On croit souvent que Hayek défend l’égoïsme et l’individualisme. Cela est faux. Ce qu’il défend, c’est que la collaboration humaine est nécessaire pour le développement de la société ; que la grande caractéristique du marché est de nous permettre de travailler les uns pour les autres, non seulement pour nous-mêmes ; et la gouvernance autoritaire de haut en bas n’est pas la source de l’ordre ni des progrès, mais son obstacle. Je vais plus loin, et j’ajoute qu’il n’y a rien de plus antisocial (ou appauvrissant) que la recherche de l’autosuffisance. Ces idées de Hayek ne sont ni conservatrices, ni réactionnaires : au contraire, la société fonctionne mieux grâce au partage égalitaire et au service mutuel, plutôt que par le contrôle de l’État, la hiérarchie et la planification. Le point de vue de Hayek dans son célèbre essai de 1945, L’utilisation de la connaissance dans la société, est que la planification centrale ne peut pas fonctionner, car elle tente de substituer une intelligence omnisciente à un système distribué et fragmenté avec des connaissances localisées mais reliées.
NON, INTERNET N’APPAUVRIT PAS LA SOCIÉTÉ
C’est par essence de l’anti-élitisme, et – oserais-je dire – du populisme, que d’accuser Internet d’appauvrir la société humaine. Selon les termes de Hayek :C’est un avantage considérable de connaître les hommes, les conditions locales et les circonstances particulières… mais la méthode par laquelle une telle connaissance peut être mise à disposition de manière aussi étendue que possible est précisément le problème auquel nous devons trouver une solution.Sa réponse, bien sûr, était le mécanisme des prix. (note du traducteur : j’ajouterais aussi le Droit en complément des prix, comme le dit souvent Hayek) En revanche, le commerce crée un cerveau de résolution collective des problèmes aussi grand que le réseau commercial lui-même. Il se fonde sur la connaissance dispersée et fragmentée pour créer des choses que personne ne peut même comprendre, des totalités plus complexes que la somme de leurs parties individuelles.
SPÉCIFICITÉ DES ÉCHANGES HUMAINS
Aucun autre animal ne présente cette qualité. Il y a échange et spécialisation au sein des familles, même les familles énormes comme celles des fourmis, ce qui donne une colonie de fourmis, intelligence collective considérable ; mais au sein d’une parenté. Les échanges entre les étrangers est une caractéristique unique des hominidés modernes. Comme Adam Smith le dit :Aucun homme n’a jamais vu un chien faire délibérément l’échange d’un os avec un autre chien.L’échange, tel qu’il est pratiqué par des personnes pour environ les 100.000 dernières années (mais peut-être pas par les Néandertaliens) est un surgénérateur, une réaction en chaîne. Plus vous échangez, plus il est payant de se spécialiser, et plus vous vous spécialisez, plus il est payant d’échanger. Il y a une boucle de rétroaction positive.
L’ACCUMULATION LIÉE À L’ÉCHANGE
Comme Hayek l’a dit (note du traducteur : il s’agit d’une citation de La Route de la Servitude),Si la division du travail a atteint le degré qui rend la civilisation moderne possible, c’est parce qu’on n’a pas eu besoin de la créer consciemment, et parce que l’homme a rencontré par hasard une méthode qui permet de porter la division du travail beaucoup plus loin qu’on n’aurait pu le faire de propos délibéré.L’invention de l’échange a eu le même impact sur la culture humaine que le sexe a eu sur l’évolution biologique, elle l’a rendue cumulative. Ainsi, le progrès technologique humain ne dépend pas de l’intelligence individuelle, mais de l’échange collectif des idées. Le Cloud, le crowd-sourced, n’est pas une idée nouvelle du tout. C’est la source de toute invention humaine au long de l’histoire. Voilà pourquoi toutes les technologies auxquelles vous pouvez penser sont des combinaisons d’autres technologies.