Le sanibroyeur était trop bruyant

Publié le 24 janvier 2018 par Christophe Buffet


"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 26 avril 2016), que M. et Mme X..., propriétaires, dans un immeuble en copropriété, d'un lot composé d'un grenier, ont réalisé des travaux le rendant habitable ; que, se plaignant de nuisances sonores, M. et Mme Y..., propriétaires d'un lot composé d'un appartement situé en-dessous, les ont, après expertise, assignés en enlèvement de l'escalier, du système d'écoulement des eaux et du sanibroyeur ;

Sur les premier, deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'enlèvement du sanibroyeur, l'arrêt retient que le bruit émis, s'il est excessif, peut être réduit en confortant la descente d'eaux usées avec une plaque de plâtre ;

Qu'en statuant ainsi, sans ordonner la cessation du trouble dont elle constatait l'existence, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. et Mme Y... de leur demande d'enlèvement du sanibroyeur, l'arrêt rendu le 26 avril 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... et les condamne à payer à M. et Mme Y... la somme globale de 1 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...,

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les époux Y... de leur demande d'enlèvement de l'escalier ;

AUX MOTIFS, d'une part, QUE l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot et qu'il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ; que s'agissant de l'escalier installé par les époux X... dans l'angle du lot n°4 pour accéder au lot n°5, il ressort du rapport de M Jean-Pierre Z... en date du 3 mai 2011, acousticien et ingénieur C et M, expert près la cour d'appel de Grenoble et désigné en qualité de sapiteur dans le cadre de l'expertise confiée à M. Serge A... par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Gap du 17 février 2010 :

- que le positionnement de l'escalier au-dessus de la chambre à coucher des époux Y... est particulièrement mal venu surtout en cas de rythme de vie non synchrone dans les deux logements,

- que l'impact sonore sur le plancher en bas de l'escalier est très supérieur à celui d'une marche normale,

- que pour quantifier le phénomène dans la chambre des intimés, il a été demandé à chacune des personnes présentes à la réunion de traverser la pièce du séjour, de monter l'escalier, de le redescendre et de revenir vers la porte d'entrée,

- que l'exercice a été effectué deux fois : une première à une allure modérée, une seconde avec un peu plus de vivacité,

- que pour la première série, les impacts (boum-boum) s'élevaient entre 28 et 37 dB(A),

- que pour la seconde série les impacts s'élevaient entre 34 et 43-44 dB (A),

- que la littérature s'accorde sur le fait que le sommeil n'est pas perturbé tant que le niveau sonore ne dépasse pas 30 à 35 dB(A),

- que dans le cas d'espèce, il ne s'agit pas d'un bruit régulier mais impulsif donc plus gênant ; qu'il est donc établi que l'escalier provoque des nuisances sonores au préjudice des époux Y... ; que pour autant, le bruit n'est pas régulier et Monsieur Jean-Pierre Z... préconise d'une part, pour éliminer très fortement l'effet boum-boum de la marche normale, de poser un doublage en plaque de plâtre en sous-face du plancher accroché à une ossature primaire indépendante genre STILPRIM 100 de Placoplatre fixée de mur à mur entre les poutres sans reprise intermédiaire, et d'autre part, pour supprimer les bruits sourds de descente de l'escalier, de désolidariser les limons du mur en mettant des blocs de matériau antivibratile, de disposer le même matériau entre les appuis des limons sur le plancher et de mettre un amortisseur au pied de escalier ; que la demande d'enlèvement de l'escalier sera donc rejetée ;

1°) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que l'escalier provoquait des nuisances sonores caractérisant un trouble anormal du voisinage ; qu'en énonçant pour débouter les époux Y... de leur demande d'enlèvement de l'escalier que l'expert judiciaire préconisait des travaux de nature à atténuer ou supprimer les nuisances, sans cependant ordonner que les époux X... réalisent les travaux ainsi préconisés ni constater un engagement de leur part à cet égard ; la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage et l'article 1382 du code civil ;

2°) ALORS EN OUTRE QU'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est abstenue de réparer le préjudice résultant des nuisances sonores de l'escalier, dont elle constatait pourtant l'existence en son principe, violant l'article 4 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur et Madame Y... de leur demande d'enlèvement du système d'écoulement des eaux ;

AUX MOTIFS d'une part QUE s'agissant de la demande d'enlèvement du système d'écoulement des eaux, M. Jean-Pierre Z... a relevé dans le séjour des époux Y... un bruit de dilation de la tuyauterie en provenance de l'appartement des époux X... se manifestant par des bruits très impulsifs en fonction de la demande d'eau chaude ou d'eau froide et a mesuré le niveau du bruit entre 30 et 34 dB(A) pour une réglementation à 30 dB(A) maximum et 3 dB(A) de tolérance ; que le bruit n'est pas excessif et M Jean-Pierre Z... préconise I'intervention d'un plombier ; que le rejet de la demande d'enlèvement du système d'écoulement des eaux sera donc confirmé ;

ET AUX MOTIFS PROPRES, d'autre part, QUE sur la demande de dommages-intérêts présentée par les époux Y... au titre du trouble anormal du voisinage, il résulte des développements qui précèdent que le trouble anormal du voisinage invoqué par les époux Y... est caractérisé ; que la somme de 5 000 euros allouée par le tribunal en réparation de leur préjudice est justifiée et sera confirmée ;

1°) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que le système d'écoulement des eaux provoquait des nuisances sonores excédant le seuil réglementaire ; qu'en énonçant, pour débouter les époux Y... de leur demande d'enlèvement du système d'écoulement, que l'expert judiciaire préconisait l'intervention d'un plombier, sans ordonner que les époux X... réalisent les travaux de plomberie préconisés, cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage et l'article 1382 du code civil ;

2°) ET ALORS QU'en statuant ainsi la cour d'appel, qui s'est abstenue de de réparer le préjudice résultant des nuisances sonores du système d'écoulement des eaux, dont elle constatait pourtant l'existence en son principe, a violé l'article 4 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur et Madame Y... de leur demande d'enlèvement du sanibroyeur ;

AUX MOTIFS d'une part QUE s'agissant de la demande d'enlèvement du sanibroyeur, M Jean-Pierre Z... a relevé que le sanibroyeur, installé dans le lot n°5 des époux X..., produit un niveau Lpa de 40 dB(A) dans la cuisine des époux Y... et de 35,7 dB(A) dans leur salle à manger ; que ce bruit, s'il est excessif, peut être réduit, selon le sapiteur, en confortant la descente d'eaux usées avec une plaque de plâtre et 30 mm de fibre minérale ; que le rejet de la demande d'enlèvement du sanibroyeur sera donc également confirmé ;

ET AUX MOTIFS PROPRES, d'autre part, QUE sur la demande de dommages-intérêts présentée par les époux Y... au titre du trouble anormal du voisinage, il résulte des développements qui précèdent que le trouble anormal du voisinage invoqué par les époux Y... est caractérisé ; que la somme de 5 000 euros allouée par le tribunal en réparation de leur préjudice est justifiée et sera confirmée ;

1°) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que le sanibroyeur provoquait des nuisances sonores excédant le seuil réglementaire ; qu'en énonçant pour débouter les époux Y... de leur demande d'enlèvement du sanibroyeur, que l'expert judiciaire préconisait la réalisation de travaux, sans cependant ordonner que les époux X... réalisent les travaux préconisés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, ensemble le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage et l'article 1382 du code de procédure civil ;

2°) ET ALORS QU'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est abstenue de de réparer le préjudice résultant des nuisances sonores, dont elle avait pourtant constaté l'existence en son principe, a violé l'article 4 du code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, confirmatif de ce chef, d'AVOIR limité au montant de 5.000 euros la somme allouée aux consorts Y... en réparation de leur préjudice de jouissance résultant des troubles anormaux de voisinage ;

AUX MOTIFS ADOPTES QU' aux termes de l'article 9 de la loi de 1965 chaque propriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; qu'il jouit et use librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble; que cet article reprend les termes de l'article 544 du code civil suivant lequel la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements, que ce droit est limité par l'obligation qu'a le propriétaire de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage ; qu'en l'espèce il est manifeste que les modifications réalisées par les époux X... sans autorisation de la copropriété ont entraîné des nuisances sonores pour leurs voisins; que si certaines des nuisances alléguées n'apparaissent pas comme anormales au regard des habitudes de vie de la famille X... malgré le changement de la nature d'occupation du logement ni au regard des constats de l'expert judiciaire, en revanche les nuisances sonores dues à l'installation d'un sanibroyeur qui ont été mesurées apparaissent comme anormales au regard des normes admises ; que la demande de suppression pure et simple de l'installation devra être rejetée dans la mesure où elle a été réalisée dans une partie privative, et n'est pas reliée au réseau commun ; que cependant le préjudice sonore subi par les époux Y... est anormal et constitue de manière certaine un trouble du voisinage ; que ce préjudice sera justement indemnisé par la condamnation des époux X... à leur payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts ;

AUX MOTIFS PROPRES, d'une part, QUE l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot et qu'il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ; que s'agissant de l'escalier installé par les époux X... dans l'angle du lot n°4 pour accéder au lot n°5, il ressort du rapport de M Jean-Pierre Z... en date du 3 mai 2011, acousticien et ingénieur C et M, expert près la cour d'appel de Grenoble et désigné en qualité de sapiteur dans le cadre de l'expertise confiée à M. Serge A... par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Gap du 17 février 2010 :

- que le positionnement de l'escalier au-dessus de la chambre à coucher des époux Y... est particulièrement mal venu surtout en cas en de rythme de vie non synchrone dans les deux logements,

- que l'impact sonore sur le plancher en bas de l'escalier est très supérieur à celui d'une marche normale,

- que pour quantifier le phénomène dans la chambre des intimés, il a été demandé à chacune des personnes présentes à la réunion de traverser la pièce du séjour, de monter l'escalier, de le redescendre et de revenir vers la porte d'entrée,

- que l'exercice a été effectué deux fois : une première à une allure modérée, une seconde avec un peu plus de vivacité,

- que pour la première série, les impacts (boum-boum) s'élevaient entre 28 et 37 dB(A),

- que pour la seconde série les impacts s'élevaient entre 34 et 43-44 dB (A),

- que la littérature s'accorde sur le fait que le sommeil n'est pas perturbé tant que le niveau sonore ne dépasse pas 30 à 35 dB(A),

- que dans le cas d'espèce, il ne s'agit pas d'un bruit régulier mais impulsif donc plus gênant ; qu'il est donc établi que l'escalier provoque des nuisances sonores au préjudice des époux Y... ; que pour autant, le bruit n'est pas régulier et Monsieur Jean-Pierre Z... préconise d'une part, pour éliminer très fortement l'effet boum-boum de la marche normale, de poser un doublage en plaque de plâtre en sous-face du plancher accroché à une ossature primaire indépendante genre STILPRIM 100 de Placoplatre fixée de mur à mur entre les poutres sans reprise intermédiaire, et d'autre part, pour supprimer les bruits sourds de descente de l'escalier, de désolidariser les limons du mur en mettant des blocs de matériau antivibratile, de disposer le même matériau entre les appuis des limons sur le plancher et de mettre un amortisseur au pied de escalier ; que la demande d'enlèvement de l'escalier sera donc rejetée ; que s'agissant de la demande d'enlèvement du système d'écoulement des eaux, M. Jean-Pierre Z... a relevé dans le séjour des époux Y... un bruit de dilation de la tuyauterie en provenance de l'appartement des époux X... se manifestant par des bruits très impulsifs en fonction de la demande d'eau chaude ou d'eau froide et a mesuré le niveau du bruit entre 30 et 34 dB(A) pour une réglementation à 30 dB(A) maximum et 3 dB(A) de tolérance ; que le bruit n'est pas excessif et M Jean-Pierre Z... préconise I intervention d'un plombier ; que le rejet de la demande d'enlèvement du système d'écoulement des eaux sera donc confirmé ; que s'agissant de la demande d'enlèvement du sanibroyeur, M. Jean-Pierre Z... a relevé que le sanibroyeur, installé dans le lot n°5 des époux X..., produit un niveau Lpa de 40 dB(A) dans la cuisine des époux Y... et de 35,7 dB(A) dans leur salle à manger ; que ce bruit, s'il est excessif, peut être réduit, selon le sapiteur, en confortant la descente d'eaux usées avec une plaque de plâtre et 30 mm de fibre minérale ; que le rejet de la demande d'enlèvement du sanibroyeur sera donc également confirmé ;

ET AUX MOTIFS PROPRES, d'autre part, QUE sur la demande de dommages-intérêts présentée par les époux Y... au titre du trouble anormal du voisinage, il résulte des développements qui précèdent que le trouble anormal du voisinage invoqué par les époux Y... est caractérisé ; que la somme de 5 000 euros allouée par le tribunal en réparation de leur préjudice est justifiée et sera confirmée ;

ALORS QU'après avoir constaté que l'escalier, le système d'écoulement des eaux et le sanibroyeur provoquaient des nuisances sonores caractérisant un trouble anormal du voisinage, la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il avait alloué aux consorts Y... une somme de 5.000 euros en réparation du préjudice causé par les nuisances sonores émanant du sanibroyeur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est abstenue de réparer les nuisances sonores dues à l'escalier et au système d'écoulement des eaux, se bornant à réparer le seul préjudice de jouissance relatif au sanibroyeur, en violation de l'article 1382 du code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage et le principe de la réparation intégrale."