Ils dinèrent un peu plus tard, sous les arcades, dans le petit restaurant où ils avaient coutume de se retrouver, en fin de journée, deux jours sur trois. Mlle d'Urruty ne dit pas un mot de tout le repas, mangea comme un ogre, et but une pleine bouteille d'Irouléguy à elle seule. Rentrés à l'appartement, vers vingt et une heure, ils gagnèrent immédiatement la chambre à coucher et procédèrent aux rites qui précédaient pour la mise au lit. La lumière éteinte, M. Dufourq, soit indulgence, soit pitié, soit impuissance à exprimer par des mots les sentiments complexes qui l'animaient, tendit la main droite et pour la première fois depuis qu'ils étaient mariés, posa cette main sur le front de son épouse, et lui effleura les cheveux.
Mlle d'Urruty resta immobile quelques secondes,le corps sec, tendu à se rompre, puis elle poussa un sourd gémissement, pivota sur le côté et, pour la première fois depuis qu'elle avait épousé M. Dufourcq, se rapprocha de lui à le toucher. Elle tendit, elle aussi, la main droite et, sans trembler, la posa sur le ventre du vieil homme.
Pierre Bourgeade, L'Empire des livres
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