Avant d’aborder le contenu de l’ouvrage, ses spécificités et ses manquements, j’aimerais vous parler de l’auteure et du contexte dans lequel je l’ai rencontré. Marie-Julie Nguétsé est une enseignante en littérature basée à Douala, écrivaine, mère de 6 enfants et chef coutumière, princesse d’un clan bamiléké. Le personnage est attrayant. Elle ne prend pas son rôle d’aristocrate à la légère et elle le traduit fortement dans son travail littéraire. C’est donc un poste d’observation très intéressant pour cette femme au centre de nombreuses responsabilités. Elle s’auto-édite. Ce qui rajoute de la complexité à son activité. Depuis plusieurs années, elle est invitée au SILA, cette grande foire annuelle du livre en Algérie qui offre un espace d’expression aux auteurs subsahariens, souvent édités sur le continent. Ainsi, j’ai fait cette rencontre improbable et ô combien intéressante avec cette dame passionnante.
La démarche de Marie Julie Nguétsé est d’autant plus interpellante quand lors de la conférence que j’anime avec Abdoulaye Diallo, je mesure combien pour les acteurs du livre présentss’adonner à la lecture n’est pas un acte évident. La faute aux nombreuses contraintes sociales auxquelles on ne saurait se soustraire aisément. Pour ne citer que cette plate excuse. Donc, comment fait cette femme aux multiples responsabilités sur sa terre du Cameroun ? Vocation. Passion.
Ce roman raconte un mouvement de migration du sud vers le nord de l’Afrique. Dans un territoire soumis à des actions violentes et des actes de terrorisme, une princesse est obligée de s’enfuir et de se réfugier en Afrique du Nord en Algérie. Elle a à ses côtés, Kader, un homme à tout faire, mercenaire, soldat qui tombe sous le charme de la princesse. Il s’avère que le chef du clan bamiléké, son père qui a été assassiné, possède des biens dans le pays de Kader. La princesse est partagée entre les assauts de son bienfaiteur, si on peut présenter les choses ainsi et les angoisses de la mère qu'elle est et qui ignore le sort de son fils métis qui a également survécu à l’agression fomentée par des investisseurs économiques se servant de contentieux locaux et de la montée du djihadisme pour faire diversion et tenter de s’emparer d’un filon minier dans la région de ce clan.
Si l’idée de ce roman est intéressante et touche à des sujets engageants comme les rapports entre l’Afrique du nord et l’Afrique subsaharienne, on peut regretter les limites de l’exercice et de la narration qu’on a du mal à suivre. L’écriture est incantatoire voire hystérique. Il n’y a qu’à voir le nombre de points d’exclamation pour s’en convaincre. Et il faut comprendre la démarche de l’auteure qui est extrêmement passionnée dans les sentiments que son personnage exprime, partagé la passion amoureuse et la rage portée par le discours politique et le constat de nombreuses injustices surtout quand elle évoque la condition déplorable des migrants au Maroc ou en Algérie. Il y a à la fois une ambiguïté dans la posture du personnage et sa spontanéité en tant que médecin à venir en aide à ses migrants. Cette ambivalence mérite qu'on s'arrête pour l'analyser. Malheureusement, le texte est trop irrégulier. La narration qui concerne le cheminement du fils est plus difficile à suivre. Une expérience délicate.Marie-Julie Nguétsé, Pour toi je porterai le voile Editions Ebène. Première parution en octobre 2017