nombres de nouveautés viennent ajouter un horizon encore plus effarant à la musique du Hambourgeois : saxophones, flûtes, chorales, etc.
« The whole universe wants to be touched », justement, s’ouvre silencieusement d’abord, puis des voix apparaissent comme au loin, des notes presque liturgiques prenant le relais petit à petit, laissant alors la place à « Sunson » sans que l’on se rende compte que l’on vient de changer littéralement d’espace. Les onze premières minutes de l’album sont tout simplement sublimes !
Les sonorités sont définitivement moins classiques qu’habituellement, mais demeurent amplement organiques, plutôt qu’électroniques, même si ce dernier aspect est par moment lui aussi évident. Néanmoins, on se sent plus que jamais à l’aise, réconforté par la personnalité de Nils.
« A place », « My friend the forest » et les pièces suivantes continuent de prolonger ce voyage magnifique et j’avoue qu’il est aussi difficile de ne pas aller jusqu’au bout de l’album que de résister à l’appel d’une autre écoute, en boucle, tant il devient indiscutable que 2018 verra très peu d’œuvres s’imposer avec une telle élégance.
Si l’on considère notamment ses mots dans un entretien avec le New York Times, Nils Frahm aimerait beaucoup pouvoir contribuer à aider les gens de façon plus pratique et non seulement via sa musique. D’une certaine façon, l’écoute d’All Melody résonne presque comme un dernier soupir. Et s’il s’avérait que ce fût son dernier album, ce serait un au revoir des plus réussis. Pour sûr, quel dommage ce serait s’il nous quittait !
Une seule chose est certaine : Nils Frahm est présent parmi nous, et pour l’heure il continue de nous abreuver de sa musique, une musique motivée par un seul élément : son amour pour la musique. Mon amour de la musique se fond ici dans mon amour pour sa musique.
Lire Le retour enivrant de Nils Frahm | première partie
(in heepro.wordpress.com, le 11/02/2018)
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