"De plus loin que je me souvienne, il a toujours suffi qu'un homme surmonte sa peur et se révolte pour que leur machine commence à grincer. Je ne dis pas qu'elle s'arrête, il s'en faut. Mais enfin, elle grince, et, quelquefois, elle finit vraiment par se gripper."
De cette pièce, Camus dit qu'elle "est peut-être celui de ses écrits qui [lui] ressemble le plus."
Dans une petite ville paisible, peu à peu la peste se propage, incarnée par un homme, symbole d'un régime totalitaire. Cette peste instaure alors l'état de siège qui apporte ordre, contrôle et surveillance. Tous semblent se plier à la terreur engendrée par cet état, tous, sauf Diego, qui décide de ne plus avoir peur et de se révolter.
"Qu'ai-je donc à vaincre en ce monde, sinon l'injustice qui nous est faite."
Chez Camus, cette révolte est une activité intellectuelle, nécessitant un courage permanent, elle est un engagement nécessaire. Il visait aussi bien l'Occupation et l'extermination des juifs en Europe que toutes les terreurs de l'état totalitaire vise l'Etat policier ou bureaucratique.
"Vous avez cru que tout pouvait se mettre en chiffres et en formules ! Mais dans votre belle nomenclature, vous avez oublié la rose sauvage, les signes du ciel, les visages d'été, la grande voix de la mer, les instants du déchirement et la colère des hommes ! (Elle rit.) Ne riez pas. Ne riez pas, imbécile. Vous êtes perdus, je vous le dis. Au sein de vos plus apparentes victoires, vous voilà déjà vaincus, parce qu'il y a dans l'homme -regardez-moi- une force que vous ne réduirez pas, ignorante et victorieuse à tout jamais. C'est cette force qui va se lever et vous saurez alors que votre gloire était fumée."
Seul un mouvement collectif de révolte peut conduire à un changement :
"De plus loin que je me souvienne, il a toujours suffi qu'un homme surmonte sa peur et se révolte pour que leur machine commence à grincer. Je ne dis pas qu'elle s'arrête, il s'en faut. Mais enfin, elle grince, et, quelquefois, elle finit vraiment par se gripper."
"Le désespoir est un bâillon. et c'est le tonnerre de l'espoir, la fulguration du bonheur qui déchirent le silence de cette ville assiégée. debout vous dis-je ! Si vous voulez garder le pain et l'espoir, détruisez vos certificats, crevez les vites des bureaux, quittez les files de la peur, criez la liberté aux quatre coins du ciel ! Nous sommes les plus misérables ! L'espoir est notre seule richesse, comment nous en priverions-nous ? Frère, nous jetons tous ces bâillons ! (Grand cri de délivrance) Ah ! sur la terre sèche, dans les crevasses de la chaleur, voici la première pluie ! Voici l'automne où tout reverdit, le vent frais de la mer. L'espoir nous soulève comme une vague."
Une oeuvre toujours actuelle !
L'état de siège, Albert Camus, Première parution en 1949, Édition de Pierre-Louis Rey,Collection Folio théâtre (n° 52), Gallimard,Parution : 09-10-1998, 8.49 euros