Marion Bataillard, la peinture que j’aime
Marion Bataillard, art contemporain, peinture figurative, exposition collective, galerie Henri Chartier | Publié par Thierry Grizard le 25 janvier 2018
« J’aime », carte blanche à Marion Bataillard.
Une exposition collective qui, au moins, n’avance pas un prétexte de circonstance pour réunir des œuvres parfois disparates :”J’aime”, les peintres donc que Marion Bataillard aime. C’est une raison suffisante pour agréger des talents.
Premier trait commun qui saute aisément aux yeux, la figuration, ces peintres sont figuratifs. Peut-être, d’ailleurs, devrait-on cesser de dire figuration et plutôt parler des signes du langage pictural.
© Marion Bataillard.
Les figures, ou autrement dit selon l’acception académique, des formes imitant, stylisant des référents réels, abordés du point de vue de l’exercice de la Peinture, c’est à dire en deux dimensions, de manière narrative, synthétiquement ou analytiquement, dans la perception ou la distance, surréalistes, réalistes, etc.
Mais ces sujets de la peinture, qui n’appartiennent qu’à sa culture : les odalisques, les paysages et ces étranges objets de nature morte, se sont vidés d’une grande partie de leur substance. Il ne reste d’eux que des signes culturels de la Peinture qui peuplent, envahissent parfois, la “nouvelle” peinture figurative.
Gerhard Richter a, dès les prémices de sa carrière, quitté ces objets figuratifs pour se concentrer sur la représentation elle-même selon les spécificités du médium, en se positionnant sur le fil du rasoir, entre la surface picturale et l’espace de représentation. Il le fait sans ironie, avec sérieux, obstination, méthode, en ne se souciant d’aucune des catégories de la Peinture. Gerhard Richter les embrasse toutes comme des moyens de mettre en évidence cette surface picturale qui, inévitablement, tend à représenter.
Or ces peintres qu’aime Marion Bataillard se situent, en basculant plus ou moins d’un versant ou l’autre, sur cette “crête” de partage sinueuse et pleine de chausse-trappes. Soit, il s’agira de reprendre la sempiternelle iconographie picturale pour « peindre-seulement » et être “décoratif”, mais représenter néanmoins, tout en soulignant, comme par mauvaise conscience, l’artifice de donner une “vision” “subjective” du monde. Position périlleuse qui laisse croire qu’on est plus vrai, plus pur, moins subjectif, en se maintenant dans le paradoxe selon lequel ne pas soucier du motif et du sujet est une issue possible.
Cette exposition collective déambule dans ces tensions, voire ces apories. C’est ce qui fait son intérêt.
C’est ainsi que Henni Alftan, (née en 1979 à Helsinki, Finlande, vit et travaille à Paris), dit de prime abord : « Je peins des images.” En effet, son travail est frontal, sans modelé, avec de grands aplats qui éloignent ou rapprochent mais qui appartiennent bien au pictural, ce n’est pas un fond, c’est une surface. Elle accumule au prétexte d’anecdotes banales et quotidiennes des plans qui s’additionnent, se réfléchissent, un drapé sur un buste en aplats, des itérations de points et verticales qui figurent une scène quotidienne sans éclairage dans un magasin où les plans de profondeurs s’étagent sans réelle perspective. Des grilles, résilles, répétitions, miroirs et échos de toutes sortes alimentent une peinture se réfléchissant elle-même.
© Henni Alftan.
Marc Molk, (né en 1972 à Marseille, vit et travaille à Paris), pratique une peinture en forme de dentelle et tapisserie où le décoratif se nourrit de redondances allégoriques, symbolistes et métaphoriques dans un registre très littéraire, évoquant la peinture romantique et académique. Parfois on a le sentiment de voir les excès de Gustav Klimt mais dans une facture étrangement suave, florale, savante et très complexe.
© Marc Molke.
Mathieu Cherkit, (né en 1982 à Paris, vit et travaille à Saint-Cloud), à l’opposé des deux peintres précédents utilise abondamment les effets de perspectives expressionnistes pour mettre en évidence des états de choses inhabités et pourtant remplis d’une abondance chaotique d’objets soulignant la présence de celui qui est absent ou hors cadre. L’agitation picturale des formes, couleurs et compositions contredisent la supposée quiétude des lieux où pourtant la lumière est presque toujours blanche, étale voir surexposée, brutale et acérée.
© Mathieu Cherki.
François Mendras, (né en 1962, vit et travaille à Paris), est un peintre qui , préoccupé des seules formes plastiques, se joue des catégories, écoles, styles et sujets. Son œuvre puise partout, dans l’abstraction, le Pop Art, mais aussi la figuration narrative ou la peinture métaphysique pour construire à partir du vocabulaire de l’art moderne et contemporain des syllogismes picturaux post-modernes.
© François Mendras.
Nicolas Nicolini, (né en 1985 à Marseille), est également un peintre qui recycle le vocabulaire pictural du 20° siècle pour aboutir à des compositions de formes figuratives, certes, mais sans échelle, grotesques, s’étiolant en gestes expressifs ou formes abstraites. Bizarrement il y a parfois des réminiscences de Max Ernst !
© Nicolas Nicolini.
Apolonia Sokol, (née en 1988, vit et travaille entre Paris et Bruxelles), a adopté comme sujet essentiel de sa peinture le portrait, en grand format et fréquemment grandeur nature sur des fonds réduits, abstraits, dans une facture proche de l’expressionnisme et l’École de Leipzig.
© Apolonia Sokol.
C’est d’ailleurs, un des traits communs le plus omniprésents entre ces peintres, l’influence de la Nouvelle Ecole de Leipzig, notamment Neo Rauch. Une facture que Gerhard Richter avait ironiquement désignée à ses débuts comme un Réalisme Capitaliste, mâtiné ici de la filiation avec le Réalisme français.
Marion Bataillard, la commissaire de cette exposition, expose également ses propres œuvres. Pour en savoir plus la concernant voir notre article : «Marion Bataillard, le mental et le physique ».
© Marion Bataillard. “L’amour triomphant”, 146 x 225 cm, huile sur bois, 2015. Collection privée.
“J’aime”, carte blanche à Marion Bataillard
Galerie Henri Chartier
Du 13 janvier au 24 février 2018.
J’aime
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