Expert en exploration de la vie intérieure, Christophe André nous donne ses conseils pour ne pas passer à côté de l’essentiel.
Depuis des décennies, Christophe André, médecin psychiatre, scrute les profondeurs psychiques de ses contemporains. Alors que le carême arrive bientôt, il nous livre ses réflexions et ses conseils sur la vie intérieure, traçant un trait d’union entre le corps, l’esprit et l’âme… plongeant dans l’essentiel de nos existences assoiffées de spiritualité.Comment définir la vie intérieure ?La
vie intérieure est ce qui constitue notre personnalité intime et
renvoie à tout ce qui se passe en nous en termes de pensées, d’émotions,
de ressentis corporels, que nous en ayons conscience ou non.Cette vie de l’intime relève-t-elle du psychologique, du spirituel… ?Elle
est de l’ordre de la globalité corps-esprit-âme, et c’est ce qui
contribue à la rendre mystérieuse, attirante et passionnante. La
question est de savoir si nous y prêtons attention et si nous la
cultivons, ou bien si nous sommes sans cesse guidés par des
sollicitations et des objectifs extérieurs, dans un monde qui nous
pousse à faire de plus en plus de choses, de plus en plus rapidement et
de façon superficielle. Beaucoup de personnes ne se penchent pas vers
leur intériorité, soit par choix, soit pas peur, soit par négligence.
Jusqu’au jour où leur vie intérieure va faire irruption, sous forme de
bouffées émotionnelles douloureuses, de spleen, de malaises existentiels
flous… Mais la vie intérieure peut aussi se révéler au travers de
moments de grâce surgissant tout à coup, durant lesquels on va se sentir
heureux -au-delà de ce qui est explicable ou prévisible : vertige
existentiel face à la voûte étoilée, émotion infinie devant un
nouveau-né, bouleversement esthétique dû à une œuvre d’art. C’est là
qu’on voit bien que notre vie intérieure ne peut se réduire à une
analyse rationnelle : elle nous fait alors prendre conscience d’une
réalité mystérieuse, mais réelle, relevant du plus grand que soi.Cette vie bruissant en nous nous rappelle que nous ne sommes pas des robots ni des amas de molécules.La descente à l’intérieur de soi mène-t-elle forcément à la transcendance ?Je
crois en tout cas qu’elle nous y ouvre assez naturellement. Il y a une
façon très matérialiste et concrète d’aborder la vie intérieure chez
certains scientifiques, qui comptabilisent par exemple le nombre moyen
de pensées par jour. Aborder la vie intérieure ainsi ne révèle pas sa
richesse et son étendue. Cette vie bruissant en nous nous rappelle que
nous ne sommes pas des robots ni des amas de molécules qui ne font que
répondre aux sollicitations de l’environnement. L’homme héberge des
zones de mystère, d’irrationalité. Et lorsqu’il descend en lui, il se
retrouve bien souvent aspiré dans des dimensions beaucoup plus vastes
que son simple quotidien, le poussant à se poser des questions
existentielles et métaphysiques : qui suis-je ? D’où viens-je ? Pourquoi
suis-je là ?L’expression
« cultiver sa vie intérieure » signifie-t-elle que cette dernière
aurait une amplitude plus ou moins vaste selon les personnes ?Je
vois dans le terme « cultiver » l’image de l’entretien d’un jardin.
S’intéresser à sa vie intérieure ne revient pas à se contenter de
quelques minutes d’introspection dans le métro. Cela ressemble plus à
l’art du jardinage, qui nécessite des efforts variés et réguliers :
s’octroyer de vraies plages de lecture, prendre un temps avant ou après
la prière afin de faire un petit bilan de son état personnel, s’offrir
des temps de recueillement dans la journée, en s’arrêtant par exemple
quelques minutes dans une église après le déjeuner… Ces efforts sont
comparables au jardinage : si je ne le fais pas, tout et n’importe quoi
va pousser, il n’y aura plus d’endroits pour passer. Cultiver sa vie
intérieure, c’est de temps en temps nettoyer, racler, couper, planter,
tracer des voies, de façon à ce que le passage soit un peu plus facile.
Et plus je pratiquerai, plus il me sera facile d’y avoir des repères, de
m’y retrouver.Plus on est centré sur soi, sur ce que l’on nous doit, au détriment de ce que nous devons aux autres, plus on est malheureux.
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Source : La Vie