Absence de vie sociale d’une société, la fictivité de la société écartée

Publié le 08 février 2018 par Gerardhaas

A propos de Cass.Com., 15 novembre 2017, Pourvoi n° 16-20193

La Cour de cassation a jugé que la seule preuve d’absence de vie sociale d’une société régulièrement constituée, identifiée et immatriculée, et dont l’objet statutaire a été réalisé, ne suffit pas à démontrer la fictivité de la société.

En l’espèce, un exploitant agricole cède la propriété de son corps de ferme qu’il exploite à une société civile immobilière qu’il constitue avec un tiers, lequel détient la quasi-totalité des parts. L’agriculteur ayant été mis en redressement judiciaire, le mandataire judiciaire assigne en justice pour obtenir l’extension de la procédure de redressement à la société civile immobilière en raison de l’absence de vie sociale de la société (actes de gestion de biens immobiliers acquis limités, absence de tenue de comptabilité et d’assemblée générale depuis la création de la société).

La question était de savoir si une société pouvait être considérée comme fictive en raison de la seule absence de vie sociale de celle-ci ?

Une société est déclarée fictive lorsqu’elle possède toutes les apparences d’une véritable société (siège social, dénomination sociale, accomplissement des formalités de publicité nécessaires), mais qu’elle n’a aucune existence propre puisqu’elle est destinée à masquer l’activité de « l’associé », du gérant de la société.

Traditionnellement, la jurisprudence pour caractériser la fictivité d’une société recourt à une série d’indices. Il n’existe pas de critère unique. Le défaut d’activité, l’absence de fonctionnement régulier, l’absence de volonté de s’associer (dite affectio societatis) sont couramment retenus par les juges.

La Cour de cassation en l’espèce estime que la société n’avait certes pas de vie sociale, mais cette absence pouvait s’expliquer par la santé du gérant.  La seule preuve de l’absence de vie sociale ne pouvait à elle seule caractériser la fictivité de la société puisque la société immobilière civile avait été régulièrement constituée, immatriculée, identifiée et que son objet statutaire avait été réalisé par l’achat de l’immeuble et sa mise à disposition à l’exploitant agricole. De plus, le gérant s’acquittait du paiement des taxes foncières de la société. Les juges ont retenu que ces indices ne pouvaient suffire à déterminer la dissimulation d’agissement par le gérant de la société.

En outre, les juges ont écarté l’existence de relations financières anormales entre la société et l’exploitant agricole qui auraient pu justifier une confusion entre les patrimoines et permettre l’extension de la procédure collective à la société civile immobilière. Puisqu’en effet l’exploitant agricole avait bien réglé de lui-même des travaux, mais qu’il s’agissait d’une part de travaux de réfection commandés antérieurement à la cession et d’autre part d’autres travaux qui étaient d’un coût modique.

Cette décision est l’occasion de rappeler la complexité de rapporter la preuve de la fictivité d’une société devant les juges, qui apprécient au cas par cas l’existence d’une société fictive. La simple preuve d’absence de vie sociale d’une société ne permet pas de caractériser une société fictive.

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