Dans un précédent billet, j'expliquais qu'à la lecture du compte rendu expérimental de la dernière facétie de GE Séralini j'avais hésité entre rire et pleurs.
Il faut dire que le truc est foireux de bout en bout.
Certes, il est plutôt rassurant de se dire que la communication de ces résultats est reléguée à la presse régionale, une presse dont l'impact factor donne une assez bonne approximation de l'infiniment petit ...
Il n'en reste pas moins qu'il est consternant de réaliser que des journalistes diffusent ces niaiseries sans à aucun moment prendre le moindre recul ni même s’interroger sur la validité de ce qu'ils contribuent à colporter.
En somme se rendre compte que la qualité de la presse quotidienne, ici Midi Libre, peut être aussi médiocre.
Rebelote, sauf que cette fois c'est d'un livre qu'il nous gratifie.
Un livre sorti, excusez du peu, par la maison d'édition qui fut dirigée par F Nyssen, aujourd'hui Ministre de la Culture.
J'ose espérer qu'elle n'y est pour rien : ça me désolerait. En particulier au vu de son passé scientifique.
Je ne crie pas à la censure hein ? juste à la relecture et au décoinçage salutaire du bouton branlette manipulatoire lorsqu'il est ostensiblement coincé sur /ON.
Ce qui, ici, est manifestement le cas.
PestiCid : une tragi-comédie.
"Les exemples vivants ont bien plus de pouvoir ; un prince dans un livre apprend mal son devoir.”La jaquette annonce : "Un ouvrage de santé publique, une expérimentation plus qu'un long discours".
Acte 1. Scène 3.
Cette belle promesse est l'œuvre de Marc Veyrat. On a les princes, les experts ès expérimentation que l'on peut. Ou que l'on mérite, c'est selon.
Le même M. Veyrat nous gratifie d'ailleurs d'une préface que l'on pourra lire en suivant ce lien.
Il y ose le délicieux :
"Loin du jargon scientifique et de théories fumeuses, ils apportent dans ce texte simple et didactique la preuve par l’expérience que tout n’est pas bon dans ce que l’on nous fait avaler.".Voyons ce qu'il en est ... voyons surtout ce que ce livre veut, lui, nous faire avaler.
“A vaincre sans péril on triomphe sans gloire.”Acte 2. Scène 2
C'est magique : ils dosent 7 vins, et y trouvent des teneurs totales en pesticides allant de 0 à 333 ppb.
Nota : 1 ppb c'est une partie par milliard.
Du point de vue scientifique cela veut dire 1 µg/l.
Pour prendre une référence plus commune et visuelle cela revient à 1 cuillère à café diluée dans une piscine olympique.
Hop hop hop : je te vois tousser alors je t'arrête de suite.
Je t'arrête de suite car nous sommes d'accord : ce n'est pas parce que c'est très peu que ce n'est pas grave … mais du coup tu m’accorderas que la réciproque est vraie, en conséquence de quoi ce n'est pas parce que c'est beaucoup que c'est grave.
Oui : parler de teneurs en tels ou tels composés (que, par ailleurs, on ne précise pas) n'a aucun sens si on n'accompagne pas ces concentrations des toxicités respectives des dits composés.
Sinon cela revient à mettre le sel de cuisine au même niveau que le cyanure.
Si, si : le sel de cuisine est toxique.
Sa Dose Létale 50 à 2500 mg/kg, mais elle descend à 100 mg/kg en intraveineuse.
Ça se complique : un même composé à des DL50 significativement différentes selon comment il est ingéré !
Il est d'ailleurs utilisé aux USA en injection létale afin d'exécuter les condamnés à mort (je ne raconte donc pas que des conneries quand je prends le sel de cuisine comme exemple).
Donc : si tu as du sel de cuisine et du cyanure dans ton casse-croûte, pour t'informer nos amis vont faire la somme des deux, sans se préoccuper de leurs toxicités respectives. Et s’il n’y a que du sel et pas de cyanure ils te mettront la quantité de sel, sans autre précision.
Voilà : 800 mg/l de sel et 200 mg/de cyanure font 1000, comme 1000 du seul sel.
Pourtant au final ce n'est pas du tout la même musique en termes toxicologiques.
Or c'est ainsi que cela fonctionne dans ce bouquin : on additionne des composés sans se préoccuper de leurs toxicités respectives.
Du sel et du cyanure.
J’adore.
Il faut dire que c'est à la mode : nous sommes ici dans le même cas de figure que dans l'article de l'UFC - Que Choisir que je commentais il y a peu !
On additionne des trucs dont on ne dit ni la nature ni les toxicités respectives et encore moins la capacité de l'organisme à les stocker ou, au contraire, à les éliminer et/ou dégrader. Puis on fait un classement d’une opacité et une inutilité totales, le tout au nom de l’information du consommateur.
Bref : c'est du foutage de gueule.
Enfin, là, dans le bouquin on est passé à l'étage au dessus !
"Nous partîmes cinq cents, mais par un prompt renfort,
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port"
Acte 4, Scène 3
Je m’explique.
Les teneurs varient donc, selon les bouteilles, de 0 à 333 ppb ... or que nous dit le texte ?
"1046 ppb de pesticides pour 5 des 7 bouteilles de Pomerol achetées au hasard".Non, tu ne rêves pas : les mecs additionnent les concentrations de la totalité des produits présents dans la totalité des échantillons, ce qui leur permet d'avoir un chiffre supérieur à 1000 µ/l (c'est flippant les gros chiffres. Surtout quand on n'évoque pas la toxicité qu'il y a derrière) et ils balancent les résultats.
Il disait quoi déjà Marc Veyrat ?
Ah, oui : "Loin du jargon scientifique" ?
« apprends moi plus au long la véritable histoire, »
Acte 4, Scène 3
Je confirme l'absence du jargon scientifique.
Je confirme surtout l'absence de toute approche scientifique, puisque dès l'entame on bascule dans le grand n'importe quoi.
En effet : quand les mecs se sont aussi tranquillement assis sur les bases élémentaires des statistiques, des trucs aussi jargonnants que moyenne, écart type et variance. Alors on sent bien qu'on ne va pas jargonner.
Non, sérieux : pourquoi n'ont-ils pas testé (et additionné) sur 50 bouteilles ? ils n'avaient pas le budget, ou le but était juste d'avoir un nombre anxiogène car à 4 chiffres, donc à 1000 on arrête ?
Oh lecteur non scientifique, excuse-moi de faire du jargon scientifique mais sur les 7 bouteilles testées la teneur en pesticides variait de 0 à 333 ppb, pour un total de 1046.
En conséquence de quoi leur teneur moyenne en pesticides était de 149 µg/l (209 µg/l si on décide de ne prendre en compte que les 5 bouteilles contenant des pesticides).
149 (ou 209), pas 1046.
Le total (1046 µg/l) on s'en bat les couettes !
Le total est directement proportionné au nombre d'échantillons : plus t'en analyses plus il grossit.
Baser le raisonnement sur le total de l’ensemble des échantillons - sans préjuger de la méthode qui a prévalu à la sélection des échantillons - est d'une rare connerie.
Ça commence bien.
Et, par la suite, çà ne s'arrange pas.
« Tu veux qu'en ta faveur nous croyions l'impossible »
Acte 4, Scène 5
« Un arôme a dans sa structure chimique un ou des cycles aromatiques, comme souvent les pesticides. Le nom de « cycle aromatique » vient d'une forme bien caractéristique de six atomes de carbone qui se tiennent entre eux en une ronde hexagonale. C'est une structure particulièrement stable qu'a inventée la vie, qui dure longtemps dans les parfums en solution alcoolique ou huileuse, Il faut un moteur à explosion pour la casser. »
Ben non : les molécules aromatiques, en particulier dans le vin, n'ont pas nécessairement un cycle aromatique dans leur structure chimique.
Le butanoate d'éthyle (composante « fraise ») n'a pas de cycle aromatique, pas plus que l'éthanal (composante « noix », « pomme blette », ...).
Merci de noter que ces deux composés typent aussi pour le coing.
Je reviendrai plus tard sur ce que cela implique quant à la validité de ce qui est avancé dans ce bouquin.
Il n'y a pas de « cycle aromatique » dans les « molécules aromatiques » suivantes : acétate d'isoamyle (banane / bonbon anglais), butyrate d'éthyle, butyrate d'amyle, acétate d'hexényle, décadiénoate d'éthyle, géraniol, nérol, etc ...
Du côté des pesticides : l'atrazine n'a pas de cycle aromatique. De même, on cherchera en vain les 6 atomes de carbone annoncés parmi les néonicotonoïdes dont, par exemple, le thiamétoxame ou l'imidaclopride.
Prolonger cette liste serait fastidieux et n'apporterait rien de plus : encore une fois ce qui nous est dit ne tient pas la route.
Il va de soi que je commenterais volontiers le « Il faut un moteur à explosion pour la casser. » … mais j'avoue n'y rien comprendre !
Peut-être est ce la preuve que s'éloigner du « du jargon scientifique et de théories fumeuses » n'aide pas forcément à clarifier le propos !?
D'ailleurs, à propos de théorie fumeuse (et même pas digne du zinc du Café du Commerce Équitable) nous n'échappons pas à :
« Luca ne supportait aucun des vins bio qu'on lui offrait, jugeant qu'ils avaient un levurage chimique. Il pensait, en gourmand pressé, que toutes les sensations artificielles des vins venaient des levures rajoutées ».Luca a bien le droit de penser ce qu'il veut. Tout comme GE Séralini a tout à fait le droit d'écrire ce que bon lui semble.
Le seul petit souci est que, là encore, c'est d'une bêtise abyssale.
La levure chimique, que l'on utilise classiquement en pâtisserie ou dans le cassoulet mais aussi pour bien des applications ménagères, c'est - pour l'essentiel - du bicarbonate de soude (NaHCO3) auquel on a ajouté deux acides (dont l'acide tartrique).
En aucun cas – en AUCUN CAS – la levure chimique ne saurait fermenter !
Je déconseille donc vivement à quiconque de mettre de la levure chimique dans un moût afin de le transformer en quoique ce soit d'autre qu'un vieux truc moisi.
La Fermentation Alcoolique (FA) est l'apanage de Saccharomyces cerevisiae, et Saccharomyces cerevisiae (littéralement = le champignon du sucre qu'on trouve dans la cervoise) est un être vivant.
On est donc dans le registre du biologique, pas de la chimie.
Si vous avez vraiment besoin de vous en convaincre, merci de lire les 4 billets que j'ai pondus sur le sujet.
Ça commence avec ces quelques rappels historiques.
Bref :
- la fermentation alcoolique n'est pas un phénomène chimique (n'en déplaise à Justus von Liebig ... et à Luca),
- s'il n'y a pas de levure fermentaire il n'y a pas de FA,
- selon les cas et les choix du vinificateur la FA peut être réalisée par des levures sélectionnées (des levures naturelles sélectionnées dans la majorité des cas. Plus d'infos sur le sujet dans le 4ème billet de la série que je viens de rappeler) ou par des levures indigènes.
Sélectionnés ou pas, intrinsèquement ces micro organismes ne sont pas différents.
Les uns et les autres fonctionnent différemment selon les conditions du milieu et, donc, les choix du vigneron. Car ce ne sont pas des boulons de 12 (ni des produits chimiques) mais des êtres vivants avec des besoins, des comportements et, donc, des effets qui varient tant d'une souche à l'autre que selon le milieu dans lequel ils se trouvent.
Bref : faut arrêter avec « les sensations artificielles des vins venaient des levures rajoutées » ou alors il faut nous expliquer (nous expliquer vraiment hein ? Pas avec un tour de passe passe) ce que sont ces "sensations artificielles" et en quoi et pourquoi elles sont l'apanage des levures ajoutées et n'existent pas avec les levures indigènes.
Jargon scientifique bienvenu.
Vu le niveau du reste, ça va être drôle ...
Car pour le moment, au vu de ce qui est dans ce bouquin et qui concerne les levures, c'est pas gagné !
Florilège :
- « les peaux de raisin sont normalement pleines de levures variées, traditionnelles, de grosses cellules à noyau indigènes au terroir, qui sont le cœur de la fermentation naturelle. L'ajout de levures de laboratoire standardisées et de populations homogènes est pourtant très commun. Surtout, il devient nécessaire pour obtenir du vin quand on a éliminé les levures naturelles par des pesticides ou des procédés techniques. Certains vignerons le jugent indispensable afin de reproduire chaque année le goût particulier de leur vin en grosses quantités. Les levures sélectionnées par centaines et choisies par le vigneron sur catalogue serviront non seulement, pour certaines, à activer la fermentation, mais aussi, pour d'autres, à apporter les mêmes arômes choisis. ».
En vrac, car y a plein de jolis mots mais qui sont hors contexte et vides de sens :
- des levures traditionnelles ? Traditionnelles ? Non, sérieux. On me l'avait jamais faite celle là.
OK c'est en opposition au stupide « levures de laboratoire ».
Effet de manche, donc.
Car c'est quoi une levure traditionnelle ?
Elle danse la bourrée ?!
OK : la tradition c'est un super mot clef. Le genre qu'il importe de mettre à toutes les sauces.
Sauf qu'en matière de levures c'est n'importe quoi !
Bref :
- si t'élimines les levures « naturelles » par des pesticides, et que des pesticides restent dans ton vin les levures (sélectionnées ou traditionnelles. Ah ah : je m'en lasse pas des levures traditionnelles) vont en prendre plein les gencives qu'elles n'ont pas.
Ceux qui se sont risqués à faire un folpel tardif l'ont expérimenté à leurs dépends avec des FA ne démarrant pas, levures sélectionnées ou pas.
- l'apport de certains « arômes choisis » par la seule utilisation d'une souche de levure donnée à un niveau de population donné est un fantasme dans lequel se retrouvent tant les vendeurs de levures que les promoteurs de la Nature.
Ça leur fait au moins un terrain d'entente.
Mais il est fantasmé, car bien malin (ou bien menteur) est celui qui garantit qu'une levure fonctionnera toujours de la même manière, en particulier sur le plan aromatique.
Bref on enfile des perles.
Des perles d'inculture œnologique et microbiologique.
Dans ce bouquin, il n'y a pas que les levures, mais aussi les bactéries (p44) :
« De petites bactéries lactiques peuvent alors prendre le relais des levures en général pour assouplir le goût du vin dans certaines conditions un peu plus tièdes (20°C environ, c'est la fermentation malolactique), et là aussi certains vignerons en rajoutent. Quand tous ces micro organismes sont trop nombreux, il vaut mieux remettre du soufre comme antioxydant et stabilisant afin de stabiliser le vin …/... Sinon, pour le même objectif on aurait le choix entre arsenic, encore en vigueur aux Etats-Unis, le bromure ou des acides autorisés »
Que les bactéries lactiques transforment l'acide malique en acide lactique et que cela entraîne un certain assouplissement du vin est indéniable.
C'est tellement indéniable que c'est une obligation légale pour les vins rouges et une habitude pour certains blancs (par exemple bourguignons).
Certains vignerons ensemencent en effet avec des bactéries lactiques sélectionnées.
Il fut un temps ou j'écrivais beaucoup à propos de cette technique. Par exemple ceci : "Contrôle de la fermentation malolactique : une approche pratique". Revue Française d'Œnologie, n° 194, pp. 14-17. 2002.
Je ne vais donc pas dire le contraire.
Juste faire remarquer que je ne vois pas le rapport entre les propriétés antioxydantes du vin et les bactéries lactiques (sans doute parce qu'il n'y en a pas ?), et que quand ces microorganismes sont très nombreux c'est que le milieu est favorable, qu'ils y sont bien et y ont du taf.
Ensuite, quand leur taf est fini ils sont de suite vachement moins nombreux puisqu'ils meurent.
L'ajout de SO2 en vue de la stabilisation microbiologique n'a rien à voir avec des populations de bactéries lactiques trop importantes mais, au contraire, avec des populations trop faibles qui laissent la place libre à des contaminants.
C'est une des notions de base de l'écologie et/ou de la bioprotection dont l'un des buts est justement d'éviter de recourir au SO2.
Il est regrettable que nos amis qui rejettent le jargon scientifique rejettent aussi, de toute évidence, les bases de ce dont ils prétendent parler.
J'ai failli oublier :
"on aurait le choix entre arsenic, encore en vigueur aux Etats-Unis, le bromure ou des acides autorisés"
Sans déconner :
- "l'arsenic utilisé aux USA pour contrôler la flore microbienne" ?
Vas y, envoie tes sources, gars !
- le bromure ? les acides autorisés ? Ça sert à la stabilisation microbiologique du vin tout çà ?
J'ai toujours cru qu'arrivés à un certain stade il fallait arrêter les conneries. Je crains que le dit stade ne soit, ici, dépassé. Que ce soit à propos du bromure dans le vin (en 14-18 éventuellement) ou des acides (acide ascorbique - vitamine C -, acides lactique ou tartrique) qui ne sont en rien des moyens de contrôler la flore microbienne.
« Comme toute expérience humaine, ce livre est né d'une rencontre, de nombreuses discussions passionnées entre un cuisinier connaisseur de vins et un scientifique qui travaille sur les pesticides, les hormones sexuelles et les arômes détoxifiants »Les arômes détoxifiants ?
Sans déconner !
C'est quoi ce truc !? (à part, bien sur, une pub même pas déguisée pour les produits de Sevene Pharma, une Société à laquelle GE Séralini est lié)
Les arômes détoxifiants …
On est en plein Barnum !
L'école du cirque !
L'école au sein de laquelle on goûte les pesticides … sauf le Cuivre.
Pourtant le Cuivre est présent dans tous les vins et est la clef de bien des problèmes d'oxydoréduction qui influent directement sur les arômes du vin (sur les métaux lourds en général et le cuivre en particulier, on pourra lire ce billet que je viens de commettre).
Pas un mot à ce sujet dans le bouquin en question. Pas un.
C'est ballot.
Attends … « on goûte les pesticides » ?
Oui t'as bien lu.
Les mecs goûtent des pesticides, à concentration croissante et en cocktail.
Moi qui croyais que ces trucs étaient des poisons, moi qui ais vu et revu je ne sais combien de fois les commentaires indignés des mêmes en réponse à cette fameuse vidéo du refus de boire du glyphosate.
Et là les opposants au glyphosate, les mêmes qui hurlent au loup font quoi ?
Ils boivent du glyphosate et je ne sais quels autres composés mortifères, en concentration croissante de façon à être surs de bien en sentir le goût.
Je croyais que c'était mortifère le truc !
J'adore ce genre de joyeuseté : on dirait les Branch Davidians de Waco, en plus drôle.
Notons au passage, en essayant d'éviter le jargon scientifique (ah, ah, c'est vraiment des bons les deux loustics. Des comiques naturels), que goûter un composé dans le vin et le même composé à la même concentration dans l'eau n'a aucun rapport !
Il n'échappera en effet à personne que le vin est un milieu plus complexe et riche que le vin.
Ça change donc tout pour le dégustateur – même entraîné – :
- les seuils de détection et de reconnaissance y sont bien plus élevés que dans l'eau.
- une odeur n'est que très rarement liée à une seule molécule, c'est plutôt la résultante de plusieurs composés aromatiques. Ainsi une même molécule peut typer pour des arômes radicalement différents selon les composés auxquels elle est associée.
Ce n'est donc pas parce qu'un composé mis dans l'eau sent la fraise qu'il donnera forcément un arôme de fraise dans le vin en général et dans les différents vins où on pourra le trouver en particulier.
D'ailleurs, si j'en crois Richard Pfister (et j'ai tendance à croire Richard Pfister quand il cause arômes) les composantes principales de l'arôme de fraise sont le furanéol, le butanoate d'éthyle (qui n'a pas de cycle aromatique ...), l'eugénol et la vaniline (dont on comprend aisément à quoi elle est principalement associée !).
De plus le même Richard Pfister nous indique que l'on doit considérer que abricot, ananas, cannelle, cassis, cire d'abeille, clou de girofle, jasmin, mangue et vanille sont des odeurs proches de ... la fraise !
Autant dire que nos amis psychopathes (ben ouais, psychopathes : ils boivent et font boire des pesticides quasiment directement à la citerne) sont complètement à la rue quand ils revendiquent l'association unique entre une molécule dans le vin et une odeur du vin.
Selon eux tu sens de la fraise tagada dans un vin et le vin est pas bio ?
c 'est un pesticide : le fenhexamide !
Ben non.
Mais je laisse la parole au co auteur du bouquin :
« Ca brûle ! Le glyphosate vous bloque les papilles et vous brûle de façon persistante la bouche. Je l’ai testé sur des doses montantes et, au final, j’ai eu la bouche brûlée pendant trois semaines. D’autres pesticides provoqueront la barre au front qui arrive tout de suite, quasiment dès l’ingestion. D’autres pesticides ont des goûts de bonbons chimiques grossiers. Si l’on peut dire, il y en a pour tous les goûts. »
La bonne nouvelle est pour les labos : plus la peine de s'emmerder à s'équiper de Chromatos en Phase Gazeuses et autres HPLC puisque nos amis sont capables de détecter la présence de pesticides par simple dégustation.
Balèzes.
En attendant, la barre au front, c'est moi qui me la cogne à la lecture de ce tas de fariboles.
On touche le fond (de la barrique) avec la tirade sur l'élevage sous bois qui enrichit le vin en pesticides.
A supposer que les forêts soient de longue date arrosées de pesticides et que les dits pesticides se soient accumulés au cœur de ces chênes qui ont, au bas mot, 150 ans (mais 200 ou 300 c'est pas déconnant) - ce qui reste à prouver ! -, il faut quand même savoir que le processus de maturation des merrains commence par un arrosage conséquent puis jusqu'à 2 ans de séchage en plein air sous l'effet de divers facteurs … dont les microorganismes (le genre qu'aime pas les pesticides).
Je demande donc vivement à voir les analyses des bois et des barriques qui en ont été tirées, ainsi que leurs teneurs en pesticides qui y seraient présents.
En l'état les auteurs nous annoncent un vin enrichi en pesticides à hauteur de 1144 ppb.
« Certains vont jusqu'à traiter le tonneau avec des fongicides, pour limiter ou éviter les moisissures. Les tonneaux neufs les suintent. Nous avons mis la main sur le même vin vendu « élevé en fût de chêne » ou non : il y avait près de deux fois plus de pesticides dans celui qui était passé en fût ! Ont ils été ajoutés sur la vigne destinée aux futs ou viennent ils du fût ? Quoiqu'il en soit, ce vin était notre leader en pesticides (1144 ppb) !»Bon, de toute évidence : ils ne sont pas sûrs que ce soit le même vin, ils ne connaissent aucun des deux itinéraires techniques, ils ne précisent pas ce que sont et font les pesticides incriminés (ni ce que sont leurs toxicités), ils n'ont aucune analyse de bois de barrique, bref ils ne savent rien … mais ils affirment tranquillement que les pesticides, « les tonneaux neufs les suintent ».
Quelle honte !
Ce truc est une grosse bouse.
Pour finir en beauté, on n'oubliera pas de suivre ce dernier lien afin de lire la postface pompeuse de Jonathan Nossiter, un bon client de ce blog.
De toute évidence, J. Nossiter et ses potes se prennent pour Jean Moulin, il est vrai que c'est plus confortable aujourd'hui devant son ordinateur qu'en 1942 à l'Hôtel Terminus de Lyon.
Nota :
Je ne me fais aucune illusion sur les diffusions respectives de ce bouquin et du billet que je viens de commettre.
Pas plus que je ne m'illusionne sur la façon dont ce billet sera reçu : les quelques échanges que j'ai eus à ce sujet, sur tel ou tel réseau (dit) social témoignent, s'il en est besoin, que l'esprit critique est en voie de disparation.
Le contenu de ce livre a déjà été gobé, admis, intégré par ceux et celles dont il renforce les convictions. Et ce en dépit de toute approche (attention gros mots) un tant soit peu rationnelle et scientifique.
C'est affligeant.
“Et le combat cessa faute de combattants.”
Acte 4, Scène 3
Photo : Pierre Contant
(et son chat : Blis)