Cinema Paradiso**********************The Cook, The Thief, His Wife & Her Lover de Peter Greenaway

Publié le 04 février 2018 par Hunterjones
Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, comme je le fais pour la musique (au milieu) et pour la littérature (dans les 10 derniers jours) je vous parle d'un film qui a changé ma vie et je tente de vous donner l'envie de le voir en vous disant pourquoi.
Je vous en parle parce qu'il m'a séduit par sa facture visuelle, son approche narrative, par son inventivité, par sa couleur et ses sons, sa créativité, son flair, son inspiration, ses interprètes, sa réalisation, son esthétique, ses personnages, son histoire, son propos, son angle sur un sujet choisi et par ce qu'il me faisait découvrir. Je vous parle d'un film dont j'ai aimé le choix. D'un film qui a eu un fort impact sur ma personne.
Voir un film c'est voyager à peu de frais. Un luxe parfois extraordinaire.

En 1989, j'ai 17 ans. Je ne peux pas être plus passionné par le cinéma dans lequel je me lancerai universitairement bientôt. Les films les plus populaires sont le dernier Indiana Jones ou le tout premier Batman, avec Micheal Keaton dans le costume de chauve-souris. Mais moi, un film que saisit par tout les sens, c'est ce qu'on présente au Clap, à Québec, un titre de Peter Greenaway, dont je ne sais rien, pas plus que je ne connais les interprètes de son film, sinon Richard Bohringer, dont je viens de lire le livre C'est Beau Une Ville, La Nuit. Ce avec quoi, je suis assez d'accord.

Peter Greenaway est un ami de Ian Dury. Il est aussi Il est aussi peintre de murales. À partir de 1965, il passera 15 ans comme monteur et réalisateur de films expérimentaux, presque tous orientés vers l'art, l'architecture, la peinture, la musique. Il est très cérébral et plutôt intellectuel. Il m'intéresse. Tout ça, je ne le sais pas quand j'entre dans la petite salle du Clap. Quand j'en sors, largement ravi. Je suivrai beaucoup de ce qu'il fera par la suite. Même le brutal The Baby of Macon.

The Cook, The Thief, His Wife & Her Lover raconte l'histoire d'Albert Spica (le voleur, Micheal Gambon), propriétaire du restaurant Le Hollandais, mené par le cuisinier français Richard (Bohringer), qui aiment prendre de somptueux repas avec ses bénéouiouis tard en soirée. Parmi ceux-ci, un jeune Tim Roth et Ian Dury dans le rôle d'un membre de gang rival. Spica est un grossier et arrogant intimidateur marié à une femme très élégante mais forcément étouffée par l'ego de son mari, Georgina (Helen Mirren, délicieuse). Le comportement vulgaire de Spica oblige de nombreuses confrontations avec des clients et surtout avec ses propres employés qu'il semble aimer brutaliser. Il semble insensible à l'idée de perdre de l'argent.

Un client régulier, Micheal, (Alan Howard, presque sosie de Greenway), un libraire, toujours seul, remarque la solitude de Georgina. Il la trouve belle et séduisante. De soir en soir, pendant que Spica vomit son fiel autour de sa table dans la grossièreté absolue, les regards entre Georgina et le client se multiplient.  Bien vite, les deux ont une affaire à même le restaurant, dans les toilettes, sous le nez du cocu bandit, avec même la complicité d'employés du resto. Quand Spica apprend l'affaire, Georgina doit se cacher dans le dépôt de livre de son amant. Le cuisinier Richard fait livrer à manger au couple maudit par un enfant soprano qui chante en travaillant en cuisine. Spica torturera l'enfant pour qu'il révèle où se cachent les amants, puis torturera aussi l'amant, une fois retrouvé.

Georgina sera dévastée et exigera du cuisinier Richard une demande extraordinaire pour une finale du même ordre. Je ne divulgâcherai pas la suite qui est, ma foi, impressionnante.
Ce seront 10 repas que nous suivront aussi. Toujours plus obscènes et cruels de table en table.

La narration est moins impressionnante que la facture visuelle et auditive. Alan Howard n'a pas de réplique avant très tard dans le film. Et même là, il parle à peine. Il n'est presque que fantasme. L'usage des couleurs est formidable. De l'école de la peinture, Greenaway savait une chose ou deux sur le sujet. L'extérieur du resto est principalement bleu. La cuisine, portant sur le vert. Le resto, rouge sanguin. Les salles de bains, blanches. La robe de Georgina change d'ailleurs de couleurs alors qu'elle passe d'une pièce à l'autre, (tout comme la couleur de ses cigarettes), dans des mouvements de dollys qui sont d'une grâce splendide. Surtout lorsqu'accompagnés de la magnifique trame sonore de Micheal Nyman. Qui me bouleverse encore de nos jours.

Les 4 personnages avaient été scriptés du prénom des acteurs que Greenaway avait en tête pour les rôles. Seul Bohringer sera un choix original et jouera sous son prénom. Pour Georgina, PG avait Georgina Hale en tête. Pour le voleur, Albert Finney. Pour l'amant...Micheal Gambon...qu'il a finalement replacé dans le rôle du cruel bandit.

Les longs mouvements de caméra sur dollys jusqu'à la salle de bain devaient symboliser le passage des aliments dans les canaux intestinaux.  Il faut noter que le film ouvre sur un moment scatologique asses troublant. La murale qui surplombe la salle principale du resto est Le Banquet des Officiers de la compagnie de St-Georges datant de 1616 et signée Frans Hals.
Roger Ashton-Griffiths et Ciaran Hinds joueront, beaucoup plus tard, tous les deux dans Games of Thrones. Jean-Paul Gaultier a signé tous les costumes du film de 1989.

Pornographique ou sauvage attaque contre Margaret Thatcher? probablement les deux, le film n'est pas simplement la brutale histoire d'un cuisinier, d'un escroc, de sa femme et de son amant, c'est aussi un ballet gracieux dans la disgrâce.
Affamés, passionnés, lyriques, ce film est pour vous.
Mais ce n'est pas pour les esprits timides.
Certains préféreront le bol de céréales.
Moi j'aime les épices.