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Le brouillard de la guerre
Vision dérangeante que celle de la campagne de Russie de Napoléon, proposée par Léon Tolstoï, dans Guerre et Paix :
« A la suite de ces rapports, faux par la force même des circonstances, Napoléon faisait des dispositions qui, si elles n’avaient pas déjà été prises par d’autres d’une manière plus opportune, auraient été inexécutables. Les maréchaux et les généraux, plus rapprochés que lui du champ de bataille et ne s’exposant aux balles que de temps à autre, prenaient leurs mesures sans en référer à Napoléon, dirigeaient le feu, faisaient avancer la cavalerie d’un côté et courir l’infanterie d’un autre. Mais leurs ordres n’étaient le plus souvent exécutés qu’à moitié, de travers ou pas du tout. »
« Le rapport des forces de deux armées, reste toujours inconnu. Crois-moi : si le résultat dépendait toujours des ordres donnés par les états-majors, j’y serais resté, et j’aurais donné des ordres tout comme les autres ; mais, au lieu de cela, tu le vois, j’ai l’honneur de servir avec ces messieurs, de commander un régiment, et je suis persuadé que la journée de demain dépendra plutôt de nous que d’eux ! ».
Bien, bien loin des visions classiques de la stratégie !
L’issue d’une guerre ne serait-elle que le fruit des actions locales? Le rôle d’un général en chef comme Napoléon ne serait-il qu’anecdotique, et serait-il seulement de recueillir in fine les lauriers de la victoire ou la honte de la défaite ? Un usurpateur en quelque sorte…
Non, bien sûr !
Mais il n’est pas d’élaborer une stratégie théorique détaillée et de se raidir dans la volonté de la mettre en œuvre telle quelle.
Trop de hasards et d’incertitudes pour cela, trop de « brouillard de la guerre » pour reprendre l’expression de Carl Von Clausewitz : rien ne se passera comme prévu et la réalité vécue sera bien éloignée de la vision théorique initiale.
Moins de plans stratégiques qui prévoient tout à l’avance, moins de plans d’actions prévisionnels ciselés dans la moindre virgule, moins de tableurs Excel qui prétendent modéliser le futur.
Davantage de décentralisation, davantage de responsabilisation des acteurs de terrain, davantage de confiance dans leurs observations et leurs décisions !