Coupés Au Montage Final

Xavier Dolan a annoncé cette semaine que le film qu'il a tourné, The Life & Death of John F.Donovan ne mettra finalement plus en vedette Jessica Chastain, qu'ils sont restés en bon termes et que toutes les scènes étaient bonnes, mais le personnage ne cadrait plus dans l'idée du montage final du film.
Je trouve toujours fascinant qu'un réalisateur puisse réussir à couper entièrement un rôle sans en laisser de traces évidentes. C'est signe que le personnage était franchement de trop. Mais c'est aussi signe qu'on s'est longtemps menti sur son importance dans la lecture du script au préalable. Des fois quand on a le nez trop collé sur la chose...

Ce n'est jamais complètement grave pour les comédiens, qui ont tourné et ont été payé tout de même. Mais l'ego peut parfois en prendre un coup. Voici 20 autres fois + 1 où des rôles ont bien été tourné, mais qu'au montage final, on aura peu de traces des acteurs/actrices évincés du produit sur grand écran.

Harrison Ford, 1982, dans E.T  
Steven devait couper du temps dans son film. Harrison y jouait le directeur d'école du petit Elliott. On a coupé toute les scènes où lui voyait le visage. On le voit, mais de dos. On l'entend, mais on ne voit jamais son visage, Spielberg voulait mettre l'accent sur les enfants. Il a volontairement gardé sa caméra loin des visages adultes. Qui signait le scénario du film, donc? La femme d'Harrisson Ford, d'alors, Melissa Mathison. 

Mick Jagger, 1982, dans Fitzcarraldo
40% du film de Werner Herzog est tourné, Jason Robards en Fitzcarraldo et le chanteur des Stones, son assistant, simple d'esprit quand Robards tombe malade et que son docteur refuse qu'il voyage à nouveau. Le tournage est donc mis sur la glace. Mais ceux qui y avaient investi des sous, menacent de se retirer. Jagger doit aussi quitter car un album des Stones et une tournée seront en route dans 6 semaines. Son personnage sera complètement éliminé dans les nouvelles scènes avec Klaus Kinski.

Kevin Costner, 1983, dans The Big Chill
Costner est le suicidé des amis de The Big Chill. Une scène de flashback le montrait en relation avec les autres autour d'une table, dans un repas de l'Action de Grâce (siiiiiiiiiii importante aux États-Unis) dans une scène ramenant tous les personnages du film dans les années 60 (siiiiiiii importantes aux baby-boomers). Mais on juge la scène inutile, ne rajoutant rien à ce que l'on comprenait déjà. Costner ne sera pas à l'image. Sinon son corps qu'on habille au tout début du film.

Johnny Depp, 1986, dans Platoon
Oliver Stone est reconnu pour sacrifier des personnages entier ou de les réduire à très très peu. DEpp tombe dans la seconde catégorie pour le film de guerre oscarisé de 1986. Il y avait un beaucoup plus grand rôle, celui du soldat au coeur tendre, mais sera finalement limité à deux scènes, la première où il passe avec un enfant vietnamien dans les bras dans un village, inquiet de leur sort, puis celle de son départ dans un monde meilleur. Mais il est tant barbouillé qu'il est facile de manquer le fait que ce soit Depp qui meurt.
Ashley Judd, 1994, dans Natural Born Killers
Oliver Stone, encore, il vous explique dans le lien pourquoi.
Andy Garcia, 1995, dans Dangerous Minds.
Louanne, personnage incarné par Michelle Pfeiffer, avait un mari dans le script original, Andy Garcia. Quand on lui a offert le rôle, Garcia a dit que le personnage de Louanne n'avait pas besoin de mari, et qu'elle serait même plus forte, sans. On a tourné les scènes quand même. Il a été payé. Mais on a suivi son conseil.

Sara Michelle Gellar, 1998, dans Funny Farm
La jolie brune teinte en blonde commençait tout juste à devenir une giga-star avec son rôle de Buffy. Elle avait eu le temps, avant, de tourner une scène d'étudiante pour ce film de Chevy Chase. On a jugé qu'elle devenait trop "big" pour une présence aussi courte. Ça ferait jaser pour les mauvaises raisons. On l'a coupée. Dans Buffy, le personnage de Kendra dit à un moment à Buffy de ne pas écouter, en avion, un film mettant en vedette Chevy Chase ou des animaux. Référence directe à Funny Farm.
Mickey Rourke, 1998, dans The Thin Red Line
Un autre réalisateur qui reste fameux pour sacrifier des rôles entier est Terence Malick. Les équipes de prod prennent même des paris entre eux afin de savoir quel rôle sera, au final, coupé entièrement. Pour The Thin Red Line, ce fût le rôle de Mickey Rourke. Mickey était très fier de sa performance et en a toujours voulu au zen réalisateur.

James Van Der Beek, 2001, dans Storytelling
Todd Solondz avait tricoté un film en trois actes et l'a tourné ainsi. Un premier acte mettant en vedette Selma Blair en étudiante initiant une relation intime avec son enseignant sous le sous-titre "fiction", un second acte, mettant en vedette Paul Giamatti en journaliste filmant un adolescent et sa famille sous le sous-titre "non-fiction". Un troisième acte devait montrer le coming out gay d'un joueur de football vedette du Collège et devait mettre en vedette James Van Der Beek dans le rôle du gay de garde-robe. Solondz prétend qu'elle n'a jamais été tournée. Van Der Beek sait qu'il a tourné des scènes. Et qu'il n'est pas dans le film. La vérité se trouve entre les deux.

Chris Cooper, 2002, dans The Ring
Dans le premier film de la franchise Étatsunienne, Chris Cooper ouvrait le film dans la peau d'un assassin d'enfants interviewé par le personnage de Naomi Watts. Il revenait en toute fin, quand Watts avait réalisé le pouvoir de l'enregistrement visuel. Les pré-visionnement étaient unanimes. Cooper avait un tel magnétisme qu'on voulait en savoir plus sur lui. On a jugé le personnage trop déviant de l'endroit où on voulait que le public se concentre. On l'a coupé.

Michelle Monaghan, dans Unfaithful (2002), Syriana (2005), Constantine (2005)
Je suis assez amoureux de Michelle pour des raisons platement charnelles. Mais on semble aimer la sacrifier au montage. Dans le premier film, elle a été évincé, mais son rôle était petit. dans le second, George Clooney avait tourné une intrigue parallèle où elle incarnait une reine de beauté en liaison avec un arabe roi du pétrole. On a jugé l'histoire trop compliquée pour rien et n'ajoutant rien de valeur au film. Dans le dernier, elle incarnait Ellie, une sorte de démon, amante de Constantine. Mais on a finalement voulu Constantine plus seul. Elle a tourné. On a rien gardé
Robert Pattinson, 2004,  Vanity Fair
Dans ce film d'époque mettant en vedette Reese Whiterspoon, Robert Pattinson devait jouer le fils de miss Whiterspoon mais on a coupé son rôle. Ironiquement, Pattinson allait jouer l'amoureux de Miss Reese dans Water For Elephants, 7 ans plus tard.
Skeet Urlich (& co.), 2005,  dans Cursed
Avant d'être ressuscité l'an dernier par Riverdale sur Netflix (et ses fatigants Serpents) en viril papa de Jughead, Ulrich avait été une jeune sensation dans la série de film Scream. Pour le film Cursed, après avoir tout tourné, on a voulu refaire de la réécriture, puis, du retournage. Ulrich n'était alors plus disponible. Ni James Brolin. Ni Illeana Douglas. Ni Robert Forster. Ni Omar Epps. Ni Heather Langenkamp. Ni Scott Foley. Ni Mandy Moore. Ni Corey Feldman. On tournera avec plein d'autre monde le même film.

Angela Bassett, 2005, dans Mr & Mrs Smith
Elle devait jouer la patronne de Mr Smith, mais on a coupé son rôle. On entend toutefois sa voix au micro lui donnant des ordres.
La Toya Jackson, 2009,  dans Bruno
Quand on a tourné la scène dans le lien avec Latoya, Micheal était toujours bien vivant. Toutefois quand le film est sorti, il venait de mourir. Par pudeur, respect et décence, oui, Sacha Baron Cohen en est capable au civil, il a choisi de retirer la scène.
Tobey Maguire, 2012, dans Life Of Pi
Tobey incarnait le rôle qui devait symboliser l'auteur Yann Martel. Mais il était devenu trop "big". Et ça détournait l'attention de la vraie histoire. Rafe Spall, acteur plus modeste, a finalement réincarné le personnage.

Uma Thurman, 2012, dans Savages
Je vous l'ai dit, Oliver Stone peut être un boucher en salle de montage. Uma Thurman incarnait la mère de Blake Lively, toutefois le film étant jugé trop long, on a complètement sacrifié ses scènes.
Rachel Weisz, Amanda Peet, Barry Pepper, Micheal Shannon, Jessica Chastain, 2012,  dans To the Wonder. 
Terence Malick cherche désormais ses scénarios dans les salles de montage. Je ne suis pas certain d'être très entiché de sa technique. Une scène de ce film planant aux personnages tout en surface, nous montrait une bande d'amis, parmi lesquels tous ces noms. Jessica Chastain (la même que Dolan) y jouait une ancienne amoureuse de Ben Affleck. Rachel Weisz aussi.

Sienna Miller, 2015, Black Mass
Sa présence, en tant que copine d'un dégénéré, le rendait trop humain.
Josh Brolin 2017, Subirbicon
Geogre Clooney a refait le coup, mais cette fois, à Josh Brolin, dont il jugeait le personnage hors de la narration qu'il souhaitait pour son film. Il a tant voulu s'en excuser que Clooney lui a envoyé toutes les scènes qu'il avait tourné.

Terence Malick sévit encore. Pour son film à venir, tourné il y a 6 ans, il a fait appel à Nathalie Portman, Ruan Golsing, Rooney Mara, Micheal Fasbender, Cate Blanchett, Christian Bale, Benicio Del Toro et Haley Bennett. Mais les trois derniers, même si ils ont tourné leurs scènes, ne sont pas du produit final dit-on. Bale a tourné 4 longues semaines avec Malick pour ce film. Nada. Tu n'y sera pas.
Ce qui arrive à Jessica Chastain, de la part de Xavier Dolan, ce type de coup de ciseau dans la salle de montage n'est donc pas si rare.