de Molière
Jacques Osinski
Mise en scène
Jacques OsinskiAvec
Christine Brücher (Frosine), Clément Clavel (La Flèche), Jean-Claude Frissung (Harpagon), Delphine Hecquet (Marianne), Alice Le Strat (Elise), Alain Payen (Valère), Arnaud Simon (Cléante), Grégoire Tachnakian (Valère)Dramaturgie, Marie Potonet
Scénographie, Christophe Ouvrard
Costumes, Hélène Kritikos
Lumières, Catherine Verheyde
Mercredi 24 et jeudi 25 janvier à 20h
Théâtre Jean-Claude CarrièreDurée : 2h
Tarifs : 20 €, 16 €, 12 €
Paranoïa, or not Paranoïa ?
Une belle salle, emplie comme aux plus beaux soirs, et un plateau transformé en appartement bourgeois contemporain... le noir, une ombre furtive, lampe frontale éclairée, qui en " loucedé " se coule jusqu'à un coffre mural : le sujet est lancé !
Jacques Osinski, intelligemment, replace l'œuvre immortelle de Molière dans un contexte que ne renierait pas la " série noire ". La sauce prend et le jeu des acteurs aidant on ne peut qu'adhérer à une représentation où, deux heures durant, nous nous trouvons confrontés à des situations sommes toutes actuelles. Laissons la parole au metteur en scène : " J'ai envie d'observer cette vie de famille comme on observe par le trou de la serrure" . Il dissèque les rapports père-fils, décortique la névrose du vieillard et, in fine, lui trouve des " circonstances atténuantes ".
Il déroule l'histoire comme un roman policier, un fait divers dont l'élucidation fait tomber les masques.
Néanmoins, malgré une prestation d'acteur remarquable, on atteint vite les limites du jeu. Le texte, ce sublime texte de Molière, dont on redécouvre avec bonheur toute l'intemporalité, est pourtant marqué par son temps. Il n'y a rien à faire, les sols, les écus, les pistoles, ne sont en rien des " bank-notes " et rosser ses gens, sa famille, n'est plus tout à fait dans nos mœurs ! Je ne sais pas si le crime de " lèse-majesté " aurait pu être accepté mais, me semble t-il, une légère adaptation, sans rien altérer au monument, aurait pu être envisagée.
Cela ne change rien au plaisir éprouvé... deux heures qui passent en un souffle, des souvenirs qui reviennent en foule et un texte, que l'on se surprend à dire avec les acteurs, qui n'a pris une ride. Molière, raconté aussi il y a peu par Jacques Weber (cf. notre article " Le roman de M. de Molière " ), reste le plus " moderne " de nos auteurs.
Jean-Claude Frissung campe un Harpagon tout à sa démence envahissante, entre tyran domestique et " barjo " affirmé. Pas d'excès, loin des de Funès, des Jouvet, des Dullin, de la folie en devenir, seulement ! Le reste de la troupe ne démérite pas, ils sont bons. Peut-être un problème de débit avec le personnage d' Elise, belle Alice Le Strat, sa première scène est un peu confuse. Il est vrai que la façon de dire Molière - Ah, Lucchini d 'Alceste à bicyclette ! - a bien changé : dic - ti - on est redevenu, platement, diction !
Il me semble intéressant, avant de conclure, de vous parler de ma voisine de siège. Jeune artiste hollandaise, en France depuis plusieurs années, elle faisait hier soir sa première incursion dans le monde magique du " Théâtre Français ". Belle surprise, elle a aimé et même ri ! Peut-on rêver de plus belle vitrine pour notre pays, notre culture, qu'une scène de Molière avec de bons interprètes dans un lieu d'exception.
En son nom, au nom de tous les spectateurs de ce mercredi soir, un grand merci à Molière, à Osinski, à Frissung, à la troupe et, surtout, un TRES GRAND MERCI au festival d'Hiver, à Lisa Cirenei, au domaine d'O et à son équipe.
Remercier, souhaiter que ces belles et bonnes choses se poursuivent, est-ce trop demander en cet encore début d'année ! Marc Ely, pour IDHERAULT.TV